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Ils pourront le faire jusqu’au 1er juin 2025. L’occasion de se plonger dans un univers plus ou moins inconnu : c’est la première fois qu’une exposition donne à voir en France les œuvres à protocole des années 1960 à nos jours.
Shawn-Orric Dreyer
Édité par Yves Poulain
“On ne l’a pas mis”, dit Maxim Bosse : “Beaucoup l’avaient certainement porté auparavant. C’est une question d’hygiène”, explique-t-il. L’interaction est peu conventionnelle pour un musée où prédominent les instructions “ne pas toucher”. Sur les quelque 25 visiteurs qui ont suivi le parcours jusqu’à midi, aucun n’a interagi ou “activé” une œuvre.
“L’œuvre est ouverte. L’artiste n’impose plus sa vision du monde mais produit des systèmes qui permettent à chacun de se faire la sienne”, a écrit le peintre Claude Rutault. Avec ces mots, l’artiste conceptuel aborde un aspect immanent de l’œuvre à protocole : la délégation. Mais il semble que les visiteurs ne voulaient pas se laisser déléguer ou qu’ils ne savaient pas en avoir la possibilité.
Il vient aussi de terminer ses études, en communication cette fois. Le jeune homme de 28 ans trouve l’exposition “vraiment abstraite : je n’ai pas compris le sens de toutes les œuvres”. Maxime Bosse lâche une critique : “Ce n’est absolument pas le style d’art qui m’a touché.”
Plus de 50 œuvres jouent avec les sens
L’exposition au MAMCS s’intéresse aux œuvres “à protocole”. Depuis les années 1960 jusqu’à aujourd’hui, elles parcourent la création contemporaine. Leur principe : l’artiste donne une instruction sous forme écrite, orale ou dessinée. Puis le public peut interagir avec l’œuvre, comme avec les bonbons bleus, ou la réaliser, comme dans le projet de l’Autrichien Erwin Wurm. Une petite instruction dans le coin d’un plateau montre deux personnes en train d’enfiler un pullover ensemble. Sur le plateau : le pullover jaune.
En 2017, sur le tournage de la série The Deuce, l’actrice Emily Meade demande l’assistance d’une coordinatrice d’intimité pour ses scènes à caractère sexuel. Alicia Rodis, cascadeuse spécialiste de la violence à l’écran endosse ce rôle, posant ainsi les fondements du métier. Aujourd’hui, la représentation de la sexualité sur les plateaux est de plus en plus encadrée. Mais est-ce que les actrices et les acteurs sont suffisamment protégés ? C’est ce qu’a essayé de creuser la Cité de la musique et de la danse de Strasbourg, à l’occasion d’une table ronde jeudi 26 septembre 2024.
Une profession encore peu répandue
"Mon rôle, c’est d’essayer de comprendre jusqu’où un acteur peut aller sans être heurté", explique Claire Chauchat, coordinatrice d’intimité. Après avoir suivi des études de psychologie en parallèle d’une école d’art dramatique, elle coache des enfants comédiens pendant des années. En 2022, elle est sollicitée par la production de Icon of French cinema pour accompagner Alma Struve, 14 ans, qui joue la jeune Judith Godrèche sous l’emprise d’un homme de quarante ans. Depuis, elle multiplie les plateaux et s’assure que les actrices et les acteurs ne jouent pas de scènes sexuelles auxquelles ils n’ont pas consenties. "Généralement, les réalisateurs m’expliquent ce qu’il veulent faire avant le tournage. Ensuite, je discute avec les comédiens et je leur fais faire des exercices. On essaye d’identifier leurs limites, que je transmets au metteur en scène. Je travaille aussi avec le département 'costumes' qui prévoit les prothèses, les cache-sexes..." Un métier qui se développe lentement en France, explique Claire Chauchat. Pour Marianne Chauvin, doctorante sur les politiques féministes de la scène lyrique en France, c’est parce que la profession souffre d’un manque de légitimité. "Le fait que les coordinatrices et coordinateurs d’intimité n’aient pas le tampon de la profession pose problème. Il existe des formations aux États-Unis et au Royaume-Uni, mais pas en France." De plus, elles sont souvent très onéreuses et en anglais, donc peu accessibles pour les Français. "La seule formation que j’ai trouvée est en ligne et coûte 20 000 dollars", confirme Claire Chauchat.
"Ce n’est pas suffisant pour protéger les femmes"
L’intimité, ce n’est pas seulement la sexualité. Elle se joue à plusieurs niveaux, dans les liens affectifs, familiaux. Et c’est là que les contours du métier restent encore à définir. "Ce n’est pas anodin pour un enfant de faire un câlin à un adulte qui joue le parent", analyse Typhaine D, actrice et comédienne. Par ailleurs, elle pose également la question de la légitimité du consentement. Dans une industrie où les hommes sont ultra-puissants, les femmes ont longtemps été obligées de consentir à dévoiler leur corps pour lancer leur carrière. Et même si #MeToo est passé par là, la situation n’est s’est pas véritablement améliorée selon Typhaine. "Aujourd’hui, les actrices n’ont pas d’autres choix que d’accepter d’être sexualisées pour ne pas être blacklistées." Point sur lequel Claire Chauchat n’est pas d’accord : "Les jeunes générations prennent plus en compte les limites des comédiennes et comédiens que les précédentes."
Alors comment faire pour les protéger ? Pour Typhaine, il faut arrêter la représentation gratuite et permanente de la sexualité. Suggérer la sensualité plutôt que de la dévoiler. Et, selon elle, si la réalisatrice ou le réalisateur tient absolument à montrer des nus, qu’il utilise des images de synthèse. "On le fait bien avec les scènes de guerre, pourquoi on ne le ferait pas avec des scènes d’amour ?" Une idée qui signerait la fin des coordinatrices et coordinateurs d’intimité ?
Athénaïs Cornette
Édité par Liza Hervy-Marquer
Un tapis de bonbons bleus et blancs sur le sol. Un revêtement de sol fait de journaux. Une œuvre en eau qui va bientôt disparaître et un pullover jaune qui attend d’être enfilé par deux visiteurs. L’exposition Mode d’emploi – suivre les instructions de l’artiste a ouvert ses portes vendredi 27 septembre au Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg (MAMCS) : les visiteurs peuvent y interagir avec les œuvres et même devenir eux-mêmes l’artiste ou l’œuvre.
Après une salle avec d’énormes formes géométriques sur les murs et 16 cartons d’emballage au milieu, on découvre dans une autre salle ce qui ressemble à un papier peint : des bandes bleues et blanches, homogènes, parallèles. Ce mur a été conçu pour la première fois en 1985 par Daniel Buren et suit sa consigne selon laquelle la bande colorée doit changer de couleur à chaque fois qu'elle est présentée dans une nouvelle exposition, selon le principe “jamais deux fois le même travail”.
“On n’a pas osé les toucher” : une exposition entre les contraires
Juste en face de ce mur, des centaines – peut-être des milliers – de bonbons bleus et blancs jonchent sur le sol. Une installation de Felix Gonzales-Torres encourage les visiteurs à modifier la disposition des bonbons, à les toucher et à réinterpréter les modalités d’activation. “On n’a pas osé les toucher”, dit Maxime Bosse, 27 ans, qui vient de terminer ses études en commerce. Thomas Cragnaz ajoute en riant : “Mais on les avait presque mangés.”