A Strasbourg, la prise en charge des sans-abri a bonne réputation, bien au delà du Bas-Rhin. Certains viennent d'autres villes françaises ou d'ailleurs en Europe. Mais sur place, tous ne trouvent pas le même accueil.
C'est un fait que les éducateurs de rue connaissent bien. Strasbourg attire des sans-abri venus parfois de très loin, et l'hiver plus encore. Etendue du réseau caritatif, bassin d'emplois accessibles... La rumeur fait du chemin. Mais une fois sur place, la réalité n'est pas toujours à la hauteur.
Olivier est travailleur social à l'association Entraide le relais. Il est détaché au point d'accueil solidarité de la SNCF et rencontre régulièrement dans la gare des Européens venus à Strasbourg.
Julien, jeune Messin de 20 ans, est à la rue depuis deux ans. Il est arrivé dans la capitale alsacienne il y a un an. Après avoir sillonné Paris, Nantes, Rennes, Bordeaux ou encore Bayonne, il est revenu à Strasbourg pour refaire ses papiers, et a navigué à travers les différents points d'accueil de la ville.
Après de nouveaux voyages et une septicémie à Paris, Julien est de retour à Strasbourg depuis le mois de septembre. Ici, il n'a eu aucun mal pour se faire hospitaliser. A sa sortie, une place l'attendait en foyer médicalisé, à l'Escale Saint-Vincent.
Sarah Reff, assistante sociale dans cet établissement depuis trois ans, a l'habitude du discours des sans-abri. Ils arrivent dans la capitale alsacienne sur les conseils d'amis à Paris, dans les Vosges, plus loin, pour trouver les moyens de survivre. Accueils de jour, soupes populaires, bains municipaux, services sociaux et médicaux... Même si elles ne sont hébergées que la nuit, les personnes sans domicile peuvent effectuer durant la journée un parcours facilité par le tissu caritatif local : se laver, se nourrir, se retrouver au chaud autour d'une partie de ping-pong, bénéficier de soins.
Mais comme nombre de ses collègues, Sarah constate au quotidien que la réalité de l'hébergement n'est pas la même pour tous. Les demandeurs d'asile et les sans-abri dits "de droit commun" - qui ont la nationalité française -, sont prioritaires. Venus pour des petits boulots et des contrats saisonniers, beaucoup d'Européens échouent quant à eux dans la rue. Les ressortissants européens qui décident de se déplacer seuls en Europe sont en effet censés pouvoir se débrouiller seuls. Ainsi, un Africain demandeur d'asile aura plus de chance qu'un Polonais d'obtenir un lit.
C'est le service du 115 qui répartit les demandeurs d'hébergement. En hiver, des dispositifs de mises à l'abri de nuit sont aussi déployés en renfort. L'accueil de jour Printemps, derrière la gare, aménage chaque nuit de 22h à 6h, son réfectoire en dortoirs. Trente matelas, à même le sol.
Au stade 1 du plan hivernal, déclenché fin novembre, tous les couchages n'étaient pas occupés. Pourtant, il était courant que des ressortissants européens se voient refuser des places. Seuls les cas extrêmes étaient en effet pris en charge.
Marius Bodgan a 37 ans. Il est arrivé en train à Strasbourg par la frontière allemande il y a trois ans. Venu de Roumanie, il cherchait du travail. Il a appris à se débrouiller, à appeler le 115. Au mieux, celui-ci l'orientait vers un hébergement de quelques nuits, mais souvent c'était complet.
Ce n'est que lorsqu'on lui diagnostique une tuberculose contagieuse en novembre 2011 qu'il est immédiatement pris en charge à l'Escale Saint-Vincent.
Aujourd'hui, Marius est à l'abri pour deux mois. Sarah Reff en profite pour commencer avec lui un travail de réinsertion.
A l'accueil de jour du Printemps (voir carte ci-dessous), Ahmed Allali confie que son équipe a eu du mal au début de l'hiver pour débloquer des situations. Depuis le 1er février, le niveau 2 « grand froid » du plan hivernal a été déclenché à Strasbourg. 180 places supplémentaires ont permis une meilleure prise en charge des ressortissants européens.
Là où tout le monde se plaint du froid, les ressortissants européens de Strasbourg y voient une chance d'être enfin aidés et pris en charge.
Ci-dessous, la carte des principaux lieux d'hébergement d'urgence de Strasbourg (accessibles uniquement par le 115 et les services sociaux)
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Claire Gandanger
Marine Daviller
Crédits photos : Claire Gandanger et Marine Daviller