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À la Grande mosquée de Strasbourg, sous la coupole en forme de pétales de fleur, Kalilou Sylla, 26 ans, voit défiler plusieurs centaines de fidèles chaque jour. Originaire de Sevran, l’imam a amorcé son engagement religieux à l’adolescence, dans son 93 natal. « Mon rapport à la religion provient de mes parents, musulmans. Je prenais des cours d’arabe comme beaucoup de jeunes de mon âge, puis j’ai eu un déclic, raconte celui dont les parents sont originaires du Mali. J’allais à la mosquée de ma propre volonté, en me reconnaissant dans les discours profonds sur Dieu. » La religion a pris le pas sur le reste quand il a été contraint d’arrêter l’athlétisme, une autre de ses passions d’enfance.
Un dévouement à peine supplanté au lycée par son implication syndicale, lui qui siégeait au Conseil supérieur de l’éducation pour l’Union nationale des lycéens (UNL). Sylla avait pour ambition de devenir proviseur. « En plus de la religion, je suis très attiré par l’éducation », dit-il avec un sourire qui se dessine sous son masque. Son ambition professionnelle prend forme quand il s’engage dans un cursus en administration économique et sociale. Début 2016, il s’envole au Maroc pour y suivre une formation en théologie religieuse.
« Faire un pont entre l'engagement citoyen et religieux »
Le déclic s’est produit quelques mois plus tôt. Les attentats de Paris et de Saint-Denis du 13 novembre 2015 et la montée de la défiance envers l’Islam servent de catalyseur. « J’ai entendu tellement de choses fausses, d’amalgames, d’ignorance sur la religion musulmane. Je voulais faire un pont entre l’engagement citoyen et religieux. » Faute de formations d’imams accessibles financièrement en France, c’est à Rabat qu’il se forme aux sciences religieuses. « Issu d’une famille modeste, c’était impossible pour moi de payer plusieurs milliers d’euros pour une formation à Château-Chinon. »
En juillet 2019, l’Union des mosquées de France (UMF) l’envoie à Strasbourg pour un stage de deux mois. « Je me suis dit, "c’est une trop grande mosquée, je suis encore en formation, je ne suis pas très sûr d’accepter." » Au programme, les cinq prières quotidiennes et des cours d’arabe pour enseigner les fondamentaux de la religion. Il a aussi accompli des missions ponctuelles dans d’autres mosquées de Strasbourg. « Je devais venir chaque été en stage après cette première expérience mais ça a pris un autre tournant... »
« Faire preuve de modernisme »
Alors qu’il s’était installé à Fès (Maroc) pour poursuivre son apprentissage des textes religieux, sa venue à l’été 2020 en stage a été repoussée en raison du Covid. De retour à Strasbourg en septembre de la même année, les frontières entre la France et le Maroc se ferment. Il est bloqué en terres alsaciennes et s’engage en CDI avec la Grande mosquée de la capitale alsacienne, « un peu grâce à un coup du sort ».
« Une vie épanouie à deux » : c’est ce que fait miroiter Christine Bender sur un document qu’elle remet à ses clients à l’issue de leur première entrevue et avant la signature du contrat par lequel ils s’en remettent à son agence matrimoniale pour trouver l’âme sœur. La franchise alsacienne d’Unicis, qui vend l’amour dans 105 agences en France, mise sur « des relations stables et durables », martèle sa directrice, quelques instants avant de retrouver à Strasbourg un cœur à prendre, un ingénieur divorcé de 52 ans.
On croyait les agences matrimoniales précipitées dans l’histoire, au même titre que les petites annonces, par les Meetic, Tinder et autres Badoo. Fin 2020, ceux-ci séduisaient près d’un tiers des Français, d’après l’Ifop. Pourtant, assure Christine, le « slow dating » connaît un regain de succès, au point qu’Unicis, fondée en 1973, ambitionnerait de doubler le nombre de ses antennes. « Ringardes, les agences ? Non. » Mais démodées, oui, auprès des jeunes, concède Christine. Son cœur de cible a entre 40 et 60 ans, est bien installé et a déjà connu la vie de couple. En-dessous de 30 ans, les femmes sont rares et les hommes systématiquement refusés, car jugés « trop impatients ».
Les déçus de Meetic
Du temps long, un suivi personnalisé, des profils triés sur le volet : l’agence tient à afficher sa différence avec les sites et applications de rencontres. Pour mieux séduire ceux qu’ils ont déçus. « La moitié de nos clients reconnaissent être passés par un site. Mais j’estime qu’ils sont en réalité 80 %. » Et Christine de raconter les années passées seul derrière un écran, les aventures éphémères, les échecs à répétition.
Et les arnaques, comme les pièges posés par des « brouteurs de Côte d’Ivoire », qui profitent de l’anonymat des sites et de la solitude des célibataires pour leur extorquer des sommes colossales. « Trois clientes avaient noué une relation avec un homme qu’elles n’ont jamais vu. Elles y ont laissé chacune entre 7 000 et 12 000 euros. » Pour écarter escrocs, bonimenteurs et autres Don Juan, Christine rencontre en tête-à-tête chaque prospect et exige un justificatif de domicile, une fiche de paie, une preuve de divorce… et une attestation sur l’honneur qu’il est « libre de cœur ».
Coûts de cœur
« En bref, nous ne sommes pas un fast-food, où on mange au comptoir. Mais un restaurant gastronomique, où on vous sert et, si vous n’êtes pas satisfaits, on vous ressert. » Le haut de gamme a un prix : d’une centaine à 2 400 euros, pour la formule complète, durée illimitée et relooking en dessert. À partir de 1 400 euros, une coach en bien-être, Julie Vogt, les aide à apprivoiser leur image et à regagner confiance en eux par un tour chez le coiffeur ou en les incitant à porter des chemises et éviter les baskets éculées.
Tout le monde ne peut pas s’offrir les services de Cupidon, et 80 % de ses 200 clients sont des CSP+, attirées par l’efficacité et la discrétion vantées par l’agence, sise derrière la façade anonyme d’un immeuble bourgeois. La directrice égrène les architectes, médecins et chefs d’entreprise, « des personnes ayant pignon sur rue », qu’elle réunit parfois à l’occasion de soirées « Art et cocktails » dans une galerie privatisée.
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Mais l’argent ne suffit pas (toujours) à acheter le bonheur. Les malheurs de Marie* l’ont prouvé. La soixantaine golfeuse, cette rentière à l’esprit vif et aux poches pleines enchaîne les déceptions avec les hommes présentés par l’agence, raconte Christine. La raison : « Elle vise au-delà de ses moyens ». Or, « elle n’est pas jolie, elle n’y peut rien » – sauf à baisser ses exigences. L’agence a beau ne pas envoyer de photos à ses clients avant qu’ils ne se rencontrent en chair et en os, le marché de la séduction reste cruel envers les physiques qui sortent de la norme. Christine préfère rappeler les happy endings, comme ce couple qui a eu le coup de foudre au premier rendez-vous ou ce célibataire endurci qui a trouvé l’amour à la suite d'un reportage sur Unicis. L’agence estime son taux de « succès » à près de 65 %.
* Le prénom a été modifié.
Yasmine Guénard-Monin
Édité par Séverine Floch
L'imam est arrivé à Strasbourg en 2020, après des études théologiques à Rabat. Rencontre.
© Achraf El Barhrassi et Yasmine Guénard-Monin
La compétition européenne s’est imposée ces dernières années comme un évènement sportif incontournable. Ce succès vient avant tout des émotions qu’il procure à ses amateurs.
Les aficionados débattent encore des mois après le coup de sifflet final de l’ultime rencontre. Qui méritait le plus le Grand Chelem ? L’Angleterre, le Pays de Galles, la France, l’Écosse, l’Irlande ou l’Italie ? Ils s’écharpent sur le coup de génie, le moment de tension, le point de bascule ou l’erreur malencontreuse d’un joueur.
Alors que la 128e édition du Tournoi des Six Nations a commencé le week-end dernier, l’engouement autour pour ce rendez-vous populaire ne désemplit pas. Près de 6 millions de téléspectateurs en moyenne ont assisté à la victoire de la France face à l’Italie (37-10) au Stade de France. Un pic de 7 millions a même été enregistré. Soit 40% de part de marchés pour France Télévisions sur ce créneau du dimanche après-midi.
Peu d’évènements en Europe peuvent se targuer de nourrir autant de ferveur et d’attente. Si beaucoup de néophytes suivent ce tournoi et passent outre les règles alambiquées du rugby, c’est qu’ils se concentrent sur l’essentiel : les sensations que procure ce tournoi.
Un tournoi historique
En 1882, Charles Darwin mourrait d’une insuffisance cardiaque, Nietzsche publiait Le Gai Savoir et Jules Ferry redéfinissait en profondeur le système éducatif français. C’est cette année-là précisément qu’eut lieu le premier tournoi. Celui-ci ne deviendra officiellement le tournoi des cinq nations, avec l’admission de la France, en 1910.
Le tournoi, interrompu après 1939, n’a pu reprendre qu’en 1947. Avec la fin des deux conflits mondiaux, la fureur du feu et la guerre des hommes laissèrent enfin la place à l’affrontement des joueurs. Le format du tournoi, tel qu’on le connaît aujourd’hui, n’existe que depuis 2000 avec l’entrée de l’Italie.
Le rugby, sport de contact par excellence, symbolise parfaitement l’engagement physique des joueurs dans un combat rude et parfois brutal pour le gain de la partie. À d’autres moments de leur histoire, les nations qui composent le tournoi se sont affrontées dans des combats qui n’avaient rien d’un jeu. À l’époque, les hommes qui s’opposaient n’étaient pas motivés par les applaudissements du public, mais par la peur de la Grande Faucheuse. Ce tournoi, en tant qu’entité canalisatrice des rivalités entre les nations, contribue chaque année à la pacification des relations entre ces pays européens devenus amis.
Persistance des antagonismes
La trace de l’histoire n’est cependant jamais bien loin et des rivalités illustres subsistent au sein même du tournoi. Le « Crunch » désigne par exemple l’affrontement historique entre les équipes du XV de la rose (Angleterre) et les Bleus (la France). Très attendu de part et d’autre de la Manche, il fait monter d’un cran la pression et la tension chez les supporters respectifs.
La Calcutta Cup est également le nom du trophée remporté par le vainqueur du match entre l’Écosse et l’Angleterre. Sa légende est née un jour de Noël 1872, dans la capitale de l’Empire des Indes britanniques. L’Écosse a d’ailleurs remporté la 140e rencontre entre ces deux pays samedi dernier.
Des hymnes et des stades mythiques
Les poils qui se hérissent, cette tension qui étreint la poitrine avant chaque début de match. Ces sensations trouvent leur paroxysme au moment des hymnes. Ce moment où l’équipe des quinze vaillants communie avec son public et fait presque corps avec lui. Que l’on soit derrière son poste de télévision ou dans le stade, ce moment solennel exalte la ferveur nationale dans un seul et même élan.
Les six hymnes du tournoi possèdent leur spécificité. Flower of Scotland, l’hymne écossais incarne magistralement l’affrontement symbolique. Le son envoûtant de la cornemuse, puis ce léger moment de flottement lorsque le public reprend a capella le chant lors des matchs à Édimbourg. Le poids de l’histoire se ressent jusque dans les racines des paroles, car le chant dépeint l’affrontement entre le cruel roi anglais Édouard et les paysans écossais à la fin du XIIIe siècle. Le ton militaire et révolutionnaire de la Marseillaise, le sobre et respectueux God Save The Queen anglais, le puissant souffle gallois et son Hen Wlad fy Nhadau, les deux hymnes irlandais ou encore le solennel Fratelli d'Italia, sont autant de manières de célébrer les cultures de chaque nation participante.
Mais les hymnes ne seraient rien sans les stades mythiques dans lesquels le public s’époumone. Car, à quelques exceptions près, tous les matches du tournoi ont eu lieu dans les mêmes stades depuis sa création. Ces temples du rugby sont entrés dans la légende et pour certains, il n’est même plus nécessaire de leur adosser l’appellation « stade ». Ils ont pour nom Twickenham à Londres, Saint-Denis en France, Millennium Stadium à Cardiff, Stade olympique à Rome, Murrayfield à Édimbourg et Aviva Stadium à Dublin.
Pour toutes ces raisons, les émotions procurées par le Tournoi des Six Nations sont uniques en leur genre. Au point que le silence qui suit la fin du tournoi est encore empli de musique.
Émilien Hertement
Édité par Camille Bluteau