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Le business avant l’art
Les retombées de l’investissement des productions internationales pour le cinéma local se font malgré tout attendre. S’il existe un fonds annuel de la Commission royale du film pour les projets cinématographiques de la région, doublé par rapport aux années précédentes, il ne reste que de 450 000 JOD (soit 585 000 euros), et finance plusieurs films. « C’est tellement insuffisant. Il couvre à peine plus de la moitié du budget pour un seul film », constate Mahmoud Massad, réalisateur et producteur indépendant. Le budget d’Inchallah, un fils d’Amjad Al Rasheed, premier film jordanien sélectionné à Cannes en 2023, s’élève à un peu plus de 814 000 JOD. Le long-métrage est le fruit d’une co-production franco-jordanienne, les financements étrangers étant « un passage quasiment obligatoire pour les indépendants », selon le réalisateur.
Déjà faible, ce soutien financier est surtout instable. Celui alloué par le gouvernement à la Commission royale oscillant beaucoup chaque année, l’existence des centres cinématographiques et le montant du fonds pour le cinéma régional est régulièrement remis en question. Alors que le cinéma international s’enracine en Jordanie, « les locaux qui réussissent dans les grands festivals ne sont pas reconnus à leur juste valeur au pays », dénonce Mahmoud Massad. Il raconte l’anecdote qu’il trouve « indécente » du réalisateur de Theeb : « En 2016, quand le Bafta [César britannique, ndlr] de Naji Abu Nouar lui a été envoyé, il a été pesé par les douanes. Quelques jours après, Naji a reçu une lettre avec une somme à payer : 97 dinars. Dans le même temps, la Commission royale exempte de taxes les cinéastes étrangers ! »
Monument du football jordanien et ambassadeur de l’identité palestinienne, le club d’Al-Wehdat, basé à Amman, vit une saison 2023-2024 tourmentée. Entre boycott des fans et guerre à Gaza, émerge une nouvelle écurie aux moyens démesurés.
Un « écosystème » cinématographique enfin complet
« Promouvoir la Jordanie », l’expression est dans la bouche de tous les acteurs locaux de la filière. « C’est avant tout du marketing et du business », résume Majd Abu Arqoub, chargé du marché français pour l’office de tourisme jordanien. Ce secteur tire profit de l’image véhiculée dans les superproductions internationales. « Les gens veulent voir les lieux qu’ont foulés leurs acteurs préférés, se réjouit Majd Abu Arqoub. Le film indien Bade Miyan Chote Miyan, tourné au début de l'année, a amené des milliers d’Indiens à nous demander des renseignements pour visiter les lieux qui ont servi de décor au film. »
Après quelques productions notables comme Theeb (2015) premier film jordanien nommé aux Oscars et le tournage en Jordanie de la première série arabe de Netflix, Jinn (2019), l’industrie cinématographique du pays ouvre un nouveau chapitre : Olivewood, financé par le fonds souverain pour le développement du roi Abdallah II.
Ce studio, ouvert en 2023, est le premier à être spécialisé dans le tournage de films, en plus de proposer celui de publicités, séries et clips musicaux.
6 000 formations dispensés chaque année
De quoi toujours mieux accueillir les long-métrages étrangers avec désormais « un écosystème cinématographique complet », vante Jumana Sharbin, directrice d’Olivewood. Alors que la Jordanie n’offrait jusqu’à maintenant que des décors naturels, elle possède aujourd'hui de quoi en créer en intérieur.
Aux premières loges de cette réussite, les techniciens présents sur les plateaux qui bénéficient des 6 000 formations dispensées chaque année par la Commission royale.
Et le pari de les former pour qu’ils puissent travailler sur les tournages étrangers fonctionne : la Commission royale estime que près de la moitié des équipes des films étrangers sont composées de Jordaniens, soit nettement plus que le quart requis pour profiter des avantages fiscaux. Sur le tournage de Dune 2, ils étaient même 210 locaux engagés sur une équipe de 250.
Indiana Jones, Rey dans Star Wars, Paul Atréides dans Dune, tous ces personnages du cinéma hollywoodien ont foulé les paysages désertiques de la Jordanie. Depuis Lawrence d’Arabie, sorti en 1962, le pays est au générique de nombreuses productions internationales. Avec ses dunes de sable à perte de vue, ses monuments antiques, ainsi que la mer Morte, la cinégénie des paysages du Royaume hachémite en font un décor de film géant qui a su convaincre les réalisateurs internationaux au fil des décennies. Avec un argument phare : la diversité. Autant des lieux que des peuples. « Tout ce dont les productions ont besoin, nous l’avons, scande Bachar Abou Nouar, responsable des services de production de la Commission royale du film, une organisation gouvernementale. Dans un pays où tout est accessible à moins de cinq heures de voiture et la multiplicité des ethnies permet d’illustrer aussi bien une ville arabe qu’un campement de Bédouins dans le désert. »
Forte de ses atouts, la Jordanie déroule le tapis rouge aux productions venues du monde entier. Entre alors en scène la Commission royale du film, créée en 2003 avec pour ambition de « développer une industrie cinématographique compétitive à l’international ». Exonération des taxes et des frais de douane pour importer le matériel de tournage, subvention correspondant à un pourcentage du montant dépensé lors du tournage (jusqu’à un quart, contre 15 % pour les locaux, avec un maximum de 2 millions d’euros) : la Jordanie ne lésine pas sur les avantages fiscaux accordés depuis 2014 aux productions étrangères. Et la recette fonctionne avec des retombées économiques estimées à 500 millions de dollars (soit 460 millions d'euros) depuis 2007, selon la Commission royale. « Même l’armée est disponible pour les réalisateurs ! indique Mohannad Al-Bakri, directeur de la Commission royale. S’ils veulent des véhicules militaires, nous avons le musée royal, ils n'ont qu’à choisir. » Mieux encore, ils possèdent une totale liberté sur les sujets abordés dans les scénarios, contrairement au Maroc.
La cheffe a fait de sa passion pour la gastronomie son métier. Une exception en Jordanie lorsque l’on est une femme. Après avoir étudié le marketing, travaillé dans la publicité, vadrouillé en Angleterre et au Canada en tant que cheffe, elle décide de retourner vivre à Amman et de créer son propre restaurant. Aujourd’hui, c’est activité team building en cuisine avec une vingtaine d’employés d’une entreprise de communication. Ils débourseront entre 35 et 50 JOD par personne, soit entre 39 et 65 euros.
Pour certaines Syriennes, l’arrivée en Jordanie est l’occasion de se défaire des coutumes. Aïcha, les cheveux cachés par un voile rose qui contraste avec son abaya noire, en est l’exemple. Mariée de force à 18 ans, elle ne voulait pas que ses filles vivent la même expérience à leur arrivée en Jordanie. « J’étais contre mais mon mari voulait qu’elles se marient. La première s’est mariée à 15 ans, la seconde à 14 ans, raconte Aïcha. Pour la plus jeune, ça ne se passe pas bien. Avec mon mari on la soutient et on lui dit qu’elle peut divorcer. » Elle assure que son mari « regrette désormais » d’avoir marié ses filles si jeunes.