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Eau, routes, électricité : les infrastructures ont du mal à suivre le rythme de développement de la région, berceau du secteur automobile.

L’ eau se déverse à grands jets sur les immenses pièces de coton qui tournent sur les rotatives de Bombay Dyeing, spécialisée dans la fabrication de draps teints de haute qualité pour l’exportation. Pour assurer leur blanchiment préalable, l'entreprise requiert 1 800 m³ d'eau par jour. Une activité difficilement compatible avec des sautes dans la distribution d’eau. « Pour nous, l'eau est une matière première, commente Arun Kale, sous directeur de l'usine. Quand elle vient à manquer, les industries souffrent énormément. En 2012, à la suite de la faible mousson, on nous en a alloué si peu que nous avons dû arrêter la production. Cela nous a coûté 20 millions de roupies (environ 300 000 euros) par jour. En ce moment, on est revenu à la normale, mais la mousson va bientôt arriver et nous craignons la répétition du scénario. »

La zone de Ranjangaon au nord-est de Pune est active depuis 1993. Une avenue rectiligne de 7 km, sur laquelle les camions se faufilent entre les nids-de-poule, organise son aménagement. Chacun de ses côtés est flanqué d’une grosse canalisation. Chaque jour sont acheminés les 15 000 m³ d’eau nécessaires à la production des 252 entreprises installées ici. La zone est desservie par le barrage de Ghod, au nord, qui alimente aussi une partie de la campagne avoisinante.

L'industrie, la dernière servie

A l’entrée du parc, la MIDC (Maharashtra Industrial Development Corporation), agence gouvernementale, gère les infrastructures industrielles. L'organisme reçoit son quota d’eau du Service de l’irrigation qui pilote l’allocation de

de livraison peinent sur des routes congestionnées. Pour transporter des biens d'un point à l'autre, il faut deux fois plus de temps que dans d'autres pays. Il y a des améliorations, mais beaucoup trop lentes pour nos besoins. » A la MIDC, on objecte que les routes de l’un des secteurs de Chakan ont été élargies de 3,5 mètres et que les autres pourraient l’être si besoin « dans trois, quatre ans ». L’hydro-électricité peine aussi à suivre le rythme. Ici, la plupart des entreprises se voient contraintes d'arrêter la production tous les jeudis : le courant est coupé, « pour motif de maintenance », selon la MIDC. Seules les entreprises qui, comme Volkswagen, sont prêtes à payer une surtaxe de 10 % bénéficient d'un approvisionnement non-stop. Shivaji Patil, surperviseur de la MIDC au niveau du district, reconnaît que la croissance est allée un peu trop vite pour les infrastructures : « Pune a besoin d'au moins dix ans pour combler ce retard et répondre aux besoins croissants de ses industries. »

Volkswagen, qui produit ici la Polo, la Vento, la Skoda Fabia et la Skoda Rapid, se dit prêt à patienter, et même à accroitre d’ici là ses capacités : face au ralentissement du secteur automobile dans les pays développés, l’industrie allemande n’entend pas renoncer au marché indien, l’un des trois plus importants pour son avenir. Pourtant, tempère Satisk Chaudekar, l’industrie devra aussi compter avec les aléas de la mousson. « Si elle s’avère mauvaise pendant cinq ans d’affilée, la zone de Chakan, à son tour, pourrait bien connaître une pénurie d’eau. »

Namrata Devikar, Sunil Dhumal et Robert Gloy

pénuries perdurent, nous devrons envisager de nous déplacer vers une autre zone industrielle. » Tata Batteries n’est installée à Ranjangaon que depuis sept ans.

80 000 m3 pour le secteur automobile et mécanique

Total changement de décor à quelques kilomètres de là. La zone industrielle de Chakan, à 30 km au nord-ouest de Pune, sur la route de Mumbai, voit l’avenir en rose. Elle est en pleine expansion. Un vaste chantier s'y étend sur 1 200 hectares. Satish Chaudekar, représentant de la MIDC locale exulte : « D'ici trois ans, Chakan sera la plus grande zone industrielle d'Asie. »

Aucune trace, ici, de confits d’allocations entre secteur industriel et secteur rural. L’eau du barrage de Pawana, un des plus grands du district, qui peut fournir jusqu’à 80 000 m3 par jour, est entièrement dévolue à la croissance de l’industrie automobile et mécanique qui fait de Pune le « Détroit indien ». Bajaj, le 3e constructeur mondial de motos, et Mahindra & Mahindra, connu pour ses 4x4, sont installés ici depuis 1997. Volkswagen, puis Mercedes Benz les ont rejoints en 2008. 3 500 entreprises, dont une noria de sous-traitants, y prospèrent. Bientôt, elles seront plus de 4 000. Le problème ici n’est pas la pénurie d’eau. C’est la vitesse insuffisante de la croissance des infrastructures, qui freine la dynamique du potentiel industriel. Hermann Praxl, responsable de la communication à Volkswagen, peste sur le mauvais état du réseau routier : « Dès le lundi, nos camions de livraison peinent sur des routes congestionnées. Pour transporter des biens d'un point à l'autre, il faut deux fois plus de temps que dans d'autres pays. Il y a des améliorations, mais beaucoup trop lentes pour nos besoins. » A la MIDC, on objecte que les routes de l’un des secteurs de Chakan ont été élargies de 3,5 mètres et que les autres pourraient l’être si besoin «dans trois, quatre ans».

L’hydro-électricité peine aussi à suivre le rythme. Ici, la plupart des entreprises se voient contraintes d'arrêter la production tous les jeudis : le courant est coupé, « pour motif de maintenance », selon la MIDC. Seules les entreprises qui, comme Volkswagen, sont prêtes à payer une surtaxe de 10 % bénéficient d'un approvisionnement non-stop. Shivaji Patil, surperviseur de la MIDC au niveau du district, reconnaît que la croissance est allée un peu trop vite pour les infrastructures : « Pune a besoin d'au moins dix ans pour combler ce retard et répondre aux besoins croissants de ses industries. »

Volkswagen, qui produit ici la Polo, la Vento, la Skoda Fabia et la Skoda Rapid, se dit prêt à patienter, et même à accroitre d’ici là ses capacités : face au ralentissement du secteur automobile dans les pays développés, l’industrie allemande n’entend pas renoncer au marché indien, l’un des trois plus importants pour son avenir. Pourtant, tempère Satisk Chaudekar, l’industrie devra aussi compter avec les aléas de la mousson. « Si elle s’avère mauvaise pendant cinq ans d’affilée, la zone de Chakan, à son tour, pourrait bien connaître une pénurie d’eau. »

Namrata Devikar, Sunil Dhumal et Robert Gloy

ressources au district. Jusqu’en avril 2011, les besoins en eau potable de la population primaient, suivis par ceux de l’industrie, l’agriculture venant en troisième position. Mais suite à un scandale de détournement d'eau, le gouvernement à décidé d’inverser ces priorités. Théoriquement, l’industrie est désormais servie en dernier.

Économiser l'eau le plus possible

Un peu plus loin, à Tata Batteries, ce renversement de situation inquiète. L'été dernier, pendant deux mois, l'entreprise a dû suspendre sa production de 4 à 6 heures par jour. « Pour ne pas devoir stopper totalement, nous nous avons dû acheter de l’eau aux paysans par citernes entières », dit Kapil Khedekar, cadre de gestion du fabricant de batteries automobiles. Chaque entreprise doit quantifier ses besoins en eau auprès de la MIDC. Tata Batteries avait déclaré un peu plus de 300 m³ par jour.

En ce moment, invoquant la pénurie d'eau dans le barrage de Ghod, la MIDC refuse de lui livrer cette quantité. « Voilà pourquoi au lieu de 3 000 batteries par jour, on n'en fabrique que 2 500. Pourtant, nous essayons d'économiser le plus possible. Nous avons investi dans une station de recyclage. Nous utilisons cette eau économisée pour nettoyer nos machines », explique Kapil Khedekar. Le représentant de la MIDC pour Ranjangaon, P.V. Bhadange nie, lui, l’existence même de difficultés : « Nous utilisons seulement la moitié des capacités réservées à l'industrie. » Il concède pourtant prospecter d'autres sources que le barrage de Ghod pour sécuriser dans l’avenir l’approvisionnement des industries à Ranjangaon. Le temps presse pour Kapil Khedekar : « Si les

Dasve, initialement prévue pour 2010, sera terminée « début 2014 », confie un responsable de Lavasa.vSur 600 villas et 900 appartements, « 95 % des logements sont déjà acquis », nous dit-on, et la ville accueillerait déjà « 3 000 résidents ». La seconde, Mugaon, est programmée « pour 2015 ». Des trois autres villes, aucune trace pour le moment.

L'environnement menacé

Avec un projet dirigé par le magnat Ajit Gulabchand et un chantier placé au coeur d'un site inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO, la démesure de Lavasa est à la hauteur de la polémique qu'elle suscite. Le 25 novembre 2010, les travaux ont été suspendus après qu'une comission d'enquête a constaté plusieurs violations des lois environnementales. La construction a finalement repris en novembre 2011.

Pour Vishwambhar Choudhari, membre du Mouvement national de l'alliance des peuples, qui milite contre le projet, la gestion de l'eau par Lavasa, situé en amont de Pune, est un danger majeur pour les habitants de la région : « Cette année, la sécheresse a frappé Pune, dont le barrage principal manquait d'environ 10 % d'eau. Pourtant, à Dasve, le lac, destiné au confort de quelques milliers de personnes, était plein à ras bord. Ils ont déjà construit deux réservoirs et ils veulent en construire encore huit. En contrebas du lac artificiel, le réservoir de Varasgaon s’est réduit à une rivière.

Lavasa possède également le statut de Special Planning Authority, délivré par l'Autorité de développement urbain du Maharashtra, qui lui donne pleins pouvoirs pour aménager son territoire. Une situation sans précédent juridique en Inde. Pour le Dr Choudhari, le procédé est loin d'être transparent : « Vous savez qui supervise Lavasa? Sharad Pawar (le ministre de l'Agriculture). Et vous savez qui est le numéro 2 de l'Etat du Maharashtra ? Ajit Pawar (son neveu). » Résultat : pour la première fois, en Inde, une société privée est dotée des mêmes droits qu'une entité publique. Et peut déjà, avant même d’être terminée, se gouverner elle-même.

Thibault Prévost

Lavasa, Etat du Maharastra

«Welcome to Lavasa. »Le garde en tenue légère tend une feuille imprimée à travers la vitre de la voiture. Un « guide du visiteur », qui explique au touriste comment se comporter dans cette ville privée. Et dont le nom, par précaution, est enregistré à l'entrée. La descente vers l'immense complexe immobilier peut débuter. Lavasa, dans l'Etat du Maharastra, apparaît, quelques kilomètres en contrebas de la crête, enserrée au creux de montagnes fleuries. Une route en lacets, qu'on dirait construite la veille, mène à Dasve Town, la première – et pour le moment unique – ville du territoire foncier de Lavasa. Le trafic est inexistant, quelques camions-citernes quand même et des berlines poussiéreuses. Le lac artificiel, retenu par le barrage privé, semble sur le point de déborder. Quelques immeubles colorés s'alignent sur les rives. Tout autour, des ouvriers fourmillent dans des squelettes de bâtiments. Lavasa est un gigantesque chantier à ciel ouvert, installé au coeur d'un sanctuaire végétal.

Maire et propriétaire

Débuté en 2004, le chantier doit faire émerger, pour 2025, la première hill city indienne – une station d’altitude destinée aux puissants – construite depuis l'indépendance. Mais aussi la première ville indienne entièrement gérée par une société privée, Lavasa Corporation, filiale d'Hindustan Construction Company (HCC), géant indien du bâtiment. Le « maire » de la ville, l'Américain Scot Wrighton, et son conseil municipal, ne sont pas élus ; ils sont désignés par l'entreprise. Les habitants n'ont pas leur mot à dire. Pour toute réclamation, s'adresser au service clientèle. Répartie sur dix mille hectares de terrain, Lavasa ambitionne d’accueillir 200 000 résidents et 2 millions de touristes annuels. Un projet titanesque pour offrir à l'élite indienne un mode de vie au luxe stratosphérique : golf, université, infrastructures de pointe, électricité à l'envi et eau chaude au robinet. Loin, bien loin des standards urbains du pays. A terme, cinq villes devraient sortir de terre.

 les nappes phréatiqes sous Delhi pourraient être à sec dans deux ans. Les visiteurs du parc ne se posent eux pas ce genre de question. Dhriti Dixit, chercheur, admet « J’aime beaucoup les parcs aquatiques. J’y suis d’ailleurs récemment allé avec des amis».

« Le plus beau golf du monde »

Même son de cloche du côté du golf de Dehli, lui aussi très gros consommateur d’eau. Shazar, médecin, membre du club depuis 14 ans, a bien conscience de la polémique, mais il répond sans ambages aux associations et aux ONG qui voudraient limiter la pratique de ce sport herité de l’empire britannique : « On ne vole l'eau de personne. Quant au climat, il est bien sûr plus rude ici qu'en Grande-Bretagne, mais cela implique- t-il de priver les Indiens d'un de leur sport fétiche ? » Mamohan, qui dispute plusieurs tounois a l’étranger, relance « C'est le plus beau golf dans lequel j'ai joué ».

100 000 litres d’eau arrivent tous les jours des stations d’épuration de la Yamuna pour arroser ce parc de 90 hectares dont l’accès est lui aussi reservé aux privilégiés. Chacun membre verse 2000 roupies par mois pour profiter des greens bâtis autour de trois temples Lodhi (dynastie ayant regné sur Delhi entre le XVeme et XVIeme siècle), et qui accueille un tournoi de renommée internationale.

Le DGC est aussi un lieu d’entregent. « On se retrouve pour parler affaires entre gentlemen. Le cadre est idéal et la nourriture est la meilleure de toute la ville » , explique un membre. Avec les avocats, les médecins, les hommes d’affaires et surtout la haute fonction publique, l’élite de Delhi s'y retrouve entre soi, au milieu des cocotiers et autres arbres fruitiers.

Raphaël Badache, Antoine Izambard, Bhanu Priya Vyas

L'hôpital au régime sec

A Beed, dans l’Etat du Maharastra, l’hôpital public est mis a mal par le manque d’eau et les fortes chaleurs. Ici, 70 % des patients sont des agriculteurs et 10 % des journaliers urbains. Ce sont essentiellement des familles vivant sous le seuil de pauvreté (21 000 roupies par an et par foyer) qui affluent. Le district de Beed est l'un des plus pauvres du Maharashtra. 82 % de ses 2 585 000 habitants résident en zone rurale.  Reportage video.

Video de baptiste cogitore . Photo Baptiste Cogitore et Aude Malaret

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