La révision à mi-parcours des perspectives financières 2007-2013 sera un des grands enjeux de la Présidence française. Mais elle ne se conclura pas avant 2010.
«Le système de ressources propres de l’Union européenne n’est ni clair ni juste, clame Alain Lamassoure, il encourage les égoïsmes nationaux et son esprit est anti-communautaire». Pour le président de la commission des budgets du Parlement européen «une réforme est nécessaire et urgente». Sylvie Goulard, ancienne conseillère de Romano Prodi à la Commission européenne, abonde dans son sens : «L’Europe en est encore à la préhistoire au niveau budgétaire».
A l’origine basé essentiellement sur les droits de douanes perçus aux frontières extérieures de l’Union, le budget communautaire a dû évoluer et faire de plus en plus appel aux contributions nationales. Aujourd’hui, seulement 15% des recettes sont assurées par les droits de douanes et droits agricoles, le reste des fonds provenant de prélèvements nationaux. D’une part des prélèvements sur le revenu national brut (RNB) à un taux uniforme théorique de 0,73%, et d’autre part, des prélèvements sur la TVA perçue dans les Etats membres. Mais le montant des contributions nationales est constamment l’objet d’âpres négociations. Avec la question sensible du «chèque britannique», rabais obtenu en 1985 par Margaret Thatcher, le système est devenu «très complexe» pour reprendre les mots de Michaël Christophe, adjoint au chef de la cellule de la présidence française de l’Union européenne. «Aujourd’hui, avec ce système, nous avons autour de la table non pas une Madame Thatcher mais vingt-sept» déplore Alain Lamassoure.
En finir avec le «poison du juste retour»
Le réexamen des perspectives financières (2007-2013), qui interviendra au second semestre 2008 sous présidence française, sera l’occasion d’aborder cette délicate question des recettes de l’UE. Si Nicolas Sarkozy a déclaré qu’il fallait contribuer plus au budget de l’Union, peu d’Etats membres sont au diapason du président français.
Pour Alain Lamassoure, par ailleurs secrétaire national de l’UMP en charge des questions européennes, il faut en premier lieu s’attaquer au mode de financement du budget commun. Et ce, pour deux raisons. Tout d’abord parce que les finances publiques nationales sont en déficit. Aucun gouvernement n’est ainsi prêt à augmenter ses impôts ou son endettement pour financer les politiques communautaires. Ensuite, car le système actuel encourage les calculs égoïstes. Ce que Jacques Le Cacheux, professeur d’économie au Collège des Hautes Etudes Européennes, qualifie de «poison du juste retour». Selon lui, les Etats déterminent leurs contributions au budget en fonction de ce qu’ils peuvent recevoir en retour de l’Union, dans une logique purement comptable.
Pas d’accord global avant 2010
Aujourd’hui, comme l’explique Michaël Christophe, le consensus semble donc acquis autour de la nécessité de réformer le mode de financement du budget européen. Suite à sa consultation publique lancée en septembre, la Commission européenne publiera un rapport en 2008. Côté français, la présidence de l’Union sera l’occasion d’impulser des pistes pour une réforme.
Mais pas question pour Alain Lamassoure de parler d’impôt européen. Il envisage une réforme en deux phases. Dans un premier temps, clarifier le système actuel en revenant à un seul critère d’évaluation des richesses nationales, le PIB, et inviter les Etats à payer la même proportion de leur PIB, sans exception ni rabais. Dans un second temps, il s’agirait de trouver de nouvelles ressources à affecter directement au budget européen et ne transitant pas par les budgets nationaux. Une des options serait de piocher dans des impôts nationaux existants pour transférer tout ou partie de ces impôts au budget européen. Pour le député européen, il pourrait être envisageable de prélever sur les impôts que payent les sociétés. En contrepartie, les contributions nationales disparaîtraient progressivement.
Le débat sera véritablement lancé à partir du mois d’avril lorsque la consultation publique sur le réexamen du budget sera close et que la Commission esquissera ses propositions. Mais le processus de réforme sera long, comme l’explique Alain Lamassoure : «La présidence française devrait être en mesure de lancer le débat politique, mais sur un sujet aussi délicat, il ne faut pas s’attendre à un accord global avant la mise en place du nouveau Parlement et de la nouvelle Commission, donc au plus tôt début 2010, pour une application en 2013».
Fabien Benoit
Les think tanks s'y intéressent
CEPS - son étude «Rethinking the EU Budget: Three Unavoidable Reforms» publiée fin novembre est considérée par beaucoup comme une référence.
CENTER FOR EUROPEAN REFORM - fondé en 1999, basé à Londres. Son programme de travail est orienté vers sept thèmes : l’Euro et les réformes économiques, l’élargissement, la réforme institutionnelle, la politique extérieure et de défense, les relations transatlantiques, l’espace de justice et de sécurité intérieure, et les relations avec la Russie et la Chine.
WILTON PARK - fondé en 1946, siège à West Sussex, Royaume-Uni. Il organise des conférences et des recherches dans les domaines politique, economique, et de securité. Il a été conçu par Winston Churchill il y a 60 ans comme un forum de construction de la démocratie et de réconciliation.
Feuille de route 2008
JANVIER : Position de la France sur le bilan de santé de la Politique agricole commune (PAC)
8 JANVIER - Bruxelles : L'Alliance des Démocrates et des Libéraux pour l'Europe organise au sein du Parlement européen un séminaire sur le sujet «Donner à l'Europe les moyens de se développer - le réexamen du budget : réformer ou remodeler ?»
3 et 4 AVRIL - Bruxelles : Conférence universitaire «Les finances publiques dans l'UE.»
5 AVRIL : Clôture de la consultation intitulée «réformer le budget, changer l'Europe», lancée le 12 septembre 2007. Les contributions seront publiées sur le site web dédié
MAI : propositions de la Commission sur la «simplification» de la PAC.
Publication par la Commission d’un rapport sur les différentes options de réforme budgétaire.
3ème TRIMESTRE : révision de la législation existante sur la TVA à taux réduit.
DÉCEMBRE : Accord du Conseil des ministres de l’Agriculture sur la réforme de la PAC.
Propositions de la Commission sur la révision du cadre financier de l’Union.
Les deux innovations majeures sont la disparition de la notion de dépenses obligatoires et la reconnaissance juridique de la pratique de décider à l'avance, et pour au moins cinq ans, d'un cadre financier pour le budget.
Disparition des dépenses sanctuarisées
Le Parlement a désormais le dernier mot sur toutes les dépenses du budget. En faisant disparaître la distinction entre dépenses obligatoires et non obligatoires, l’article 314 (TFUE) balaie le sanctuaire de la politique agricole- près de 40% du budget- où le Conseil se réserve jusqu’ici la décision. Parallèlement, les eurodéputés accèdent aussi à la codécision sur la PAC. C’est donc la fin de 50 ans de résistance française.
Des recettes solidement plafonnées
Autre innovation, l’inscription dans le traité de l’adoption du cadre financier pluriannuel, qui «vise à assurer l’évolution ordonnée des dépenses de l’Union» (article 312 TFUE). Une pratique datant de l’époque Delors, qui fixe à l’avance les montants des plafonds annuels de recettes alloués à chaque rubrique budgétaire. Établies pour une période «d’au moins cinq années», ces perspectives financières sont adoptées à l’unanimité par le Conseil après l’approbation de la majorité des membres du Parlement. Le premier peut aussi décider, à l’unanimité, de faire basculer cet exercice dans la procédure ordinaire de codécision. Une hypothèse fort improbable. Dans les faits, cette négociation sous haute tension implique directement le Conseil européen, où chacun entend tenir fermement les cordons de la bourse.
Roman Bernard
L'Union a décidé de remettre à plat les choix budgétaires qu'elle a arrêtés jusqu'à 2013. De l'argent, pour quels buts communs? Nicolas Sarkozy a ses idées sur les préférences collectives, reste à les faire partager. Alain Lamassoure est un allié clef au Parlement européen.
L’eurodéputé est l'auteur d'un rapport sur la réforme des ressources propres de l'Union adopté par le Parlement européen en vue du réexamen du budget en 2008-2009. Un des dossiers chauds de la présidence.
C’est l’un des artisans du Traité de Lisbonne : l’eurodéputé Alain Lamassoure, 63 ans, était le «Monsieur Europe» du candidat Sarkozy. Pendant la campagne présidentielle, cet ancien ministre des gouvernements Balladur et Juppé, originaire de Gascogne, a mis en musique le projet de traité simplifié du futur chef de l’Etat : «J’ai proposé à nos partenaires allemands, puis aux autres, d’élaborer ce traité, non pas avec un stylo mais avec des ciseaux, en conservant toutes les innovations juridiques qu’apportait le projet constitutionnel par rapport aux traités précédents et en changeant la présentation et le vocabulaire.»
Une mission officieuse qui lui a permis de gommer en partie le souvenir de mai 2005, lorsqu’il avait été «assommé» par la victoire du «non» au référendum sur le Traité constitutionnel. Pendant 18 mois, il avait contribué à son élaboration au sein de la Convention européenne. Alain Lamassoure a ensuite connu une nouvelle désillusion après l’élection de Nicolas Sarkozy. Il n’est pas entré au gouvernement, ni dans une équipe en charge d’assurer le suivi des affaires européennes. «Je l’aurais mieux compris si mon travail avait été mis à la corbeille. Au contraire, le traité simplifié a été validé unanimement. J’aurais au moins apprécié d’être invité à assister à la signature du Traité à Lisbonne… Même cette ambition est apparue démesurée», confie-t-il.
Un débat «sans tabou»
Président de la délégation française du Parti populaire européen et des Démocrates européens (PPE-DE) et secrétaire national de l'UMP en charge des questions européennes, Alain Lamassoure est aussi membre de la commission parlementaire des budgets et de celle, temporaire, chargée des perspectives financières 2007-2013. Or, le réexamen des finances de l’Europe à 27 fait partie des dossiers importants des mois à venir. En 2006, les chefs d’Etat et de gouvernement s’étaient mis d’accord sur une renégociation de ces perspectives en 2008-2009 afin de déterminer les prochaines priorités politiques et les lignes directrices du budget. Le 12 septembre 2007, le président de la Commission José Manuel Barroso a lancé un débat «sans tabou» sur les orientations de dépenses de l’UE en ouvrant une consultation publique qui s’achèvera le 15 avril 2008. Le point le plus délicat de cette révision, à mi-parcours, sera le montant des subsides accordées à la politique agricole commune (PAC) qui représente aujourd’hui 44% du budget de l’UE (55 milliards d’euros). Etape importante : le 20 novembre, la Commission a rendu public son bilan de santé de la PAC.
L’impôt européen n'est pas pour demain
Avant les initiatives de la Commission, Alain Lamassoure avait présenté un rapport sur la réforme des ressources propres, fruit de longues négociations avec les parlements nationaux, adopté par le Parlement européen en mars 2007. Ses conclusions : l’impôt européen n’est pas prêt de voir le jour car la quasi-totalité des Etats membres en rejettent l’idée.
Alain Lamassoure est l’un des rares hommes politiques français à privilégier une carrière européenne plutôt que nationale. «La plupart des grands choix politiques qui conditionnent l’avenir de la France ne se décident plus à Paris mais avec nos partenaires à Bruxelles», avance-t-il. «Trop peu de nos compatriotes en sont conscients.» L’ancien ministre ne sait pas encore s’il se représentera aux élections européennes en 2009. Néanmoins, il ne le cache pas : «Je serais passionné par un mandat de Commissaire…»
Guilhem Martin Saint Léon, à Strasbourg
La France et l’Europe souhaitent mieux réguler et rendre plus transparent le système de titrisation. Cette technique financière née aux Etats-Unis au début des années 1970 permet à une entreprise de transformer des actifs peu liquides (une grosse somme) en valeurs plus facilement cessibles comme des obligations (petites sommes), pour accéder à de nouvelles sources de financement. Les banques, qui réalisent de nombreux prêts aux particuliers (des prêts immobiliers par exemple), font couramment appel à ce type de financement.
Le risque majeur révélé par la crise des subprimes, est que les emprunteurs deviennent insolvables et ne remboursent plus leur emprunt. Du coup, toute la chaîne est menacée d'effondrement.
Risque aggravant: la pratique de la Special purpose company (SPC). En s’interposant entre le cédant et l’investisseur, celle-ci fait écran : les investisseurs (entreprises, banques...) ne vérifient pas l’origine du titre, et se trouvent sans le savoir directement exposés en cas d’insolvabilité des emprunteurs . C'est précisément ce qui 'est produit avec la crise des subprimes.
«Pas prêts de réguler»
Nicolas Sarkozy l’a dit et répété lors d’un discours commun avec la chancelière allemande Angela Merkel en novembre dernier, il faut plus de transparence sur les marchés financiers.
Concrètement? Les dirigeants veulent une règlementation plus soutenue du contrôle de l’origine des titres pour éviter qu’une nouvelle crise des subprimes ne touche les marchés européens. Mais certains financiers et avocats de la titrisation s’étonnent des ambitions du président français.
Le Trésor français travaille en effet en ce moment même à la refonte du cadre législatif de la titrisation. Le Parlement français doit, d’ici juin 2008, voter une loi d’habilitation pour que le gouvernement légifère par ordonnance sur le sujet. Mais la nouvelle loi, selon Alexandre Bordenave, avocat spécialiste de la titrisation chez GIDE, libéraliserait encore plus la titrisation française, déjà régulièrement assouplie depuis vingt ans (lois de 1996, 1998, 2003 et 2004 notamment). «Il a fallu attendre 1996 pour que la loi française officialise l’existence de la titrisation alors qu’elle existait depuis 30 ans. Vous imaginez bien qu’elle n’est pas prête de réguler», conclut-il.
Fanny Lothaire, à Paris
Intervenir, oui, mais comment? Le 14 décembre 2007, les dirigeants européens réunis à Lisbonne ont jugé «indispensable d’exercer une surveillance constante sur les marchés financiers et l’économie, car des incertitudes subsistent». Déjà, le 10 septembre Angela Merkel et Nicolas Sarkozy réclamaient «plus de transparence des marchés financiers et plus de responsabilité pour les agences de notation et les fonds à effet levier». Même Gordon Brown, premier ministre britannique, et protecteur obligé de la City de Londres, s’est prononcé pour une intervention politique. Mais la question du mode d’intervention reste en suspens, entre les partisans d’un gendarme européen et ceux de l’autorégulation.
Hedge funds et agences de notation montrés du doigt
Confrontés à la tempête qui frappe les marchés financiers depuis l’été 2007, la majeure partie des dirigeants politiques et des analystes ont pointé du doigt la responsabilité des hedge funds (fonds spéculatifs) et des agences de notation dans la crise des «subprimes mortgages» (crédits hypothécaires à haut risque). Une crise qui a poussé la Banque centrale européenne, la banque d’Angleterre et la Réserve fédérale américaine à injecter massivement des liquidités afin de stabiliser le système et garantir un minimum de liquidité dans les tuyaux financiers.
En investissant massivement dans les subprimes américains, des produits risqués et proches de l’implosion, puis en répartissant ces investissements dans d’autres secteurs, les hedge funds ont contribué a propager l’instabilité et l’opacité des marchés. Même si, paradoxalement, leur rôle dans l’équilibre de l’économie mondiale est jugé positif par la plupart des analystes.
De leur côté, les agences de notation, chargées de délivrer des notes aux entreprises (de AAA pour les premiers de la classe à D pour les faillitaires), ne sont pas non plus dans les petits papiers de la chancelière allemande: «Si l’on regarde comment s’est déroulée la crise du crédit immobilier, on a souvent constaté que ce qui était très bien noté se révélait beaucoup plus instable». Manque de sérieux? La critique est plus profonde. Les agences de notation seraient coupables de conflit d’intérêt, étant rémunérées par les mêmes entreprises qu’elles évaluent.
Le code de conduite? «C'est du pipeau!»
Solution avancée par les politiques: la "régulation". Mais quel type de régulation et qui pour la faire appliquer? «Faut-il de nouvelles normes ou un code de bonne conduite pour les hedge funds? Faut-il un code de bonne conduite ou de nouvelles normes pour les agences de notation? Je ne sais pas pour l’instant. Une chose est sûre, le marché n’est pas assez transparent», confesse François Pérol, conseiller spécial du président français, en charge des questions économiques.
«Le code de bonne conduite, c’est du pipeau !», s’exclame la française Pervenche Berès, eurodéputée socialiste et présidente de la Commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen, le vrai problème de transparence dans ces segments des marchés financiers vient du fait qu’il n’y a pas de gendarme européen pour faire appliquer les règles.» Un gendarme que réclame le ministre italien de l’économie, Tommaso Padoa-Schioppa, dans une lettre adressée le 26 novembre 2007 à la Commission européenne.
Pour le moment, les marchés sont contrôlés au niveau européen via le CESR, un comité composé de représentants de chaque institution de réglementation nationale, à l’instar de l’Autorité des marchés financiers en France. Une situation qui semble suffire, à quelques améliorations prêt, à l’Allemagne comme à la Grande-Bretagne, partisans d’une régulation indirecte via un meilleur contrôle prudentiel des banques d’investissement et un simple code de bonne conduite.
Antoine Krempf à Paris
L’économie de la zone euro est affectée par les évolutions des taux de change des principales devises internationales (dollar, yen, yuan). Après Nicolas Sarkozy, la Commission européenne, l'Eurogroupe et l’Allemagne s’inquiètent aujourd’hui de la force de la monnaie européenne par rapport aux devises américaines, chinoises et japonaise. L’absence de vraie politique de taux de change risque de continuer à peser sur la zone euro en 2008.
Questions à Eloi Laurent, économiste senior spécialiste des questions européennes à l’Observatoire français des conjonctures économiques (Centre de recherche en économie de Sciences-Po Paris) et maître de conférence à Sciences-Po Paris.
Qu’est ce que la zone euro peut faire pour lutter contre la hausse du taux de change de l’euro?
Il faut d’abord remettre les choses dans leur contexte. Nous sommes pris en étau. La Chine administre son taux de change comme bon lui semble et fait en sorte que le yuan ne s’apprécie pas, le Japon utilise de façon agressive son taux de change pour tirer ses exportations vers le haut et compenser la faiblesse de sa demande interne et les Etats-Unis se servent de leur taux de change comme d’une arme pour réduire leur déficit courant en dynamisant leurs exportations.
Au milieu, l’euro est ballotté au gré des politiques de changes des autres puissances. Car les autres ont une politique de change!
La zone euro est victime de ce que nous avons appelé avec Jacques Le Cacheux et Jérôme Creel un « hold-up tranquille » de la BCE sur le taux de change.
La BCE soumet de fait le taux de change à son objectif de lutte contre l’inflation. L’euro fort sert cet objectif puisqu’il amortit la flambée du prix des matières premières. Et le Conseil, qui a en droit compétence partagée avec la BCE sur la politique de changes, se refuse aujourd’hui à assumer sa responsabilité. Résultat: nous regardons l’euro monter, inquiets et impuissants.
Mais concrètement, si la BCE voulait agir sur le taux de change, comment pourrait-elle s’y prendre?
Il y a en théorie trois politiques possibles. D’abord, la politique de la parole, c’est à dire avertir les marchés financiers de l'imminence d'une intervention et en tout cas de l'existence d'une forte préoccupation. Ensuite, intervenir sur le marché des changes, mais cette solution n'est efficace que si d’autres grandes banques centrales agissent de concert. Cela a déjà marché en 2000. Troisième et dernière politique possible, baisser les taux d’intérêts.
Est-ce que le nouveau traité européen, s’il est ratifié, donnerait plus de moyens pour agir sur le taux de change de l’euro, par exemple à l’Eurogroupe?
Si le nouveau traité est ratifié, il changera peu de choses. Dans ce texte, l’Eurogroupe, qui rassemble les pays membres de la zone euro, est certes reconnu pour la première fois, mais c'est une instance de débat, pas un lieu de décision. Le traité de Lisbonne ne le dote en particulier d’aucun pouvoir en matière de taux de change. On détaille son fonctionnement dans un protocole additionnel au traité, preuve qu’il est loin d’être une institution centrale.
Le traité ne reconnaît donc l’Eurogroupe qu’en trompe-l’oeil: il acquiert une existence officielle mais pas de pouvoir légal dans un ensemble qui est avant tout juridique. C’est donc une coquille vide qui ne fera absolument pas contrepoids à la BCE, qui est aujourd'hui avec la CJCE l'institution la plus puissante de l'UE. En outre, dans le traité, il n’y a aucune disposition nouvelle qui montre l’Europe a l''intention de sortir de l'ambiguité institutionnelle et de se doter d’une véritable politique de taux de change.
La montée de l'euro inquiète de nombreux pays européens et notamment la France, pour qui l’euro fort est synonyme de baisse des exportations et donc de faible croissance. Est-ce que la France, durant sa présidence, pourra faire pression sur la BCE pour agir sur le taux de change?
L’euro fort coûte très cher à la France. Beaucoup plus cher qu’à l’Allemagne par exemple, qui a beaucoup délocalisé sa production et pratiqué une modération salariale extrême et souffre moins du taux de change en conséquence. Mais dernièrement, quand l’euro a atteint 1,50 dollars, l’Allemagne s’est réveillée et a exprimé ses inquiétudes. C'est donc peut-être le taux de change auquel les intérêts européens convergent. La France ne pourra se faire entendre que lorsque des pays importants, comme l’Allemagne ou l’Italie, se rallieront à sa cause et demanderont à la BCE d’agir, lors d'un sommet européen extraordinaire par exemple. Mais pour que la BCE réagisse, il faudrait presque attendre que l’euro monte à 1,55 ou 1,60 dollars. Il faudrait donc que notre économie agonise sous la pression de l’euro pour que les pays européens aient enfin leur mot à dire! Il faut que l’Europe définisse une vraie politique de change, car, sans cela, elle continuera à perdre au jeu de la mondialisation et finira par se fermer.
Propos recueillis par Fanny Lothaire
Les think-tanks s'y intéressent
BRUEGEL, BRUSSELS EUROPEAN AND GLOBAL ECONOMIC LABORATORY - fondé en 2005, basé à Bruxelles. Dédié à l’économie internationale, se propose de donner un nouveau souffle aux discussion sur les politiques économiques européennes. Il est soutenu financièrement par 16 gouvernements de l’UE et par des grandes entreprises privées. Il fournit des recherches, des analyses, des débats.
THE LISBON COUNCIL - fondé en 2003, siège à Bruxelles. C’est un groupe d’économistes, d’académiciens, d’entrepreneurs qui affirment essayer de trouver des solutions aux grands problèmes économiques et sociaux de nos jours. Ses principaux thèmes de recherche sont: la productivité et l'innovation, le développement et l'emploi, le modèle social européen, le consommateur européen, etc.
Feuille de route 2008
1er JANVIER : l'entrée de Chypre et Malte dans la zone Euro porte à 15 le nombre d'Etats membres ayant adopté la monnaie unique. Les quotas d'importation de textile dans l'UE, en place depuis 2005, sont remplacés par un système commun de surveillance.
JANVIER : Peter Mandelson commissaire au commerce extérieur propose une révision de la politique de défense commerciale.
8 FEVRIER : réunion du G7 (groupe des sept pays les plus industrialisés : Etats-Unis, Japon, Allemagne, Australie, Royaume-Uni, Italie, France) à Tokyo, Japon.
13 et 14 MARS : Conseil européen de printemps à Bruxelles, consacré à la stratégie de Lisbonne, sous présidence slovène. Il traitera notamment de la régulation des marchés financiers.
4 et 5 AVRIL : sommet Ecofin informel à Brdo en Slovénie. Les ministres de l'économie et des finances des 27 devraient adopter des principes généraux assurant la stabilité financière dans l'UE.
12 et 13 AVRIL : réunion des institutions de Bretton Woods, Banque mondiale et Fond monétaire international, à Washington D.C. Au FMI, le Groupe des 24 (pays émergents et en voie de développement), lié au G77 de l'ONU, entend peser face au G8.
JUIN : Günter Verheugen, le commissaire aux entreprises et à l'industrie, propose unepaquet législatif sur les PME (Small Business Act)
19 et 20 JUIN : second conseil européen de la présidence slovène, Bruxelles.
7 au 9 JUILLET : Ile d'Hokkaido, Japon. Réunion du Groupe des 8 (G8), sept pays occidentaux plus industrialisés (G7) et la Russie. Le problème de la régulation des marchés financiers devrait être discuté.
12 et 13 SEPTEMBRE : En France, réunion informelle de l’Eurogroupe et du Conseil Ecofin.
DECEMBRE : Pascal Lamy, directeur général de l'Organisation mondiale du commerce, espère conclure le cycle de Doha. Lancé en 2001 pour 3 ans, il a pour but d'offrir aux pays en développement un traitement différencié et de libéraliser le marché mondial des services. Plusieurs dossiers, notamment l'agriculture, bloquent toujours entre pays en voie de développement et pays industrialisés, dont l'UE.