La rentrée étudiante n’a jamais coûté aussi cher en France, et Strasbourg n’échappe pas à la règle. Les loyers augmentent et le marché immobilier reste en tension.
1 421 étudiants strasbourgeois résident dans la cité universitaire CROUS Paul Appell, agrandie de 50 logements en 2023. Photo : Capture Streetview
La rentrée a eu lieu il y a presque un mois, mais pour certains étudiants strasbourgeois, les galères continuent. Sur les groupes Facebook consacrés à la recherche d’appartement, les messages sont encore nombreux.
La tension locative n’est pas nouvelle à Strasbourg et la situation ne s’arrange pas. Robin, en licence STAPS à l’Unistra, se souvient bien du stress à la dernière rentrée. “J’avais regardé sur toutes les plateformes et j’ai trouvé difficilement”, raconte l’étudiant de 21 ans. Il avait finalement emménagé dans une colocation à quatre, de 75 m2. Sa part de loyer atteignait quand même les 500 euros.
“Il manque beaucoup de logements à Strasbourg, qui est un énorme pôle d’éducation”, explique à Webex Nils Bokobza, de l’Afev (Association de la fondation étudiante pour la ville). En 2023, Strasbourg comptait 60 000 étudiants dont 21 000 boursiers… et seulement 5500 logements Crous. Soit un logement pour quatre boursiers, comme la moyenne nationale.
Nils Bokobza coordonne à l’Afev le programme “colocation à projets solidaires”. Il propose 36 places en colocation pour les jeunes, en majorité des étudiants, dans des habitats à loyers modérés. Les loyers ne dépassent pas 350 euros pour des chambres de 10 à 12 m2. Le dispositif s’appuie sur la loi ELAN, qui facilite depuis 2018 l’accès des moins de 30 ans au logement social.
“Des centaines de messages”
Sur des sites comme Leboncoin ou la Carte des colocs, Nils Bokobza mesure au quotidien la tension sur le marché locatif. Les places sont toutes occupées, et se libèrent parfois quand un locataire s’en va. “Dès que je poste une annonce, je reçois des dizaines, voire des centaines de messages. Les étudiants qui viennent de l’étranger sont ceux qui galèrent le plus”, précise le coordinateur. Ils ne peuvent bénéficier du programme car un avis d’imposition de l’année N-2 est exigé pour tout logement social.
Au cœur du problème, la construction de logements ne suit pas le rythme. Alors que dans son programme de 2017, Emmanuel Macron promettait de construire 60 000 logements pour les étudiants, mais quelques 35 000 seulement étaient sortis de terre en 2022. D’ici 2027, 35 000 autres devraient être construits, a promis le gouvernement. Au total, il existe 240 000 logements étudiants en France, et il en manquerait au moins autant, selon un rapport d’information du Sénat, l’association interprofessionnelle des résidences étudiantes de 2021.
Nils Bokobza a en tête d’autres pistes d’amélioration pour l’accès au logement social. “On pourrait faciliter les démarches pour que ce soit plus inclusif. Les formulaires et les procédures sont compliquées, comme pour toucher le RSA ou le chômage.” , propose-t-il.
Les prix s’envolent
Le problème est complexe et Nils Bokobza met en garde contre ce qu’il appelle la “concurrence de la précarité”. “Est-il plus important de loger des étudiants ou des familles en difficulté? se demande-t-il. La réponse qui consiste à réserver plus de logements sociaux pour les étudiants est à prendre avec des pincettes.”
Face au manque d’offre, les prix s’envolent. Dans son dernier rapport sur le coût de la rentrée étudiante, l’Association fédérative générale des étudiants de Strasbourg (Afges) rappelle que le loyer reste le premier poste de dépense dans la population étudiante. Il est en moyenne de 561 euros, en hausse de 2,8% par rapport à l’année dernière. Soit la moitié des 1129 euros de budget mensuel, calculé à l’échelle nationale par l’Observatoire de la vie étudiante en mars 2024.
Robin se souvient très bien de la mauvaise nouvelle tombée en mars, lorsqu’il habitait en colocation. Les charges sont passées de 30 à 70 euros. Il s’en sort grâce au soutien de ses parents, mais compte beaucoup sur d’autres sources de revenu. “Si je ne travaillais pas l’été, je serais obligé de me priver. Le stage rémunéré m’a aussi permis de tenir en fin d’année dernière”, explique l’étudiant. Cette année aussi, il prévoit de travailler comme animateur pendant les vacances scolaires.
Au total, le coût moyen de la rentrée pour un étudiant de licence non boursier est de 3 156,55 euros, soit une augmentation de 3%, selon l’Afges. Ce chiffre inclut les frais courants (loyer, alimentation, transport, vêtements…) et les frais de rentrée (inscription, assurance, matériel pédagogique…). Il correspond à celui calculé par la FAGE pour l’ensemble du pays.
Abel Berthomier
Édité par Gabrielle Meton