Le pape François, qui n'a eu de cesse de condamner l'invasion de l'Ukraine par la Russie, est arrivé mardi au Kazakhstan, où s'ouvre un concile interreligieux de trois jours. Le patriarche de Moscou Kirill, proche du pouvoir russe, a annulé sa venue sans donner d'explication.
Nur-Sultan, capitale du Kazakhstan, s'apprête à accueillir une centaine de délégations pour participer au VIIe Congrès des religions mondiales et traditionnelles. Cuej.Info / Алексей Тараканов
Leur rencontre aurait pu marquer une nouvelle étape dans le rapprochement des deux branches de la chrétienté, irréconciliables depuis le schisme de 1054. Le pape François et le patriarche Kirill, les représentants respectifs des églises catholique et orthodoxe, n'auront finalement pas l'occasion d'échanger au cours du VIIe Congrès des religions mondiales et traditionnelles, qui débute ce mardi 13 septembre à Nur-Sultan (anciennement Astana), capitale du Kazakhstan.
Si le patriarche moscovite n'a pas annoncé les raisons de son absence à ce dialogue interreligieux qui réunira une centaine de délégations venues de plus de 50 pays, la vive condamnation par le pape de l'invasion de l'Ukraine par la Russie constitue l'explication la plus probable.
Kirill, un patriarche va-t-en-guerre
Fervent soutien de « l'opération militaire spéciale » – l'expression officielle en vigueur en Russie pour désigner l'invasion de l'Ukraine lancée le 24 février 2022 – le patriarche moscovite avait, dès les premiers jours du conflit, qualifié de « forces du mal » les puissances étrangères opposées à « la réunification des peuples frères » que sont à ses yeux les Russes et les Ukrainiens. Des éléments de langages calqués sur ceux de Kremlin et que n'a cessé de marteler Vladimir Poutine depuis le début de la guerre.
Cette proximité n'a pas échappée aux alliés de l'Ukraine. Le 16 juin dernier, le Royaume-Uni a sanctionné le métropolite dans le cadre d'un train de sanction visant les proches du président russe. Il est désormais interdit de séjour en Grande-Bretagne, et ses avoirs y sont gelés.
Côté européen, les choses sont plus compliquées. La Commission européenne avait proposée d'exercer des sanctions similaires, mais le véto de la Hongrie avait finalement dissuadé les Vingt-Sept d'inscrire le patriarche sur leur liste noire.
Le pape François, qui a qualifié à plusieurs reprises d'« inacceptable » et de « barbare » l'invasion, n'a jamais condamné nommément ni Vladimir Poutine, ni le patriarche Kirill. S'il ne s'est pas prononcé sur l'absence remarquée de Kirill, les prises de position du pape sur le conflit ukrainien pourraient en être la raison.
Deux églises irréconciliables ?
En l'absence du représentant de l'église orthodoxe, le rapprochement entre les deux branches chrétienne, amorcé dans les années 60, en pleine guerre froide, risque de s'enliser. Une étape historique dans ce processus avait pourtant été atteinte il y a six ans. Le 12 février 2016, les deux figures tutélaires s'étaient entretenus à la Havane. C'était la première rencontre entre un pape et un patriarche de Moscou depuis 1054, date du schisme des églises catholique et orthodoxes.
Si la rencontre avait semblé fraternelle à l'époque (le pape François et le patriarche s'étaient embrassé, donné l'accolade, et avaient déclaré conjointement que leur réunion étaient l'expression de « la volonté de Dieu »), des points de dissensions existaient déjà.
En effet, à l'époque, la Russie avait menée une première invasion de l'Ukraine, achevée en 2014 par la quasi-annexion de la Crimée et d'une partie du Donbass et par la constitution des « républiques autonomes ». Toujours en 2016 mais au Proche-Orient cette fois, la Russie était engagée dans une féroce opération militaire en Syrie, aux côtés des forces de Bachar el-Assad.
Si le pape, préoccupé par la situation des chrétiens d'Orient, n'avait pas ouvertement condamné la Russie à l'époque, il avait toutefois regretté les exactions commises à l'encontre des civils. Le patriarche Kirill, lui, soutenait déjà avec enthousiasme l'armée russe.
Matei Danes