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Le cimetière public musulman ne cesse de s'agrandir. © Elsa Rancel

Créé en 2012, le cimetière public musulman situé dans le quartier de la Meinau ne cesse de s’agrandir. D’abord contraintes par la pandémie de Covid-19 puis par choix, de plus en plus de familles décident d’y inhumer leurs proches.

Prévus en 2025, les travaux doivent permettre de créer une piste bidirectionnelle de 3 à 3,5 mètres de largeur côté est en supprimant l’une des voies de circulation. La bande unidirectionnelle en direction d'Illkirch sera conservée. Avec une enveloppe de 5,7 millions d’euros de l’EMS et 520 000 euros de la Ville dédiée aux travaux de l’avenue de Colmar à la route de l'Hôpital, l'objectif affiché est de réduire le trafic, la vitesse des voitures et de favoriser les déplacements à vélo.

Des aménagements qui interrogent

Le projet est plutôt bien accueilli par les usagers. Pourtant le fait que les vélos se croisent sur la piste bidirectionnelle interroge. "Je ne suis pas trop pour les zones de contact, je trouve que c'est accidentogène", confie Nicolas, facteur à bicyclette depuis plus de quinze ans.

"Puisque la bande cyclable est dangereuse, les vélos se déportent sur le trottoir et là, ça devient gênant pour les piétons, surtout avec une poussette", regrette Agathe, une riveraine qui a l’habitude de promener sa fille dans le quartier.

"C’est une certitude, je ne roule pas avec des enfants sur l’avenue de Colmar. Les familles choisissent systématiquement de faire un détour", témoigne Somhack Limphakdy de l’association Strasbourg à vélo.

"Mes amis qui habitent à la Krutenau et qui veulent se rendre à Illkirch prennent le tram. Ils aimeraient venir à vélo mais c’est trop dangereux", renchérit Florian, alias J’trace à Stras. 

Pour réduire l'exposition des cyclistes, la Ville et l’Eurométropole de Strasbourg mènent un projet de réaménagement. Inscrit dans le plan vélo 2022-2026, il prévoit de sécuriser les itinéraires cyclables des grands axes sud de Strasbourg, dont l’avenue de Colmar.

 

À 300 mètres de là, huit ans plus tôt, une cycliste s’est légèrement déportée pour éviter une camionnette mal stationnée. Au même moment, un camion benne a empiété sur la bande cyclable. La jeune femme de 25 ans a été happée sous les roues du poids lourd. Elle est décédée des suites de l’accident.

Avec plus de 19 000 voitures par jour en 2023 selon les chiffres de l’Eurométropole de Strasbourg (EMS), l’avenue de Colmar est particulièrement anxiogène pour les cyclistes. Première épreuve : circuler sur des bandes cyclables qui ne respectent pas les normes.

Selon le ministère de la Transition écologique et conformément aux recommandations du Cerema (Centre d'études et d'expertise sur les risques, la mobilité et l’aménagement), la largeur minimale d’une bande est de 1,5 mètre hors marquage. Un espace tampon de 0,5 mètre doit être prévu en cas de stationnement.

"J’ai compté 0,85 mètre de largeur", alerte Florian, jeune diplômé en urbanisme et détenteur du compte J’trace à Stras cumulant plus de 1 600 abonnés sur X (anciennement Twitter). Justement, sur l'avenue de Colmar, les places de parking jouxtent les voies cyclables. "Avec toutes les voitures garées, c'est tellement étroit que si l'une d'entre elles ouvre une portière, c'est dangereux", souligne Étienne, habitant du quartier Villas, son casque vissé sur la tête.

Des freins à l’usage du vélo

Moniteur à l’auto-école Class’Conduite implantée dans le quartier, Thierry n'emmène plus ses élèves sur cette artère pour des raisons sécuritaires. "C’est plus une avenue de formule 1 qu’autre chose !", lance-t-il. Les comportements risqués impactent tous les types d’usagers.

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Bâtiment du 50 rue de la Canardière. Sa démolition a été annoncée en 2019, depuis les habitants se plaignent de son délaissement. © Lya Roisin-Pillot 

*L'identité a été modifié. 

Le tram bondé s’apprête à quitter la station Émile-Mathis. Caché par la rame, Pascal retire l’antivol de sa monture accrochée aux rambardes métalliques. Ce mercredi après-midi sur l’avenue de Colmar, les moteurs vrombissent et la plupart des voitures dépassent nettement la limitation des 50 km/h. "Le problème, c’est les stationnements en double file et les camions qui mordent la ligne", avertit le cycliste en haussant la voix pour couvrir le bruit du trafic.

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Malika El Mouïchui, une des dernières habitantes du 50 rue de la Canardière, dans son salon marocain. © Lya Roisin-Pillot 

"Le projet de renouvellement urbain de la Meinau, c’est tout un cirque", s’énerve-t-il. Depuis quatre ans, les habitants sont plongés dans l’incertitude. Initialement, In’li s’était engagé auprès des locataires de la rue de la Canardière à les reloger dans un immeuble qui doit sortir de terre, au 23-25-27, rue de Bourgogne. Problème, le projet a pris du retard. À cet emplacement, la vieille barre qui devait être détruite, a été squattée au début de cette année. Avec le nouveau calendrier d’In’li, les habitants n’ont plus la garantie d’être relogés dans le quartier. "C’était seulement oral. Il n’y a pas eu d’engagement concret par écrit de notre part", se défend Aurore Petit, directrice de la gestion locative et des relations clients chez le bailleur. Les locataires pointent du doigt la difficile circulation de l’information. Du côté de l’Eurométropole, on se dégage de toute responsabilité. "Vu l’énergie qu’on dépense à faire des documents de communication, de concertation, je doute de la bonne foi de ceux qui vous disent qu’ils ne sont pas bien informés", s'agace Éric Chenderowsky, responsable urbanisme. 

Quoi qu’il en soit, pour Christian Schmid, pas question de quitter la Canardière :  "J’ai une qualité de vie ici, le médecin, le laboratoire, tout à proximité. Je vais pas aller ailleurs." À l'occasion d’un déjeuner-rencontre avec les riverains le 16 novembre, il a interpellé Jeanne Barseghian, maire de Strasbourg, sur sa situation : "On est douze petits vieux [dans l’immeuble], on fait front. On a tous dit qu’on voulait aller dans les nouveaux bâtiments [de la Canardière], ils nous mettront pas dehors", a-t-il clamé.

Entre stationnements sauvages, circulation dense et bandes non-réglementaires, les cyclistes peinent à trouver leur place sur l’avenue de Colmar. Malgré un projet de réaménagement en 2025, des inquiétudes subsistent quant à leur sécurité.

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