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« Je n'ai pas d'arme, surtout pas ! »
Georges Tafelmacher, antimilitariste, 67 ans (Pauline Hofmann/Cuej)
Au bord du lac Léman, Georges Tafelmacher, restaurateur de meubles, met les choses au clair : non, il ne possède pas d'armes et n'en possèdera jamais. À une petite exception près pour cet amateur de beaux objets : un pistolet du siècle dernier inutilisable, accroché au mur, et dont il admire les formes esthétiques, admet-il avec un sourire.
Lorsque, comme tous les jeunes Suisses, il a dû utiliser une arme pour la première fois, lors de son service militaire, il s'est dit « horrifié. » À l'époque, il est quasiment impossible de passer au travers des mailles du filet de l'armée. Il aurait voulu « faire son service sans armes. » D'ailleurs, le militant a tout fait pour se débarrasser de son fusil de service.
Lorsqu'enfin, il peut rendre son arme, il ramène à l'arsenal « un machin immonde. » Avec une satisfaction certaine, il entre dans les détails : « Les militaires de l'arsenal étaient choqués, ils n'avaient jamais vu ça. » Il raconte également le jour où il a désarmé un homme qui le menaçait en lui parlant, simplement. C'était aux États-Unis et celui qui pointait son arme sur Georges Tafelmacher désespérait de trouver un travail, sa femme venait de le quitter. « Beaucoup de gens à qui je raconte cette histoire ne me croient pas. Mais cela s'est vraiment passé ainsi. »
Éviter le sujet
Aujourd'hui, à 67 ans, Georges Tafelmacher milite au Groupe pour une Suisse sans armée à l'origine de plusieurs référendums d'initiative populaire pour restreindre le droit de posséder une arme. Il décrit avec dégoût et emphase la fascination enfantine et les instincts primaires qui lient ses concitoyens à leurs armes. Avec son beau-frère, heureux possesseur d'un petit arsenal à domicile, il préfère éviter ce sujet.
Les cheveux blancs en bataille, il explique comment il passe pour un anarchiste d'extrême-gauche dans son pays, où les armes marquent en pointillé la vie politique.
Pauline Hofmann
Une tragédie de plus dans un pays qui figure au palmarès mondial du nombre d'armes à feu par habitant. Jusqu'à six Suisses sur dix possèdent un pistolet, une carabine ou même un fusil automatique chez eux (les estimations varient du simple au double). La confédération helvétique trône donc sur le podium d'un classement que peu lui envient : le pays arrive juste derrière les Etats-Unis et le Yémen.
Les incidents comme celui de Menznau sont rares, mais ils choquent profondément la population helvète, pourtant attachée à ses armes. Au mois de janvier 2013, un homme abattait trois personnes et en blessait deux autres à Daillon. En 2001, c'est un déséquilibré armé d'un pistolet et de deux fusils qui pénétrait dans
le Parlement local du canton de Zoug. Quatorze élus meurent dans le massacre qu'il perpètre. S'il demeure peu élevé au vu de l'arsenal qui circule dans le pays, le nombre de ces tueries augmente depuis une vingtaine d'années. Et pourtant, la législation n'a de cesse de se durcir. Pas assez apparemment, puisqu'il demeure extrêmement facile de se procurer une arme en Suisse.
Un Uzi pour quelques centaines de Francs suisses
De père en fils, on se transmet l'arme militaire que les soldats peuvent racheter à la fin de leur service. Longtemps, les armes ont eu leur quartier dans chaque famille (voir aussi le reportage près de Lausanne). Aujourd'hui, pour quelques centaines de Francs suisses, on peut se procurer un vieux Colt, un Uzi ou bien un fusil d'assaut sur un site de petites annonces. Au vendeur de vérifier que l'acheteur possède bien l'une des centaines d'autorisations délivrées tous les ans par les cantons. Un simple formulaire, où, en somme, on atteste sur l'honneur que le pistolet que l'on veut acquérir va être utilisé pour la chasse ou le tir sportif. Plus de 95% des demandes sont approuvées par les autorités, en dépit des restrictions imposées par l'Union Européenne depuis l'entrée de la Suisse dans l'espace Schengen.
En se rapprochant de l'Union, Bern inquiète les pro-armes comme Willy Pfund, le président de Pro Tell, équivalent suisse de la NRA (National Riffle Association, lobby pro-armes à feu aux Etats-Unis). « À terme, Bruxelles interdira totalement les armes en Suisse », est-il persuadé. Mais Willy Pfund a des ennemis à Genève, Zurich ou encore Bâle.
La fronde s'organise
Josef Lang, vice-président du Parti écologiste suisse, est le porte-drapeau de cette guerre contre les armes. « J'étais au Parlement de Zoug, ce jour-là. J'étais dans la salle », énonce-t-il posément. Deux ans après, il prend ses quartiers au Parlement national. « Après cette tragédie, les révisions de la loi sur les fusils ont pris force. » La fronde parlementaire nationale, jusqu'alors inexistante, s'organise et s'intensifie autour des verts et des socialistes suisses. Avant 2001, rares étaient les députés à se prononcer ouvertement contre les armes à feu. Aujourd'hui encore, même au sein du Parti socialiste suisse, certains, amateurs de tir, se font petit dès lors qu'il s'agit de voter pour une restriction de la législation.
En 2011, Josef Lang et son parti ont soutenu une votation interdisant aux citoyens mobilisés dans l'armée de garder leur arme de service chez eux, comme cela est le cas à l'heure actuelle. Un échec. 56 % des Suisses votent contre. « C'est beaucoup, mais je pense que si vous aviez posé la question il y a cinquante ans, le rejet aurait été bien plus massif », estime Alain Perret, membre de la Société des carabiniers de Lausanne, une association de tir. Des dizaines de milliers de SIG 550, fusils de l'armée suisse, continuent donc à meubler les appartements suisses.
La campagne de récupération, « de la poudre aux yeux »
Une fois libre de tout devoir militaire, et pour la modique somme de 100 Francs suisses (soit 80 euros), les anciens soldats peuvent garder leur fusil de service. Une arme souvent transmise de père en fils, sans que l'administration soit mise au courant.Aucun répertoire central, des registres cantonaux récents et incomplets, les statisticiens les plus chevronnés se sont cassés les dents pour savoir combien d'armes sont en circulation dans la Confédération.
Plus réservés sur la détention d'armes, les cantons de Vaud et de Genève se sont hasardés dans une campagne de récupération de fusils et pistolets. « Ils n'ont récupéré que de vieux pétards hors d'état de fonctionner », explique l'anti-militariste rompu qu'est Georges Tafelmacher, le responsable de la section lausannoise du Groupe pour une Suisse sans armée. « De la poudre aux yeux. » Les amateurs de tir et les collectionneurs d'armes ont encore de beaux jours devant eux.
Pauline Hofmann
Au beau milieu de l'Europe, une petite Amérique vit paisiblement, ou presque, avec ses millions d'armes en circulation. Depuis quelques années, des tueries endeuillent le pays et posent régulièrement la question de la détention d'arme sur la table de nos voisins helvétiques. Le vernis des pro-armes s'écaille.
C'était un homme calme, un peu étrange peut-être, mais rien ne laissait présager le drame. Le 26 février 2013, à l'heure de la pause, un employé fait irruption dans la cantine de l'usine de bois de Menznau, en Suisse. Il ouvre le feu sur ses collègues, en tue deux et meurt au cours d'un corps-à-corps avec un employé qui essaye de le stopper. Deux personnes succombent à leurs blessures, élevant le bilan final de la tuerie à cinq morts.
Le 27 février dernier, un homme ouvrait le feu dans une usine de Menznau, dans le canton de Lucerne en Suisse. Au total, cinq personnes ont péri dans la tuerie, dont l'auteur des coups de feu. Cinq autres employés de l'entreprise ont été blessés. En 2001, quatorze personnes trouvent la mort lors d'une session du parlement régional de Zoug. Un drame qui traumatise la Suisse et qui entame une campagne de démilitarisation.
Régulièrement depuis une dizaine d'années, de nombreux incidents endeuillent le pays, car juste derrière les Etats-Unis et le Yémen, les Suisses sont sur le podium de la détention d'arme à feu.
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La Suisse est un des pays les plus armés du monde et paradoxalement un des plus sûrs. Le dossier sur les armes à feu dans la confédération helvétique est composé de quatre éléments (article, reportage, portraits, infographie).
Un premier post d'actualité concerne une demande d'enquête des eurodéputés sur les partis européens d'extrême droite. Les parlementaires de Strasbourg avaient l'intention de couper les subventions européennes touchées par ces groupes politiques. L'article a été réalisé le 6 février 2013.
Le second post d'actualité traite de la polémique autour du texte du Parti Socialiste critique envers Angela Merkel. L'affaire a fait grand bruit en France et a été à peine abordée en Allemagne. L'article a été écrit le 29 avril 2013.
Bonne lecture.
Pauline Hofmann