Contrairement à la vente de vêtements neufs, la tendance à la seconde main ne faiblit pas. Les boutiques strasbourgeoises poursuivent leur quête de la pièce idéale dans un marché qui risque la saturation.
Estelle, vendeuse dans la boutique, sort des rayons de la friperie Le Léopard une veste bomber rouge, qui nous replonge dans des clips années 1980. Ici, les vêtements vendus viennent en majorité des bennes relais, celles qui débordent sur les parkings de supermarchés, de tissus trop longtemps restés au placard.
Une ressource quasi inépuisable. En 2019, le Relais Est estimait le volume collecté par jour à 6700 tonnes . Alors que les ventes de vêtements neufs ont chutées de 13 % par rapport à 2019, et même si ce recul de la fast fashion se poursuivrait, « on a encore affaire à une quantité astronomique de vêtements collectés par jour » remarque Estelle.
Entre écologie et effet de style
Affichés aux murs du magasin, des discours écologiques qui justifient l'achat de seconde main. La volonté d'avoir un plus faible impact sur l'environnement a contribué à l'attrait pour les friperies ces dernières années, mais pas que. Elle est aussi « revenue au goût du jour », confirme Estelle. Une question de mode, dont elle connaît, selon les décennies, les pièces les plus marquantes. « Les salopettes sont toujours appréciées et les chemises à fleurs marchent aussi bien sur les filles que les garçons. »
Entre les motifs du Léopard, c'est tout le petit monde de la mode de seconde main qui se côtoie. Estelle vient de voir arriver des vendeuses d'autres boutiques. Inès farfouille parmi les écharpes, essaie un trench. Dans sa poche, elle a les clés de la Maison Claude, qu'elle tient avec son compagnon et dont elle ouvre les grilles pour inviter à découvrir son univers, entre robe à fleurs, vaisselle en céramique et jeans.
L'authenticité dans le détail
Ce qu'Inès aime, « ce sont les pièces uniques, comme les pulls tricotés par la ménagère. L'unique se lie à l'artisanat. » Alors qu'on trouve au Léopard des vêtements pour une dizaine d'euros, les prix de la Maison Claude reflètent la recherche de vintage haut de gamme et le temps passé à dénicher des perles rares. Elle qui a d'abord fait des études de théâtre conçoit son travail très proche de la recherche du « costume idéal. »
On remarque pourtant le paradoxe entre la quête de l'unique et l'effet de mode, où on ne passe pas à côté des robes longues à fleurs et des bleus de travail avec, tout de même, pour l'authenticité, des agrafes toujours accrochées au niveau de la poitrine. « Je chine tout au détail, dans des associations, des brocantes, chez des professionnels ou des particuliers. » Si elle discute volontiers avec passion de l'origine de chaque vêtement, pas question de dévoiler où elle trouve ses trésors.
Le vintage, une espèce en voie de disparition
« C'est un secret bien gardé », répond elle aussi Luna Tavernier, qui a ouvert Le Grenier en 2019. Arrivée sur ce marché strasbourgeois après d'autres boutiques, elle s'est démarquée avec son propre style, axé sur les années 1960-1970, et a décidé d'étendre son approvisionnement à l'ensemble de la France. Sans surprise, les personnes qui lui déposent le plus de vêtements à revendre sont des personnes âgées. Quelques jeunes prennent aussi le pli, mais ils sont principalement dans la consommation.
La seconde main est « un stock de niche qui s'amenuit et qu'on fait attention à préserver », insiste Luna. « Il faut que l'on soit imaginatifs car on est en plein boum et c'est un secteur qui va encore saturer et la qualité baisser. Dans quelques années, c'est du Zara que l'on retrouvera. » Et les grandes marques de l'industrie textile se saisissent aussi de l'attrait pour la seconde main. Luna voit l'arrivée des Galeries Lafayette sur ce marché d'un regard inquiet. Pour elle, « c'est un autre risque pour nos boutiques indépendantes. »
Laura Remoué