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La fin d'un monde ?

À la fin de la période communiste en 1989, les unités de production héritées de la collectivisation disparaissent. Lors de la phase de « rétrocession », les terres sont distribuées à la population sous la forme de micro-exploitations de quelques hectares. Dans le même temps, la crise économique pousse une partie de la population à retourner cultiver son lopin de terre simplement pour subsister. Le retour à l’agriculture traditionnelle a ainsi servi de « tampon social » face aux conséquences économiques de la période post-Ceaușescu.
Mais depuis la période précédant l’entrée dans l’UE en 2007, la tendance marque une baisse des exploitations vivrières. La part des très petites exploitations (moins de 0,1 hectare) est passée de 10 % en 2010 à 4 % en 2020. Dans le même temps, la part de celles supérieures à 10 hectares a doublé. Ce processus vient d’une double volonté, d’abord celle du gouvernement roumain d’orienter les politiques publiques tout comme l’enseignement de l’aménagement de l’espace rural vers l’agro-industrie.
Sur le plan européen, une répartition inégale des subventions directes de la politique agricole commune avantage les « grandes » exploitations, tournées vers la production et l’exportation, notamment parce que les fonds passent dans la modernisation de l’outil de production qui favorise la rentabilité. En Roumanie, moins de 1 % des exploitations agricoles (de plus de 500 hectares) reçoivent 50 % des subventions. Enfin, le vieillissement de la population rurale, l’exode de la main-d’œuvre dans les autres pays, et l’écart de revenus avec les zones urbaines plus riches, expliquent également l’effritement de l’agriculture paysanne.

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Le 10 mai 2022, l'Universitatea Cluj reçoit le FC Hermannstadt pour une place en première division roumaine (défaite 1-2). © Elia Ducoulombier

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À l'ombre des immeubles, les anciens quartiers de travailleurs disposent de nombreuses aires de jeux pour enfants. © Elia Ducoulombier

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Les barres d'immeubles du quartier Mărăști ont été construit dans les années 70. © Elia Ducoulombier

Sa ville n'est plus celle des hackers. D'ailleurs, si on prend l'appellation à la lettre, elle ne l'aurait jamais été : « Il n'y a jamais eu beaucoup de vrais hackers à Hackerville. » Le mot « hacker » a été associé à la va-vite à cette petite délinquance en ligne, une fabrique à arnaques calibrées pour les Occidentaux. Le vrai « hacking », lui, est une discipline complexe qui consiste à pénétrer des systèmes informatiques protégés. « La plupart des criminels du net de l'époque étaient en fait des personnes qui achetaient des bases de données sur le Darkweb puis qui envoyaient des mails d'escroquerie et créaient des fausses pages web. » 

Aujourd'hui, pas de Ferrari en bas des bâtiments : quelques berlines mais, surtout, de « traditionnelles » Dacia roumaines. On s'attend à une ville toute en contrastes, on trouve une cité moyenne, tranquille, avec des parterres fleuris. Un peu trop de bureaux de transferts d'argent Western Union, peut-être. 

Emma Bougerol et Laure Solé 

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Le quartier Buna Ziua a été construit ex nihilo après la chute du régime communiste. © Hadrien Hubert

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Dans le quartier Ostroveni à Vâlcea, on compte plus de bureaux de transfert d'argent Western Union que n'importe quel autre type de commerce. © Laure Solé

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La cathédrale greco-catholique a été construite pour réparer les torts causés par le régime communiste à cette minorité religieuse. © Hadrien Hubert

« Tout le monde a un voisin hacker »

À la racine du mythe, le démantèlement de plusieurs réseaux cybercriminels en 2008. Même le FBI s'est installé pour quelques mois dans la commune pour veiller au grain. Un feuilleton tellement rocambolesque qu'il a inspiré une série télévisée pour la chaîne américaine HBO, sous le même nom de « Hackerville ».

L'âge d'or du cybercrime à Vâlcea a laissé un souvenir vivace dans l'esprit des habitants de la ville. Une image est citée à de nombreuses reprises : on pouvait apercevoir des enfilades de voitures de luxe au pied des appartements miteux. Notamment à Ostroveni, un ancien quartier ouvrier du sud de la ville, toujours l'un des plus pauvres aujourd'hui. 

Pour Daniel, garagiste de 18 ans qui habite le quartier et squatte les halls d'immeubles avec ses amis : « Tout le monde a un voisin hacker. Hackerville est encore Hackerville. On le sait car ils sont riches sans sortir de chez eux. » Chaque habitant vous raconte, après avoir jeté un regard aux alentours, l'histoire d'un voisin un peu trop ermite, un peu trop secret, avec de belles voitures ou des vêtements de marque. 

Pourquoi les jeunes de l'époque se sont-ils passionnés pour les arnaques en ligne ? Plusieurs facteurs pourraient expliquer cette vocation : chômage, crise du logement, ennui, manque de perspective pour la jeunesse, isolement géographique… « Quand on est sortis du régime communiste, les jeunes générations voulaient à tout prix accéder à la consommation, aux standards de vie de l'Ouest », avance Sorin Nedescu, habitant historique de Vâlcea. Une bonne connexion Internet, un peu d'imagination - souvent l'appui d'un réseau criminel - et à eux le rêve américain. Mieux encore : le rêve, mais financé par des Américains crédules ! 

Le temps des Ferrari est révolu à Hackerville

Sorin Nedescu, en bon ancien, semble connaître tout le monde. Il aime raconter l'histoire de hackers qu'il aurait un jour côtoyés - l'un est au Mexique et vend des distributeurs de billets bidouillés, l'autre se cache des autorités à Londres. « Ils sont tous partis à l'étranger ou dorment en prison », conclut-il. 

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