Mais à quoi sert encore le Parlement européen ? À chaque session plénière c'est la même rengaine, les députés discutent de moins en moins de textes législatifs et proposent de plus en plus de rapports d'initiative, non contraignants. La session qui a siégé à Strasbourg du lundi 15 au jeudi 18 mai n'a pas fait exception à ce constat. Une seule proposition législative figurait à son programme : le projet de réglement sur la consultation des contenus en streaming en Europe.
Mais les eurodéputés n'en demeurent pas moins actifs. Les fameux rapports d'initiative portent sur de vrais enjeux de société et des questions diplomatiques brûlantes. Les parlementaires cherchent à se poser en garants de la justice, de la solidarité et des droits de l'Homme, notamment sur la scène internationale. Opposition contre les persécutions homophobes en Tchétchénie, relocalisation des migrants, volonté de peser davantage dans les négociations avec la Syrie ou vote en faveur d'une solution à deux Etats au Proche-Orient, sur tous ces sujets le Parlement est parvenu à adopter une position commune et à transcender les divergences qui déchirent les Etats et fragilisent l'Union européenne.
L'intégration européenne n'est pas uniquement économique, elle vise également à maintenir la paix et à faire respecter la démocratie. Deux valeurs qui ont toujours été au coeur du projet de la construction européenne et apparaissent plus que jamais centrales dans l'activité du Parlement européen.
Robin Dussenne
Il y a un an, l'Union européenne et la Turquie concluaient un accord pour résoudre la crise migratoire. Réunis à Strasbourg, les eurodéputés ont fait le point sur la situation, sur fond de crise diplomatique.
« Nous devons débattre sérieusement du cas de la Turquie qui se permet de traiter des pays européens de fascistes. » C’est avec ces mots que Sanders Loones (ECR, conservateurs) a lancé les débats, lundi 13 mars à Strasbourg, au Parlement européen.
La semaine précédente, l'interdiction de plusieurs meetings en Europe, auxquels devaient se rendre des ministres turcs, avait déclenché de violentes réactions de la part du président turc Recep Tayyip Erdogan. Comparant ces méthodes à du « nazisme » et les Pays-Bas à une « république bananière », il est allé jusqu'à menacer de rompre unilatéralement l'accord sur les migrants signé avec l’Union européenne en mars 2016.
Des attaques virulentes dénoncées par certains dirigeants comme le président du Conseil européen Donald Tusk, le président français François Hollande et la chancelière allemande Angela Merkel. Malgré ces condamnations orales, l’Union européenne n’a, pour l’instant, adopté aucune sanction concrète contre la Turquie. Et pour cause. L'accord migratoire conclu l'année dernière, et destiné à endiguer l'afflux massif de réfugiés en Europe, reste stratégique pour de nombreux pays européens.
« Erdogan a abusé de cet accord », a affirmé Ska Keller, co-présidente allemande du groupe Verts/ALE, au cours du débat au Parlement. Selon elle, la situation actuelle donne au président turc une liberté de ton mais le « soustrait également aux critiques sur les violations des droits de l'homme » faites depuis plusieurs mois. L’Allemande Angelika Mlinar (ALDE, libéraux) a encouragé les européens à arrêter de « décliner leurs responsabilités » et à enfin trouver des « alternatives » au pacte entre l'UE et la Turquie, comme la création d'un visa humanitaire. Manfred Weber, président du groupe PPE, a plaidé, en revanche, pour un maintien du texte. Quant à Guy Verhofstadt (ALDE, libéraux), il a demandé le gel immédiat des négociations d'adhésion de la Turquie à l’Union. Au risque qu'Ankara ne respecte plus ses engagements envers ses partenaires européens.
Victor Noiret
Frachement réélu, le président du Conseil européen Donald Tusk est venu présenter le 15 mars les conclusions de la dernière réunion des chefs d’Etat et de gouvernement. La plupart des groupes politiques lui ont réaffirmé leur soutien, sans pour autant être d’accord sur l’orientation à donner à l’Union européenne.
Le gouvernement de son pays voulait sa tête, et c’est peut-être ce qui l’a sauvée. L’obstination de Beata Szydlo, la Premier ministre polonaise, a conduit les 27 autres Etats membres à se serrer les coudes pour la réélection de Donald Tusk à la présidence du Conseil européen, le 9 mars. Venu présenter les conclusions de ce sommet au Parlement européen à Strasbourg le 15 mars, le Polonais a été plutôt bien accueilli par les chefs des différents groupes politiques.
Après les félicitations du président du Parlement Antonio Tajani, le président de la Commission Jean-Claude Juncker a également complimenté Donald Tusk. Il s’est aussi essayé à l’humour : « C’était la première réunion du Conseil dans le nouveau bâtiment. Je pense que c’était la Tusk tower, et je préfère la Tusk tower à l’autre tour » a-t-il plaisanté, en référence à la « Trump Tower » du nouveau président des Etats-Unis. Manfred Weber (PPE, centre-droit) s’est quant à lui particulièrement réjoui de la réélection du président du Conseil.
Des conclusions décevantes sur le fond
Ces paroles de bienvenue n’ont toutefois pas pu faire oublier un Conseil européen décevant. Les conclusions présentées par Donald Tusk portaient sur trois axes : le libre-échange et la croissance au sein de l’Union, la défense et la sécurité, et enfin la gestion des flux de migrations. Il s’est d’abord félicité de la reprise de la croissance « partout en Europe », et d’un chômage « à son plus bas niveau depuis 2009 ». Concernant la crise migratoire, il a invité les acteurs européens à accélérer la mise en place de la déclaration de Malte, signée le 3 février. Le texte prévoit des mesures pour tenter de fermer la route de la Méditerranée centrale, empruntée par plus de 180000 migrants en 2016. Le temps presse selon le président du Conseil : l’été est en effet une saison propice aux traversées. Au sujet de la défense enfin, le président du Conseil a rappelé qu’il s’agissait d’un domaine stratégique, tout en expliquant que les chefs d’Etat et de gouvernement reviendraient dessus en juin, lors du prochain Conseil.
« Serez-vous l’homme de ces défis ? »
L’avenir de la construction européenne a particulièrement fait réagir Gianni Pittella (S&D, sociaux-démocrates). Le président du groupe socialiste du Parlement s’est interrogé sur la direction prise par l’Europe, et la rapidité de l’intégration européenne : « Le problème de l’Europe ce n’est pas d’avancer à 2, 3 ou 4 vitesses, c’est son orientation : où souhaitons nous aller ? ». Un questionnement partagé par la gauche radicale (GUE/NGL) et les écologistes. Philippe Lamberts (Verts/ALE) a d’ailleurs interpellé personnellement Donald Tusk à ce sujet : « On se demande si vous êtes l’homme de la situation, si vous avez le leadership et la vision qui permettront de sortir l’Europe de l’ornière. » Le co-président des Verts a ensuite évoqué la nécessité de mieux gérer la crise migratoire et de développer une Europe de la justice sociale, avant de mettre en garde contre une dérive sécuritaire de l’Union. A l’issue de son discours, il s’est tourné une dernière fois vers Donald Tusk :« Serez-vous l’homme de ces défis ? »
Texte: Anne Mellier
Photos: Maxime Bossonney
Le Parlement européen a adopté jeudi 16 mars une résolution s'inquiétant de la situation de la sénatrice philippine Leila De Lima. Arrêtée le 24 février dernier, cette opposante politique est accusée de trafic de drogue par le régime.
Le Parlement européen s’est penché, jeudi 16 mars, sur l’arrestation de la sénatrice Leila De Lima aux Philippines. Cette militante des droits de l’homme est une opposante historique du président Rodrigo Duterte. Elle est aujourd’hui accusée par les autorités d’avoir été à la tête d’un réseau de trafic de drogue lorsqu’elle était ministre de la Justice, entre 2010 et 2015.
La résolution adoptée par les eurodéputés remet en cause les chefs d’accusation officiels, craignant que les charges retenues contre la sénatrice aient été « presque entièrement inventées » pour la discréditer aux yeux de l’opinion. « Il faut maintenant faire tout ce qui est en notre pouvoir pour lui assurer un procès équitable », a plaidé l'eurodéputé danois Anders Vistisen (ECR, conservateurs), co-auteur du texte avec cinq autres eurodéputés.
Embrassant plus généralement la situation actuelle aux Philippines, la résolution rappelle les soupçons de meurtres extrajudiciaires qui pèsent sur le régime. Selon Amnesty International, plus de 7000 personnes seraient mortes depuis juin 2016 et le début de la « guerre contre la drogue » menée par Rodrigo Duterte.
Le Parlement réclame la libération immédiate de Leila De Lima et menace de mettre fin aux avantages commerciaux avec l'Union européenne dont bénéficient actuellement les Philippines. Il appelle également le Conseil des droits de l’Homme des Nations unies à initier une enquête internationale sur les violations des droits fondamentaux dans le pays.
Anne Mellier