Un organisme américain a annoncé, le 1er février, être parvenu à placer une copie de Wikipédia en orbite. Véritable avancée dans le domaine de l’archivage pour les uns, expérience fantaisiste pour les autres, la première archive spatiale questionne les experts.
Loin de l’image des pièces poussiéreuses remplies de vieux ouvrages, l’archivage connaît lui aussi son lot d’innovations. Récemment, une version de Wikipédia a même été envoyée… dans l’espace ! Une véritable réussite pour l’Arch Mission Foundation, un organisme non gouvernemental américain, qui a collaboré avec la plateforme spatiale communautaire SpaceChain.
Pour cela, une copie des pages de l’encyclopédie numérique Wikipédia a été gravée sur un disque de cristaux de quartz, une sorte de super disque dur, transporté par un satellite. Ce dernier a décollé à bord d’une roquette en octobre 2018, depuis le Centre de lancement de satellites Taiyuan à Xinzhou (Chine).
L’Arch Mission Foundation avait déjà testé sa technologie de stockage l’an dernier avec le lancement du premier vol de la fusée Falcon Heavy de Space X. Elle transportait à son bord un roaster Tesla avec un autre disque de quartz sur lequel a été gravé l’œuvre de science-fiction d’Isaac Asimov, Fondation.
Préserver le savoir de l’humanité
Au-delà de l’expérience scientifique, le partenariat entre les deux organismes, Arch Mission Foundation et SpaceChain, s’inscrit dans une volonté de préserver les connaissances de l’humanité et de propager ce savoir à travers le système solaire, dans l’espoir qu’il serve aux futures générations.
«L’Orbital Library est le début d'un anneau de sauvegarde de données en orbite autour de la Terre. Elle constitue la première archive extra-terrestre et la première étape dans la création de davantage de bibliothèques Arch, qui préserveront la connaissance et la culture humaine», a déclaré le cofondateur de l’Arch Mission Foundation, Nova Spivack, dans un communiqué.
Selon lui, ces données ne seront pas perdues et pourront même être préservées pendant des millions voire des milliards d’années «grâce à une réplication massive autour du système solaire».
À l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), conserver et transmettre les informations sur les sites d’enfouissement des déchets radioactifs est un enjeu crucial. Leur objectif est d’éviter que les générations futures tombent sur ces centres par hasard et sans connaître ce qu’ils contiennent.
Conscient de l’importance de trouver des solutions de stockage durables, Thibaut Girard, archiviste à l’agence, reste toutefois sceptique quant à l’archivage dans l’espace. Pour lui, les entreposer dans l’espace aussi longtemps sans qu’elles soient endommagées est utopique : «C’est une vision fantaisiste de l’archivage.»
Ce dernier reste, en effet, sceptique sur l’efficacité de cette méthode d’archivage : «Garder les données est une chose. Y accéder et les comprendre en est une autre». Difficile en effet d’imaginer des humains découvrir Wikipédia dans un million d’années.
L’incertitude plane également pour Céline Guyon, vice-présidente de l’Association des archivistes français. S’il n’y a pas de clefs explicatives permettant de décrypter les données brutes, la chercheuse doute qu’elles soient compréhensibles dans des millions d’années. Céline Guyon félicite toutefois cette initiative qui permettrait de faire avancer la pratique de l’archivage. «On a bien été capable de décrypter les hiéroglyphes», nuance-t-elle.
Direction la Lune
L’Arch Mission Foundation ne compte pas s’arrêter là dans son vaste projet de protection du savoir de l’Homme. Cette année, elle va d’ailleurs envoyer des données sur la Lune en collaboration avec SpaceIL, une entreprise israélienne ayant développé un atterrisseur lunaire dans le cadre du concours international Google Lunar X Prize.
En 2020, un deuxième envoi est également prévu avec Astrobotic, une société privée américaine spécialisée dans les technologies adaptées aux missions lunaires et planétaires.
Louise Claereboudt