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Une figure fédératrice

La discrète Jeanne Barseghian conduit une large coalition, regroupant des personnes issues du Parti communiste, de Place Publique, des Verts, de Générations, comme de nombreux débutants en politique. Tous saluent les qualités de leur « coach ». « Elle a un vrai côté humain, est ouverte à la discussion », souligne Joris Castiglione. Alain Jund insiste pour sa part sur « sa détermination », tandis que Adrien Arbeit, délégué départemental du Mouvement des Progressistes et candidat aux européennes en 2019 sur la liste Urgence écologie, met en avant « ses convictions » et « son écoute ».

« Au-delà de la personne, c’est aussi le projet qui est porté, en rupture avec ce qui est mené pour le moment » qui explique ce succès potentiel de la liste Strasbourg écologiste et citoyenne, d’après Hülliya Turan, secrétaire départementale du Parti communiste. La 9e de la liste reconnaît tout de même un rôle de « chef d’orchestre » à sa tête de liste.

Celle qui a été désignée candidate à la mairie le 5 octobre 2019 par une assemblée citoyenne défend un « leadership coopératif ». Jeanne Barseghian en est consciente : « Une élection municipale, cela tourne aussi beaucoup autour de la personne de la tête de liste, qui la représente et porte le projet ». La prétendante à la mairie considère avoir trouvé avec son équipe « un bon équilibre » entre sa « campagne de notoriété » et « une construction la plus collective possible des décisions ».

Une carrière politique express

Jeanne Barseghian n’est pas une élue de carrière. Née à Suresnes, elle part deux ans en Allemagne après des études à Paris X – Nanterre, puis se spécialise en droit de l’environnement à Strasbourg, où elle arrive en 2002. Un parcours sans faute, au terme duquel elle devient éco-conseillère et trouve un emploi à la région Alsace. Elle ne quittera plus la ville et habite depuis une dizaine d’années au Neudorf. Son compagnon, de nationalité allemande, travaille à Fribourg.

Jeanne Barseghian a débuté sa carrière professionnelle en développant un projet franco-allemand dans le domaine du tourisme durable. Et elle n’hésite pas à rappeler son niveau, comme en indiquant le 6 mars dernier avoir échangé « en allemand » avec Toni Vetrano, le maire de Kehl. Alain Jund y voit là un atout indéniable : « Son itinéraire transfrontalier est nécessaire pour être maire à Strasbourg, alors que le centre de la ville se décale peu à peu vers le Rhin ». Par la suite, Jeanne Barseghian a ensuite œuvré au développement de projets avec l’Arménie, d’où est originaire son père, et a notamment créé une antenne de l’association Sevac à Strasbourg.

C’est seulement en 2013 qu’elle franchit le pas de la politique en adhérant à Europe Ecologie les Verts et en s’engageant pour la campagne des municipales à Strasbourg. Elle co-rédige le programme, est 4e sur la liste d’Alain Jund, et se retrouve élue à la Ville et à l’Eurométropole. « Cela m’a emmenée plus loin que prévu », se souvient Jeanne Barseghian.

Par ses fonctions de conseillère de l’Eurométropole, déléguée à l’économie sociale et solidaire et plus tard, à la réduction des déchets ou son expérience dans d’autres domaines, la tête de liste des Verts assure travailler « depuis des années, aussi bien avec des collectivités qu’avec des entreprises ou des associations ». Et donc ne pas souffrir d’un manque d’expérience.

Parmi ses passions, un engagement dans deux chorales strasbourgeoises, l’une plutôt pop, et l’autre classique. Laurène, amie de longue date de l’écologiste, la retrouve au chant chaque jeudi soir depuis 2014. « Jeanne est très douée, elle lit bien la musique et est l’un des piliers du groupe. » Dans ce domaine, ses qualités de meneuse sont mises en avant.

En vert et rouge

Jeanne Barseghian a pu le rappeler le 8 mars, elle se revendique féministe et propose plusieurs mesures en ce sens, comme tripler les moyens financiers de la Mission pour les droits des femmes et l'égalité de genre et co-construire avec les associations des projets, notamment contre les violences faites aux femmes et les stéréotypes de genre. Et si sa première mesure sera de déclarer l’état d’urgence climatique, la candidate affiche des positions politiques ouvertement à gauche. « Strasbourg est une des villes les plus inégalitaires de France », a-t-elle par exemple souligné, dans une interview donnée à Pokaa.

Au sein de l’équipe menée par Jeanne Barseghian, les communistes se montrent satisfaits. « Nous nous sommes rendus compte qu’elle défendait parfois les mêmes propositions que nous », relève Joris Castiglione. Le rapprochement avec les écologistes a débuté en juin dernier, et la candidate y est pour beaucoup.

« Ce que je trouve moins heureux chez Jeanne Barseghian, c’est un dogmatisme teinté de gauchisme ainsi qu’une tiédeur dans ses thèmes de prédilection. On dirait bien que les écologistes strasbourgeois sont entrés dans une logique de compromis avec le réel », estime toutefois Jean Faivre, engagé aux côtés de la candidate Chantal Cutajar, et qui critique les « mesurettes » proposées par la liste Strasbourg écologiste et citoyenne. Pour le jeune homme, ce « réel » est celui des compromis et la tiédeur.

« Dans la bonne génération »

Du côté d’Alain Jund, « la réalité de l’exercice du pouvoir » est celle de la campagne. Jeanne Barseghian y est déjà confrontée, ayant « changé de stature » depuis 2014, et un nouveau défi pourrait l’attendre une fois élue, comme le développe l’adjoint à l’urbanisme sortant. « Aussi longtemps que les écologistes étaient minoritaires dans la majorité, nous étions dans une zone de confort, réagissant surtout sur les questions environnementales. Là, en tant que maire, il faudra aussi gérer les questions de sécurité et de tranquillité publique par exemple. »

Désormais, Jeanne Barseghian « se prépare à être maire », considère Nicolas Tripa, engagé au sein de la liste. La candidate pratique le yoga pour rester concentrée. Et ses colistiers l’assurent : « même si elle a cultivé sa discrétion », Jeanne Barseghian a développé une « force de caractère » durant la campagne, entrouvrant son « manteau de timidité ».

Alain Jund est convaincu que sa successeure est « en capacité d’assumer le poste », parce qu’en plus de ses atouts personnels, Jeanne Barseghian est dans la « bonne génération » : « Je me plais à rappeler qu’elle a l’âge qu’avait Catherine Trautmann lorsqu’elle a été élue maire ! » L’ancienne ministre serait même un modèle à suivre pour la tête de liste de 39 ans. Interrogée par Rue89 sur la personnalité strasbourgeoise qui l’inspire, Jeanne Barseghian n’hésite pas : « Est-ce que j’ose dire Catherine Trautmann ? Eh bien oui ».

Jérôme Flury

Au mois de décembre 2018, le marché de Noël a attiré 1,5 million de visiteurs. Photo Aurélien Gerbeault

Jean-Philippe Vetter n'hésite pas à se montrer sur les marchés et faire campagne en public.

Michaël Meguellati, tête de liste Ouverture citoyenne, vit sa première campagne électorale, comme la plupart de ses colistiers. Photo Aurélien Gerbeault

Développer les loisirs nature

Du côté des Verts aussi, on souhaite mettre un coup d’arrêt à la communication intensive menée jusque-là. Frédéric Hilbert, tête de liste EELV, propose une diversification des activités touristiques dans la région : « Colmar se trouve entre deux véloroutes. On pourrait mettre en place le cyclo-tourisme. Il y a aussi le Rhin et la montagne à proximité, on pourrait s’en servir pour développer d’autres formes de tourisme. »

Pour Stéphanie Villemin (LREM), c’est tout le secteur économique de la région qui doit être développé et repensé. « Il faut diversifier l’attractivité économique du territoire », car Colmar ne peut pas compter seulement sur les touristes pour vivre. 

Surtout quand les badauds font défaut, comme pour le dernier marché de Noël, où la fréquentation était en recul par rapport à 2018. Certains n'ont alors pas pu se rendre à Colmar à cause des grèves. Des touristes trop nombreux, envahissants, même un peu encombrants pour les Colmariens, mais qui font aussi trembler les acteurs du secteur quand ils ne sont plus au rendez-vous.

Aurélien Gerbeault

Après le bac, direction Strasbourg

Une idée que tout le monde ne partage pas. « Ça ne sert à rien de construire plus de logements, on n’aime pas Wissembourg », critique Halenur, 17 ans. Son amie, Marion, 17 ans également, est d’accord. « On va tous aller à Strasbourg après le bac », dit-elle. C'est une phrase que l'on entend souvent chez les jeunes qui discutent dans les rues et les magasins, près du lycée, à midi pour acheter leur repas. Trop peu de choix de filières, pas assez de choses à faire en ville. C'est clair pour la plupart : ils veulent partir d'ici.  

« Le maire n’a pas assez fait pour cette génération », dit André Krieger, d’un ton sérieux. Il ajoute : « On les a oubliés pendant les six années précédentes. » Sandra Fischer-Junck, infirmière et candidate, partage cet avis. « Pour les adolescents, Christian Gliech n’a rien fait », s’énerve-t-elle. Cette mère de deux adolescents âgés de 14 et 15 ans explique que le maire sortant n’est jamais venu parler à cette génération. 

André Krieger et Sandra Fischer-Junck veulent faire les choses différemment. « Réunion publique, spécial jeunes » est écrit sur une pancarte jaune, à côté d'une affiche électorale d'André Krieger. Il justifie cette réunion : « J’ai besoin de leur écoute ». Il veut également que son équipe organise un micro-trottoir pour demander à cette génération ce qu’elle attend de la politique. Sandra Fischer-Junck s'est organisée de la même manière : « Début janvier, on a fait du porte à porte et on a dit : "Donnez-nous des idées, dites-nous ce qu’on peut améliorer".» 

"Pour l'instant, le lieu de rencontre, c'est le MacDo"

Après une réflexion menée entre les jeunes et leurs équipes, ils veulent maintenant faire en sorte que les premiers concernés se sentent plus à l'aise à Wissembourg. André Krieger veut ouvrir une salle pour eux, où « ils pourront s’éclater et se détendre ». Une idée aussi évoquée par Sandra Fischer-Junck, car « pour l’instant, le lieu de rencontre, c’est le MacDo ».

En 2017, Les Républicains ont connu à Strasbourg les mêmes tiraillements que partout en France, lorsque Emmanuel Macron a pris un rejeton d’Alain Juppé comme Premier ministre. Devant l’hymen qui se profilait au conseil municipal entre une partie de l’opposition de droite et la majorité de Roland Ries acquise aux Marcheurs, une bande de LR a décidé de faire scission. Et de créer un nouveau groupe politique, « sans même prévenir Jean-Philippe Vetter de la formation du nouveau groupe, croit savoir Thierry Roos. Ils ont cherché à se démarquer de Fabienne Keller dans l’optique des municipales à venir. » Jean-Philippe Vetter est donc resté avec les centristes kellériens, et siégeait jusqu’à présent dans un groupe Agir-LR-MoDem, dont tous les membres applaudissent aujourd’hui Fontanel - à l’exception de lui-même, de Martine Calderi-Lotz, qui ne s’est pas prononcée… et de Fabienne Keller, murée dans un silence prudent sur les brigues strasbourgeoises, mais tout sourire auprès de la candidate LREM de Schiltigheim lors de la journée du 8 mars. 

Une liste composée avec les barons de la droite locale

C’est pourtant Jean-Philippe Vetter qui a remporté la commission nationale d’investiture des Républicains en octobre, contre Jean-Philippe Maurer, de vingt ans son aîné, ancien député entre 2007 et 2012 et implanté depuis des lustres à la Meinau. « Il a réussi à rassembler derrière lui sa famille politique », lui reconnaît Thierry Roos. En ménageant, certes, des places de choix sur sa liste aux barons de la droite locale : Maurer en troisième position, Pascal Mangin, conseiller régional en numéro cinq, Jean-Emmanuel Robert en septième, juste avant Pascale Jurdant-Pfeiffer, vice-présidente du conseil départemental. Que des noms bien connus de la droite alsacienne. « Manque de renouvellement », fustige Thierry Roos ; « Solidité, lui oppose Vetter.  J’ai fait le choix de l’expérience et de la compétence, des personnes qui puissent se mettre au travail dès maintenant. »

Pour la liste citoyenne menée par les Gilets jaunes, il faut avant tout « réguler le tourisme, ramener le nombre de visiteurs annuels à deux millions », explique Benoît Legrand. Tristan Denéchaud (Modem), veut développer un « tourisme qualitatif, avec des touristes qui ne viendraient pas seulement voir les maisons à colombages ». Pour lui, il s’agit de mettre en avant les quartiers de Colmar situés en dehors du centre historique et d’inciter les visiteurs à rester plus longtemps. « Le centre-ville ne doit pas devenir un Disneyland alsacien. »

Un scénario également redouté par les commerçants du centre-ville. « Les touristes apportent du chiffre d’affaires. Mais la ville ne doit pas devenir seulement une attraction touristique. La municipalité doit faire en sorte qu’il y ait toujours une offre destinée aux habitants du centre-ville », explique Vincent Houlle, ancien président des Vitrines de Colmar, l’association des commerçants.

Les gilets jaunes évoquent un autre problème : les appartements du centre-ville réservés aux locations touristiques, toujours plus nombreux. « Nous voulons mettre en place un contrat avec les propriétaires pour qu’ils louent leurs logements aux Colmariens », explique Alice Bass, n°2 sur la liste. Leur objectif : lutter contre la désertification du centre. Ou plutôt, lutter contre la colonisation touristique.

Alors qu’ils manifestent ensemble depuis plus d’un an au sein des gilets jaunes, des Colmariens ont décidé de monter une liste citoyenne pour les municipales. Avec LFI en embuscade.

Il est onze heures et demie. De nombreux élèves du lycée de Wissembourg se précipitent dans les rues sous une pluie battante, pour acheter quelque chose à manger chez le boulanger ou dans les magasins des environs. Partout, des filles et des garçons, avec leur sac à dos discutent de l’endroit où prendre leur prochain repas. On pourrait penser qu’à Wissembourg, commune de 7 600 habitants, il y a beaucoup d’adolescents. Mais les apparences sont trompeuses. À quelques centaines de mètres, le calme revient. Des personnes âgées avec des parapluies et des sacs de courses se promènent dans les rues et se retrouvent dans les cafés. 

Fuite des ados 

C'est là qu'apparaît le véritable problème de la ville : 25% des habitants ont plus de 65 ans, peu de 15-29 ans vivent à Wissembourg. Ils ne représentent que 14,8 % de la population. Après le bac, ils déménagent à Strasbourg pour commencer leurs études et ne reviennent pas. La commune a perdu entre 600 et 800 habitants au cours des dix dernières années. La ville vieillit, un vrai sujet de préoccupation pour les Wissembourgeois.

La commune a besoin de jeunes qui rendent Wissembourg plus vivante. Ce sont les jeunes qui peuvent aussi fonder des familles et assurer l’avenir de la commune.  « Car plus il y a de personnes âgées, plus la productivité économique diminue », explique André Krieger, comptable et candidat. Actuellement, plus de 30% des habitants sont des retraités. « Je veux vraiment que les jeunes restent là », assure André Krieger pour lequel ce groupe de personnes est une « priorité ». Le maire actuel, Christian Gliech, dit que pour lui, « ils ont toujours été un sujet ». Il est agacé par ces questions, qui reviennent sans cesse, sur le vieillissement de la ville et la fuite des adolescents. « C’est une politique qui prend du temps », dit-il, convaincu par son idée de construire plus de logements pour résoudre le problème. « Sinon, on perd la population, c’est mécanique », résume-t-il. Sur son ordinateur, il montre une infographie à ce sujet. Alors qu'en 1968, un ménage de Wissembourg et ses communes comptait 3,7 personnes, en 2015, il n'y en avait plus que 2,4. À Wissembourg, le problème est même « plus flagrant » : 2,1 personnes vivent dans un même ménage. Une première explication, d’après le maire, tient aux personnes âgées, toujours plus nombreuses à Wissembourg, et à la diminution des familles avec enfants.

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