Le stockage de l'énergie solaire représente un enjeu important pour l'Allemagne. Parc solaire près de Düren. Crédits : Oliver Weckbrodt/Flickr.
La catastrophe de Fukushima en mars 2011 a provoqué un revirement sans précédent dans la politique énergétique allemande. A peine deux mois après l'accident au Japon, le gouvernement d'Angela Merkel a décidé que le pays sortira du nucléaire d'ici 2022. Bien que l'énergie nucléaire ait toujours été moins importante en Allemagne qu'en France, le projet reste ambitieux. Des 17 centrales nucléaires allemandes, 8 ont déjà été fermées. Les 9 restantes suspendront leur activité au fur et à mesure dans les années à venir. En même temps, le pays a accéléré le développement de nouvelles technologies ainsi que la construction de nouveaux parcs solaires et d'éoliennes. Les efforts ne sont pas restés sans effet : aujourd'hui, un quart de l'énergie consommée en Allemagne provient du renouvelable.
Pourtant, l' « Energiewende », comme on appelle le tournant énergétique en Allemagne, est loin d'être conclu. Ce jeudi encore, Angela Merkel rencontre les ministres de l'économie et de l'environnement ainsi que les représentants des entreprises et des mouvements écologiques pour se mettre d'accord sur les grandes lignes des mesures à prendre. Retour sur les principaux enjeux.
D'ici 2022, l'Allemagne devra garantir que l'énergie renouvelable réponde à la demande énergétique du pays entier, du Nord au Sud et de l'Ouest à l'Est. Pour l'instant, on en est pas là. Ainsi, l'énergie éolienne qui constitue la part la plus importante parmi les différentes énergies renouvelables, est majoritairement produite dans le Nord du pays, en raison des conditions météorologiques. Dans les années à venir, l'Allemagne envisage d'augmenter sa production et souhaite installer plusieurs nouveaux parcs d'éoliennes dans la Mer du Nord. Dans le Sud du pays, en revanche, l'énergie nucléaire reste une dominante : 6 des 9 centrales nucléaires en activité y sont situées. Quand celles-ci fermeront, le Sud dépendra de l'énergie éolienne produite dans le Nord. Mais pour l'instant, la capacité des réseaux n'est pas suffisante pour assurer le transport. Voilà pourquoi le gouvernement envisage la construction de trois lignes supplémentaires de haute tension. Au total, le réseau devrait être élargi de 2800 kilomètres. De plus, 2900 kilomètres du réseau existant devront être assainis pour être en mesure d'accueillir les énergies renouvelables. Au total, ce chantier coûtera dix milliards d'euros au pays.
Autre enjeu : trouver des moyens pour stocker les énergies renouvelables. Car, contrairement aux centrales nucléaires, les éoliennes et les panneaux solaires connaissent des pics et des creux de production. Les centres de recherche en Allemagne spécialisés sur les énergies renouvelables, tel que le Fraunhofer Institut, travaillent à fond sur la problématique. Des batteries capables de stocker l'énergie solaire aux stations de transfert d'énergie par pompage, les approches sont multiples. Mais pour l'instant, la plupart des systèmes de stockage est encore trop chère pour s'en servir à grande échelle. Le gouvernement allemand continue donc à investir : en 2011, il a consacré plus de 200 millions d'euros à la recherche dans le domaine du renouvelable.
Le financement du tournant énergétique constitue justement un autre enjeu. Ces jours-ci, l'augmentation du prix de l'énergie crée à nouveau la polémique en Allemagne. La hausse est, en effet, due à la politique énergétique du gouvernement. L'augmentation de la part des énergies renouvelables étant une volonté politique, le gouvernement en subventionne la production. Pour financer ces subventions, Berlin a décidé de mutualiser les coûts : c'est le consommateur qui les paye via le prix de l'énergie. Actuellement, un foyer de quatre personnes dépense environ 185 euros de plus par an pour financer les énergies renouvelables. Face aux critiques, le ministre de l'environnement, Peter Altmaier, a réagi. Il veut plafonner cet instrument de mutualisation des coûts. "Les subventions ne devront plus augmenter avant fin 2014", a-t-il annoncé. Ensuite, la hausse ne devra pas dépasser les 2,5 % par an. Evidemment, les propos du ministre ont été vivement critiqués à gauche, ainsi que par les écologistes.
Si l'Allemagne veut tenir sa promesse de sortir du nucléaire d'ici 2022, un accord sur le financement doit être trouvé le plus rapidement possible. Pourtant, il est peu probable que cela soit le cas avant les élections législatives en septembre 2013.
Änne Seidel