Eric Busser a été reconnu coupable du meurtre de Gérard Lohmuller, assassiné dans la nuit du 1er au 2 août 2010. Il écope de 25 ans de prison, assortis d'une peine de sûreté de 15 ans.
Selon l'avocat d'Eric Busser, il "vaut mieux ne pas faire appel". Photo: ControlArms via Flickr CC
Ce mardi matin, deux experts, l'un psychologue, l'autre psychiatre, se succèdent devant la Cour pour tenter de dessiner la personnalité d'Eric Busser. L'un le décrit comme « violent, mais sincère » et conscient de ses actes, l'autre insiste sur un comportement « psychopathique ». À ce dernier, Eric Busser répond : « Vous ne m'avez vu que vingt minutes. Comment pouvez-vous dire que vous me connaissez ? ».
L'accusé a le visage fermé. Pendant de longues minutes, il raconte sa version des faits, émaillé d'hésitations. « Je ne peux pas dire que c'est pas vrai, je ne sais pas, je ne sais plus, je ne me rappelle pas », répète-t-il à plusieurs reprises. Il a bien rencontré la victime, Gérard Lohmuller, dans le parking du Simply, et selon ses dires, celle-ci lui aurait fait des avances. « Alors je l'ai frappé, et après, apparemment, j'ai sorti le couteau. Mais je voulais juste lui faire un petit "schnitt" et après ciao ! Je n'étais pas dans mon état normal.» Eric Busser était sous l'emprise de stupéfiants, d'alcool et de médicaments au moment des faits. «Vous croyez que si j'avais été conscient je lui aurais mis vingt coups de couteau ? » Il ne parvient pas à expliquer pourquoi la sacoche de la victime et ses bijoux ont ensuite été retrouvés chez lui.
Il explique ensuite comment il est retourné sur les lieux du crime avec son beau-père. « Ce n'était pas beau à voir. » Le beau-père et le beau-fils sont ensuite allés boire un verre dans un PMU ouvert tôt le matin. La serveuse est venue témoigner. Visiblement impressionnée, elle raconte, la voix tremblante, comment Eric Busser lui a semblé détendu et souriant, alors que son beau-père était « nerveux ». « Je lui ai dit: "il a l'air gentil votre beau-fils" ». « Si vous saviez ce qu'il a fait... Demain, il sera dans les DNA », lui répond le beau-père.
Des lacunes dans la mémoire mais des regrets
Eric Busser affirme ne pas se souvenir de la serveuse. La présidente du jury et la substitut du procureur lui rappellent des propos qu'il a prononcé en garde à vue : sa volonté de fuir, exprimée le soir du crime. Le meurtrier-présumé s'énerve, le regard sombre, la mâchoire serrée : « Les flics, c'est tous des menteurs, des pourris. Je ne leur fais pas confiance » .
Un témoin arrive à la barre pour évoquer la personnalité de la victime. C'est le patron d'un bar que Gérard Lohmuller avait l'habitude de fréquenter. Il explique que l'homme « n'avait pas beaucoup d'amis. C'était quelqu'un de très gentil, mais quand il avait bu, il pouvait devenir très vulgaire.» Il ajoute que Gérard Lohmuller lui avait confié son attirance pour les hommes. Un mobile pour Eric Busser, qui affirme avoir « pété les plombs » parce que la victime lui avait fait des avances ?
En tout cas, il exprime des regrets. « J'aimerais demander pardon, même si ce que j'ai fait est impardonnable. J'ai pleuré en prison, j'ai même tenté de me suicider. » « Le frère et l'ex-femme de la victime vont témoigner cet après-midi, lui répond la présidente. Vous pourrez exprimer vos regrets. »
Mais personne ne se présente sur le banc des témoins. D'ailleurs, il n'y a pas de partie civile dans le procès. La famille de Gérard Lohmuller n'a pas porté plainte. « C'est dire si la victime était seule », souligne dans sa plaidoirie l'avocate générale. « Gérard Lohmuller n'était pas un ange, mais il ne méritait pas cela. Pourquoi est-il mort ? Crime homophobe ou crapuleux ? La seule certitude c'est qu'il a été assassiné avec archarnement. Et que ses affaires ont été retrouvées chez Eric Busser. » Elle requiert trente ans de réclusion criminelle, assortis d'une peine de sûreté de quinze ans.
L'avocat de la défense, Me Braun, insiste alors sur la vie solitaire, rongée par la violence, de son client. Une mère « presque castratrice » de laquelle il ne peut s'éloigner, et dont les compagnons successifs sont tous alcooliques et brutaux. Il évoque également la toxicomanie précoce d'Eric Busser, et les médicaments qu'il prenait et qui auraient modifié son comportement. Bref, les ingrédients « qui ont fait que, la nuit du 2 août, le cocktail explosif détonne ».
Dans le box des accusés, Eric Busser a le droit à la parole avant que la Cour ne se retire. La voix tremblante, il exprime une nouvelle fois ses regrets. C'était un pauvre gars. Il ne méritait pas ça. »
Le procès aura finalement duré deux jours au lieu de trois. Le verdict est tombé vers 18h30 : Eric Busser écope de 25 ans de prison ferme, assortis d'une peine de sûreté de 15 ans. Selon son avocat, Me Braun, il n'a pas intérêt à faire appel, car il risquerait "la perpétuité". (écouter le son)
Magali Fichter