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Face au scandale, l’Armoush Tourist Investment Company, la société qui exploite la marque McDonald’s en Jordanie, a immédiatement communiqué sur l’envoi d’un don de 100 000 JOD (130 000 euros) en faveur des victimes gazaouies, pour tenter de renverser l’opinion publique et sauver le chiffre d’affaires de ses établissements. « Nous affirmons catégoriquement que McDonald’s International ne finance ni ne soutient les parties impliquées dans ce conflit, a même juré la marque dans des tracts distribués dans les restaurants. Toutes nos pensées vont vers les victimes. Nous sommes contre la violence sous toutes ses formes. »

Israël, sujet de la campagne

Le FAI a plusieurs fois boycotté les élections. Aujourd’hui encore, le parti ne s’attend pas à ce qu’elles soient totalement libres. Il s’y présentera quand même. Zaki Beni Rsheid, ancien numéro deux du Front, sera un des candidats. En 2015, il est condamné à 18 mois de prison au motif d’avoir « perturbé les relations de la Jordanie avec un État étranger ». Il avait critiqué les Émirats arabes unis, alliés du pouvoir dans la région.

Dans la campagne de Zaki Beni Rsheid, Israël sera un des principaux sujets de discussion. « Le projet sioniste constitue une menace pour notre pays. Ils veulent y déplacer les Palestiniens. Mon parti soutient les droits du peuple palestinien à la libération, à l'indépendance et au retour des réfugiés », déclare le politicien depuis les bureaux de son avocat, dans un quartier riche d’Amman. Le sexagénaire en costume et chemise sans cravate compte aussi sur le nouveau système électoral pour remporter plus de sièges que lors des dernières élections : « Il s'agit de la première étape de la transformation démocratique. Si le vote est exempt de fraude, nous aurons une nouvelle scène parlementaire. C'est pourquoi les élections revêtent une importance particulière. »

Adélie Aubaret
Max Donzé

Rien d’anormal ici. Les Jordaniens et Jordaniennes, y compris les plus jeunes, ont — presque tous et toutes — délaissé les grandes chaînes de restauration rapide occidentales. L’association de restauration jordanienne estime qu’elles ont perdu 85% de leur chiffre d’affaires. Même l’enseigne aux arches jaunes n’a pas échappé à la mobilisation générale. Un événement a particulièrement révolté la population : l’entreprise qui détenait toutes les franchises du géant américain en Israël, Alonyal, rachetée en avril par la maison-mère, avait pris l’initiative de distribuer gratuitement des repas à l’armée israélienne, quelques jours après le 7 Octobre.

Décembre 2023 : un incendie au cœur de Pétra détruit trente années de trouvailles archéologiques. La consternation demeure chez Thibaud Fournet, actuellement en fouilles dans la célèbre cité antique. La réponse du Parc archéologique de Pétra (PAP) lui reste coincée en travers de la gorge. « Vous avez toujours vos brouettes, où est le problème ? », lui aurait lancé l’institution indépendante, qui gère l’exploitation de la cité vieille de 2 000 ans. Si des Bédouins du village d’Uum Sayhoun, caché derrière les montagnes du site, ont été jugés et emprisonnés, pas un mot dans la presse locale. Le PAP refuse même de s’exprimer sur l’incident.

À la fin de ce voyage dans les rues de cette capitale bouillonnante, je garde en mémoire ce goût et cette odeur omniprésente, voire entêtante à chaque passage devant les échoppes de cuisine ou les étals d’épices. Dans un petit balluchon en plastique, j’embarque mon mélange préféré : le zaatar palestinien et son goût acidulé. C’est comme s’il avait été créé pour être transporté et partagé facilement. « Les personnes obligées de fuir leur pays en avaient toujours sur eux dans des petits contenants facilement transportables, confie Qais Malhas, lui-même exilé palestinien. Aujourd’hui, c’est nous qui en avons toujours sur nous. »

Azilis Briend

12h15. À l’heure où les estomacs commencent à gargouiller, un groupe d’une trentaine d’enfants se rue sur la terrasse étriquée d’un vendeur de shawarma — un sandwich brioché au poulet typiquement jordanien. Or, le cadre a de quoi interloquer. Tout autour, au dernier étage du centre commercial Abdali, situé au milieu d’un quartier d’affaires d’Amman, les autres grandes enseignes sont vides. Le roi du fast-food McDonald’s ou les stars du poulet frit KFC et Popeyes attendent désespérément les commandes des clients. « Ce sont les enfants qui nous ont demandé de manger dans un restaurant qui n’est pas boycotté », témoigne la professeure encadrante.

Une étude en profondeur sur le zaatar

Impossible de s’arrêter à la dégustation. Il faut en savoir plus. « En fonction de la culture culinaire, chaque pays du Levant, chaque région, chaque famille possède sa propre recette », déclare Qais Malhas, jeune chef à la tête du restaurant Shams El Balad, basé à Amman, mêlant cuisine palestinienne et jordanienne. Depuis plusieurs années, il mène un travail de fond sur la diversité et l’identité culturelle de la cuisine arabe. Entre 2018 et 2019, le chef a rassemblé plus de 70 personnes au sein de son food lab, soit « laboratoire alimentaire », pour élucider les secrets du zaatar. Au bout, une étude qui explore la question de A à Z. Ils ont pris le temps d’analyser un grand nombre de mélanges et se sont rendu compte qu’en plus des ingrédients traditionnels certains y ajoutent du carvi, du cumin, des graines de fenouil ou encore de l’anis. « On s’est ensuite intéressé aux herbes de base qui entrent dans la composition du zaatar et on a constaté que la dénomination “thym” qu’on peut voir et entendre partout était en fait inexacte. Selon les territoires, la plante utilisée n’est pas la même. Même si l’origan reste la base commune. Tout est une question de contexte. » Dans son travail de recherche sur les origines du zaatar, il raconte également son exportation à travers le monde : « De la colonisation à la migration en passant par le commerce, il véhicule une grande variété de récits. C’est un fait, les peuples échangent depuis la nuit des temps. »

Réforme du système électoral favorable

Pendant des décennies, les Frères musulmans étaient les alliés du pouvoir royal pour combattre les partis soutenus par l’URSS. Depuis la victoire des islamistes aux élections de 1989 – les premières après la loi martiale – le mode de scrutin favorise largement les élus indépendants au détriment des partis. Encore aujourd’hui, c’est un réflexe pour beaucoup de voter pour un cousin, un voisin, quelqu’un de sa tribu. En échange, les électeurs attendent des élus qu’ils les aident dans la vie de tous les jours. C’est le cas de Samia : la chômeuse de 29 ans votera « pour quelqu’un qui le mérite, qui pourra m’aider avec les factures d’électricité par exemple ».

En 2022, le pouvoir royal nomme une commission pour moderniser la vie démocratique. Pression des puissances occidentales, volonté de réduire l’influence des tribus ou de pouvoir compter sur des partis pour encadrer la vie politique : l’assemblée issue du vote de septembre doit comporter au moins un tiers de représentants d’organisations politiques. 

De nouveaux partis proches du pouvoir émergent alors, d’inspiration islamiste à centriste, ils existent pour capter une partie de ces sièges. L’électeur du FAI Ahmed Saleh Albis ne se fait pas d’illusion sur le résultat, « notre parti prendra des sièges, mais le gouvernement s’arrange pour qu’on en ait un nombre acceptable, pas plus ».

La Jordanie fourmille de sites archéologiques, comme la cité antique de Pétra. Mais le désintérêt local pour le patrimoine et le poids du tourisme nuisent à ces trésors historiques.

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