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Fyad Al-Zyoud et son frère Osama ont plus de cent hecatres de terre. © Zoé Dert-Chopin

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Plus de la moitié de l'eau puisée dans la nappe phréatique d'Azraq est dédiée à l'agriculture. © Zoé Dert-Chopin

Pour lutter contre le manque d’eau, Atef Abassi reçoit des aides de l’Union européenne et des États-Unis. Il fait également partie de la Société coopérative des agrumes du Jourdain. Cette coopérative agricole milite pour la mise en valeur de la qualité des agrumes de la vallée du Jourdain et pour une meilleure exportation de ses produits. 

L’inventeur hyperactif

« Nous sommes 150 producteurs et représentons 1 500 hectares de terres agricoles. C'est une partie significative de la vallée » , souligne le directeur, Abdalrahman Alghzawi. Dynamique, bilingue, aux biceps apparents, l’homme de 39 ans, qui a longtemps travaillé à l’étranger, possède un domaine deux fois plus grand que son homologue.

Au milieu des oies et des chiots jouant dans la poussière, il est heureux. Son exploitation a des airs de résidence secondaire : pergola, allée en gravier, canapés. Il vient tous les week-ends se reposer à l’ombre de ses arbres fruitiers. Néanmoins, son constat est sans appel : « Le climat change à toute allure et il y a un déficit de pluviométrie. Avec le dérèglement climatique, nous avons besoin de plus d’eau qu’avant mais l’eau du canal est très régulée et le gouvernement ne nous en donne pas assez », confie Abdalrahman Alghzawi.

Au-delà des habitudes des touristes, la sur-consommation est aussi due aux branchements illégaux et aux fuites – qui causent une déperdition de 50 % de l’eau disponible. « L’importante teneur en calcaire détériore les installations », déplore le gérant. Il faut donc vérifier sans cesse les canalisations, tout particulièrement celles des salles de bain, pour éviter les pertes trop importantes. Mais ces fuites ne sont pas toujours faciles à identifier. Le gouvernement prend ce problème à bras-le-corps puisque dans son plan de gestion de l’eau, il souhaite les réduire d’un quart d’ici 2040. L’enjeu est de taille et la perspective lointaine surtout quand, comme Nassem Al-Bitar, on rêve de pouvoir prendre une douche à chaque fin de journée.

Adélie Aubaret
Pauline Beignon
Avec Firas Abanda

L'amoureux de la terre

« Tous les citrons que nous avions plantés sont morts car nous n’avions pas assez d’eau. J’ai perdu l’équivalent de 10 000 cagettes. » À sa gauche, un vieil homme portant un keffieh palestinien attire l’attention. Le visage dépigmenté, à moitié sourd, Abou Hussein, 80 ans, vient de terminer sa prière. « Dieu nous voit, il nous observe tout le temps. »

Ouvrier agricole depuis cinquante ans sur les terres de Baqoura, il s’occupe de palisser les plantes. Pas besoin de statistiques, « il y a beaucoup moins d’eau qu’avant », affirme l’ancien. Avec le dérèglement climatique et la baisse de la ressource en eau, « on n’arrive plus à produire la même qualité », conclut son patron, tout en servant le thé bouillant. Dans un article parut en 2015, des chercheurs de l’Union de géophysique américaine ont démontré que les précipitations en Jordanie ont baissé des deux tiers depuis les années 1970.

Oussama Athman fait donc également appel à une entreprise privée pour combler le manque. Suffisamment pour sauver les apparences : Gerald Müller, touriste allemand, connaissait la situation critique liée à l’eau mais a été surpris du comportement des Jordaniens. « J’étais prêt à adapter mes habitudes. Mais ici les gens arrosent les plantes, notre hôtel possède même une piscine », s’étonne-t-il.

Chaque mois, Oussama Athman dépense 500 JOD, l’équivalent du salaire moyen du pays, pour alimenter en eau son hôtel situé dans le centre-ville. À peine sorti d'importants travaux de rénovations, l’eau reste sa plus grosse préoccupation. Il n’est pourtant pas question de remettre en cause les habitudes des touristes : « Nous ne pouvons pas leur demander de faire attention à leur consommation. C’est un problème qui concerne la Jordanie et nous ne voulons pas les tracasser avec ça. »

Un manque d'eau épargné des touristes

Depuis les bombardements sur Gaza, la solidarité avec la population de l’enclave palestinienne s’exprime bien au-delà des tribunes. Pendant le ramadan, 33 projets ont été menés par l’association de supporters, le Group Wehdat. Aide financière, envoi de repas ou de produits d’hygiène, le soutien des fans a pris de multiples formes. Des gamelles géantes de nourriture et des kilos de colis sont affichés sur les réseaux sociaux avec, en toile de fond, des fans en train de mettre la main à la pâte. Sur son canal Instagram, l’ultra Mahmoud Ayach destine davantage ses prières au peuple palestinien qu’à son équipe de foot favorite.

Les dirigeants du géant ammanien ont aussi apporté leur pierre à l’édifice, indépendamment des actions des supporters. Le 24 octobre, Al-Wehdat utilisait les recettes de son dernier match pour soutenir la bande de Gaza. Directeur sportif de l’équipe depuis 2008, Ziad Chalabayé est l’un des garants de cet héritage. « Je suis né dans le camp de réfugiés d’Al-Wehdat. Mes parents sont arrivés de Palestine en 1948, suite à la Nakba », expose le sexagénaire, qui a occupé différentes fonctions au sein du club depuis un demi-siècle.

L’identité d’Al-Wehdat est aussi la clef de voûte de sa réussite sportive. Moins riches qu’Al-Faisaly, les Géants verts jouent la carte de leurs racines pour attirer les meilleurs footballeurs jordaniens d’origine palestinienne. Ce lien indélébile se matérialise par les spécificités du maillot d’Al-Wehdat : un camp de réfugiés sur le ventre, le dôme du Rocher de Jérusalem en haut du logo, la carte de la Palestine au niveau du cœur, ou encore une clef symbolisant le droit au retour des exilés dans le dos.

« Le football, c’est l’argent mais c’est aussi l’histoire »

Alors même qu’elle débourse environ 250 JOD par mois pour recevoir l’eau distribuée par le gouvernement, la famille est parfois contrainte de faire appel à des entreprises privées, plus coûteuses, quand les réserves sont à sec, comme en été. « L’eau ne devrait pas être un luxe, mais ça l’est », regrette Nasser Fedah. Une situation qui risque de s’aggraver et qui l’inquiète. Au point que le manque d’eau et son coût remettent en cause son envie de fonder une famille.

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