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Elle est devenue leur symbole. Sur les tracts de campagne, sur les affiches, mais aussi sur les pin’s accrochés à leurs vestes : elle est partout, comme un rappel de leur mouvement. La statue de la Liberté. Celle qui trône sur leur rond-point, là où les gilets jaunes de Colmar se sont retrouvés.

Tous les deux proches de La France insoumise (LFI), Alice Bass et Benoît Legrand se sont rencontrés là il y a un an et demi. « En 2017, j’ai tracté à Colmar pour Jean-Luc Mélenchon », raconte Alice Bass, qui s’était déjà engagée en politique. Mais en novembre 2018, au début des protestations, ils l’assurent : il n’était pas question de se lancer dans la campagne des municipales.

Aujourd’hui, ils occupent pourtant la deuxième et la troisième place de la liste Ouverture citoyenne, qui regroupe gilets jaunes, syndicalistes, écologistes, insoumis et communistes. Tous sont emmenés par Michaël Meguellati, lui aussi gilet jaune et présent sur les ronds-points dès le début du mouvement.

« C’est en janvier 2019 que nous avons eu l’idée de nous présenter, après avoir été délogés du rond-point de la Liberté [le 18 décembre 2018] ». Ce qui les a décidé à se lancer, ce sont les « méthodes autoritaires » employées alors par le maire, Gilbert Meyer.

Une victoire utopique

Les gilets jaunes n’imaginaient pas non plus mener leur propre liste. Jusqu’à novembre 2019, ils pensaient pouvoir travailler avec Frédéric Hilbert, le candidat des Verts à Colmar. Mais Benoît Legrand évoque des points de vue divergents : « Frédéric Hilbert devait forcément être tête de liste, nous ne pouvions pas revenir dessus. Et puis, nous n’étions pas d’accord sur le programme, nous avions l’impression de ne pas pouvoir donner nos idées ».

Ils n’approuvaient pas non plus le rôle de leader endossé par la tête de liste. Si Michaël Meguellati occupe aujourd’hui la première position d’Ouverture citoyenne, ses colistiers l’assurent : il ne s’agit que d’une formalité, il n’a pas vocation à prendre le commandement de la campagne. Et en cas de victoire ? Autour de la table, chacun se regarde, un peu gêné, sans vraiment savoir comment répondre à la question. 

« C’est une question qui fâche. » Benoît Legrand reconnaît ne pas s’être projeté aussi loin, ne pas avoir envisagé la victoire. « Nous n’avons pas anticipé cette éventualité, il faudrait que nous discutions entre nous pour savoir quoi faire. » 

Michaël Meguellati finit par suggérer : « Il pourrait y avoir un maire tournant, avec des personnes différentes qui se succèdent pendant 6 ans. » De son côté, Alice Bass, la numéro deux, avoue que la victoire « reste de toute façon utopique ».

Encore quelques balbutiements

Au-delà de la liste, c’est le programme qu’il a fallu élaborer. À défaut d’une permanence de campagne, les colistiers se sont retrouvés dans les bars pour discuter et formuler leurs propositions. « Plusieurs réunions ont été nécessaires. Il ne s’agit finalement pas d’un programme pour les six prochaines années, mais d’une base de travail », explique Benoît Legrand. 

Principale revendication des gilets jaunes, le référendum d’initiative citoyenne (RIC), à l’échelle locale, est au cœur de leurs engagements. Pour Ouverture citoyenne, ce sont les Colmariens qui devront saisir le conseil municipal afin de soumettre leurs idées et définir l’agenda. « Nous nous sommes aussi inspirés de L’Avenir en commun [le programme de LFI, NDLR] », précise Michaël Meguellati. Ils ont aussi pioché des idées chez les communistes ou les écologistes, finit par reconnaître la tête de liste.

Puis il a fallu lancer la campagne. Là où toute une équipe, souvent rodée, se tient derrière chaque candidat, les colistiers d’Ouverture citoyenne, novices en politique, gèrent seuls le tractage, la conception et le collage des affiches. « Comme certains étaient déjà engagés, ils avaient un peu d’expérience, notamment dans la distribution de tracts, ce qui a pu nous aider », précise Benoît Legrand. Et d’ajouter : « Nous avons tous nos propres connaissances, chacun contribue à la campagne en fonction de ses compétences ».

Une campagne qui ne fait pas consensus

Mais la création d’une liste pour les municipales ne fait pas l’unanimité chez les gilets jaunes colmariens. Surtout chez ceux qui prônent un mouvement apolitique. D’autant qu’Ouverture citoyenne affiche une certaine proximité avec LFI. Si le mouvement de Jean-Luc Mélenchon a fourni plusieurs idées pour le programme, il s’est aussi abstenu de monter sa propre liste à Colmar en appelant à voter pour la liste citoyenne.

Ce soutien de LFI soulève aussi un problème de taille pour la suite. Le mouvement interdisant tout rapprochement avec certaines listes, l’évocation d’une fusion après le premier tour fait déjà débat. 

« C’est la seconde question qui fâche, annonce Benoît Legrand, sourire aux lèvres. Certains ne veulent pas entendre parler de rapprochement, avec aucune liste. D’autres pensent que c’est possible, avec Frédéric Hilbert (EELV) ou Tristan Denéchaud (MoDem). » Deux rapprochements pourtant difficilement envisageables : en novembre, les gilets jaunes ont claqué la porte de Frédéric Hilbert, qui leur en veut d’avoir repris certaines de ses propositions. Et Tristan Denéchaud est issu du MoDem, parti allié de la majorité en froid avec LFI depuis toujours.

Quel que soit le résultat de ces élections, les colistiers d’Ouverture citoyenne n’ont pas l’intention de ranger leur gilet jaune, « même si nous sommes élus », assure Benoît Legrand. Leurs idées, ils ne les défendront pas seulement au conseil municipal. Mais dans la rue aussi. 

Aurélien Gerbeault

On peut y découvrir ce qu’il confie à tous sur le marché et dans les réunions publiques  : « Je viens d’un milieu populaire, mon père était boulanger, il est orphelin. » S’ensuit la  comptine classique de la droite sur la valeur travail et le mérite : « Mon père n’hésitait jamais à se lever de table pour servir un client. » De quoi charmer les commerçants, qu’il cajole dans son programme, en promettant par exemple le stationnement gratuit entre midi et deux. S’il met l’accent sur ses origines familiales, Vetter fait moins l’étalage de sa vie conjugale – à la différence de son concurrent dans le rôle du gendre idéal, Alain Fontanel. Le candidat LR, contact facile, sourire charmeur et brushing impeccable, a certes moins besoin de paraître humain aux yeux des électeurs que le premier adjoint sortant. 

L’argument sportif 

Pour engranger les voix, Jean-Philippe Vetter mise aussi sur son passé de sportif. « Chaque fois que je suis entré sur un terrain de tennis, c’était pour gagner  », a-t-il métaphorisé sur le plateau de France 3. Titulaire d’une maîtrise en STAPS, il renvoie une image de battant : « Il a remporté l’investiture de LR au tie-break [un jeu décisif lors d’un match de tennis NDLR] », souffle d’admiration son ami Thierry Roos, ancien camarade de parti ayant rejoint la liste marcheuse en 2019. 

De son parcours de joueur de tennis – avorté pour cause de tendinite à 18 ans – il tire argument pour séduire les électeurs de la Robertsau. Mais pour draguer les quartiers populaires, il affiche sa proximité avec Marc Keller, le patron du Racing de Strasbourg. Loin des médias, il arpente aussi les terrains de foot. Lors du World café de Hautepierre, le 13 février, Ali-Martin Lamri, président de l’association cronenbourgeoise Au Carrefour des idées, lui en a su gré publiquement : « Vous, Monsieur Vetter, vous êtes venus nous voir il y a un an sur le terrain alors qu’aucun autre candidat n’est venu. » En privé, l’associatif qui a depuis rejoint la liste citoyenne de Patrick Arbogast (divers), évoque un « mec sympa, vraiment intéressé par le sport »

Pro de la politique

Vetter se raconte comme un Alsacien du terroir : « Je ne viens pas d’en haut, je n’ai pas fait mes gammes à Paris », écrit-il sur son site à propos de son passé militant à l’UMP, commencé en 2004. Contrairement à Alain Fontanel, énarque et ex apparatchik du parti socialiste à Solférino, qui fait office de cible régulière : « Il y en a qui pensent que Strasbourg, c’est le quai des Bateliers », glisse-t-il sur le marché de Hautepierre, en référence au QG de campagne du candidat macroniste, situé en plein centre-ville. Un scud un peu bas : au même moment, son concurrent tracte au marché de Neudorf, un autre quartier populaire de Strasbourg. 

À lire son autobiographie sur son site et à l’entendre en campagne, on en oublierait presque que Vetter est un professionnel de la politique. À se demander s’il sait faire autre chose :  assistant parlementaire de la sénatrice Fabienne Keller de 2011 à 2017, il essaie, en vain, de créer sa start-up, pointe au chômage pendant un temps, et revient dans les jupons de sa famille politique un an plus tard. Laquelle lui retrouve un travail d’assistant parlementaire, cette fois du député européen LR Geoffroy Didier, réélu en 2019. 

Keller or not Keller ?

La fidélité nourricière de son parti peut-elle expliquer pourquoi ce partisan de Fabienne Keller, plutôt centriste de formation, n’a pas suivi son mentor lorsqu’elle a créé son mouvement Agir ? Lequel soutient aujourd’hui la candidature d’Alain Fontanel : « C’est un repositionnement idéologique qui n’est pas en cohérence avec ses combats passés », considère Pierre Jakubowicz, chef de file d’Agir en Alsace et ancien collaborateur de la maire de Strasbourg, quand Vetter était, lui, son assistant parlementaire. Neuvième sur la liste de Fontanel, Jakubowicz s’étonne de voir son ancien collègue frayer désormais avec « des gens comme Jean-Philippe Maurer ou Jean-Emmanuel Robert, auxquels il s’est opposé et qui appartiennent à une droite plus dure que lui ». 

« Strasbourg est un cas d’étude pour les Verts en France » : le 6 mars, c’est un article du Financial Times qui met en avant Jeanne Barseghian. La femme de 39 ans rassemble une coalition comprenant des colistiers d’origines très diverses dont le parti Europe écologie les verts (EELV). Les derniers sondages donnent cette candidate, encore peu connue il y a quelques mois, au coude-à-coude avec Alain Fontanel (LREM), premier adjoint et favori à la succession du maire Roland Ries.

« Jeanne Barseghian n’est pas dans la politique pour obtenir un quelconque pouvoir personnel mais pour qu’on prenne au sérieux la démarche écologique. Elle a compris que c’était le bon moment pour les Verts », estime Laurène, une de ses amies de longue date. C’est aussi l’avis d’Alain Jund, tête de liste des Verts en 2014 : « Les dernières élections européennes ont porté les enjeux écologistes ».

Nouveau visage et pourtant déjà élue

Si Alain Jund a décidé de ne pas se présenter cette année, il est plus connu dans le paysage politique strasbourgeois que la nouvelle numéro 1 de la liste Strasbourg écologiste et citoyenne. « Jeanne Barseghian est souvent décriée pour son manque de notoriété, le déficit de charisme dont elle souffrirait. À titre personnel, je n’y vois pas quelque chose de rédhibitoire, d’autant qu’elle paraît apprendre vite », estime Jean Faivre, numéro 4 d’une liste concurrente conduite par Chantal Cutajar.

Joris Castiglione, engagé au Parti communiste depuis 2011 et présent sur la liste portée par Jeanne Barseghian, reconnaît avoir rencontré sur le terrain « des personnes qui expliquaient avoir toujours voté écologiste, mais ne pas connaître Jeanne Barseghian ». La candidate en convient en souriant, « on m’a beaucoup interrogée et interviewée sur ce "déficit de notoriété" », un déficit initial qui a surtout généré de la « curiosité » autour de sa personne plutôt que de la critique.

Pour preuve, les recherches internet associées à son nom comportent en majorité les mots « CV », « Linkedin » ou « Wikipedia », tandis que le nom des autres principaux candidats est au contraire plus régulièrement associé à des termes comme « 2020 », « municipales » ou « programme ». Et si une page wikipedia a brièvement existé à son nom, elle a été supprimée le 18 janvier dernier, pour le motif suivant : « Le ton de cet article est trop promotionnel ou publicitaire ».

Juguler la déferlante du marché de Noël

À gauche et au centre, la mesure phare des candidats est claire : arrêter de communiquer à l’étranger pour faire venir toujours plus de visiteurs. Tous critiquent aussi l’afflux massif en décembre. Tout le monde est donc d’accord, il faut continuer de faire venir des touristes, mais pas tous en même temps.

Au débat entre les principales têtes de liste pour la mairie de Strasbourg, mercredi soir, on n’a pas reconnu le jeune poulain surexcité, croisé deux semaines plus tôt sur le marché de Hautepierre. À l’époque, Jean-Philippe Vetter serre des mains à tout va (« Allez, le coronavirus on s’en fout ! »), fond sur le moindre porteur de jogging (« Vous êtes sportif ? Vous savez, moi j’ai fait STAPS ! »), et s'émerveille de tout jusqu’à la transe (« Ici, c’est le meilleur marché de France »). 

« La tornade Vetter »

Le dynamique candidat LR donne alors l’impression d’être parfaitement à l’aise avec le terrain (« Moi, j’aime les gens et ça se voit »), quand son concurrent Alain Fontanel (LREM), aussi raide que poli, est un habitué des silences embarrassés. Surtout, le conseiller municipal d’opposition mène son train sur un rythme effréné, au point qu’on a d’abord imaginé titrer ce portrait « la tornade Vetter ». 

Mais en fait de tornade, ce mercredi soir, sur le plateau de France 3, Vetter fait l’effet d’un tiède sirocco. Il a préféré joué la partition du candidat sérieux, aussi calme que souriant, la voix posée, basse, peut-être même un peu trop. Pour un peu, on l’aurait confondu avec Alain Fontanel, la tête de liste de la République en Marche, loin devant lui dans les sondages - le premier adjoint sortant est crédité de 27% des intentions de vote dimanche, quand Vetter accuse les 15%, et la dernière place d’une éventuelle quadrangulaire. 

Valeur travail 

Face à une dynamique qui ne prend pas, le jeune premier a-t-il voulu montrer qu’il avait les épaules pour le job, et adopter un train sénatorial, quitte à perdre de sa singularité ? Dans tous les cas, le candidat LR n’a pas déroulé ce mercredi soir l’habituel storytelling dont il rebat pourtant les oreilles de qui veut l’entendre depuis près d’un an et demi de campagne. Un récit de sa vie qui s’étale sur son site Vetter 2020 en un interminable diaporama de 26 photos commentées. 

Depuis plusieurs d’années, les jeunes quittent Wissembourg. Dans le cadre de la campagne électorale, les candidats multiplient les idées pour les convaincre de rester.

Depuis plusieurs d’années, les jeunes quittent Wissembourg. Dans le cadre de la campagne électorale, les candidats multiplient les idées pour les convaincre de rester.

Un tourisme « haut de gamme » pour la droite

Si ce mois de mars n’est pas révélateur du problème, le malaise des Colmariens reste présent. « J’évite de me rendre au centre-ville en décembre, pendant le marché de Noël », regrette Geneviève, 60 ans. Le visage crispé, elle reconnaît, cependant, que le tourisme fait vivre la ville. Car il s’agit d’un secteur clé pour l’économie locale : plus de 3 000 emplois en dépendent directement.

Alors les candidats ont tous décidé de s’emparer du sujet. À droite, le maire sortant Gilbert Meyer (LR), défend son bilan et le développement du tourisme mené depuis son arrivée à la mairie. S’il promet la mise en place des assises du tourisme après les élections, il n’entend pas changer radicalement le cap fixé ces dernières années. Le tourisme restera un secteur clé pour la ville.

Une situation dont Yves Hemedinger, son premier adjoint, se félicite. « Nous devons maintenant réfléchir à l’avenir que nous voulons donner au secteur. » Un avenir que le maire sortant envisage déjà comme « haut de gamme ». En plus de vouloir développer le tourisme d’affaires, « deux projets hôteliers quatre et cinq étoiles ont été lancés », indique Yves Hemedinger.

Son principal adversaire, Eric Straumann (LR), propose lui aussi de donner la priorité au tourisme d’affaires. « Il faut également arrêter de communiquer pour attirer toujours plus de monde au marché de Noël », déclarait-t-il lors d’un débat. C’est donc une sélection au portefeuille que souhaitent opérer les candidats de la droite : moins de touristes, mais des touristes plus fortunés.

Avec son sourire charmeur et son aisance en public, le candidat de la droite veut se  faire une place parmi les favoris de l’élection du 15 mars. Et cherche à faire oublier qu’il est un pur professionnel de la politique, grâce à un storytelling bien travaillé. 

Ça ne se bouscule pas place des Unterlinden, à Colmar. Face au musée du même nom, et juste à côté de l’office de tourisme, personne ne se précipite dans les rues ou pour entrer dans les bâtiments. Depuis janvier, et le début de la basse saison touristique, les visiteurs se font rares.

En pleine crise du coronavirus, la fréquentation se porte même encore plus mal que d’habitude. Difficile alors de comprendre ce constat dressé par tous les candidats à la mairie : il y a trop de touristes à Colmar. Il faut se pencher sur les chiffres des années passées pour en comprendre l’origine.

En 2018, 3,5 millions de visiteurs ont été recensés, et le mois de décembre a drainé à lui seul 1,5 million de personnes. Un nombre conséquent pour la préfecture du Haut-Rhin et ses 70 000 habitants.

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