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Santé mentale : « J’ai un patient qui n’allait même plus faire ses courses »

La guerre à Gaza a mis un gros coup au moral des Jordaniens. Le psychologue Moh’d Shoqeirat, membre de l’association des psychologues de Jordanie, raconte les conséquences du conflit sur la santé mentale de la population.

Quels symptômes avez-vous vu apparaître chez vos patients ?

Moh’d Shoqeirat : Ce qu’il s’est passé après le 7 octobre a lourdement affecté la santé mentale des Jordaniens. La hotline de l’association a été saturée d’appels. D’un coup, nous avons été confrontés à beaucoup de patients avec des problèmes de sommeil, d’alimentation et de socialisation. J’ai un patient qui a recommencé à fumer, qui n’allait plus faire ses courses : il était branché toute la journée sur les informations. Il y en a aussi qui annulent des événements car ils se sentent coupables de célébrer alors que leurs proches vivent une guerre.

Quelles sont les pathologies les plus récurrentes et comment s’expliquent-elles ?

Moh’d Shoqeirat : Le trouble le plus fréquent et le plus caractéristique est le stress post-traumatique. C’est l’effet d’un choc après un événement traumatisant. En Jordanie, ce choc est renforcé par un sentiment d’impuissance. Certains patients sont prêts à partir à la guerre mais ne le peuvent pas. C’est très difficile de raisonner ce type de comportement.

Des symptômes d’anxiété se développent aussi dans cette période de forte incertitude. Comme pendant la période du Covid-19, les gens ne savent pas ce qu'il se passe, ils n’arrivent plus à se projeter.

Qui sont les personnes les plus affectées ?

Moh’d Shoqeirat : Parmi mes patients, ceux qui ont de la famille ou des amis à Gaza ont été les plus affectés. Ceux qui ne sont pas au cœur des événements sont aussi touchés, mais pour beaucoup par le biais des informations relayées par les médias. Et ça touche même des personnes en dehors du Moyen-Orient. Même si elles ne sont pas directement concernées, leur santé mentale est affectée.

Propos recueillis par Julie Lescarmontier

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Pour la mère et la fille, la Jordanie est comme leur maison. © Johanna Mohr

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Pour la mère et la fille, la Jordanie est comme leur maison. © Johanna Mohr

Déployant ses larges ailes argentées, un héron prend son envol. Il se pose élégamment quelques mètres plus loin, dans l’herbe verte au bord du bassin d’eau douce. Sous un soleil de plomb, le chant des oiseaux se mêle à celui du vent dans les roseaux. Difficile de croire qu’autour, le désert aride de l’est jordanien s’étend à perte de vue. À 100 kilomètres d’Amman, la réserve humide d’Azraq est un havre de paix pour les 350 espèces d’oiseaux qui y vivent ou s’y arrêtent dans leur migration. Trente ans plus tôt, pourtant, tout était sec : les bassins évaporés, la terre craquelée, les animaux, plantes et insectes, éclipsés. Des milliers d’oiseaux migrateurs dépendent cependant de l’oasis jordanienne, à l’intersection de trois continents.

À l'est d'Amman, la zone humide d’Azraq est maintenue en vie artificiellement après avoir été complètement asséchée. Si la biodiversité revient dans cette réserve naturelle, réelle oasis, c’est aux dépens d’une nappe phréatique déjà surpompée.

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Environ 600 000 m3 d’eau issue de la nappe sont injectés chaque année dans la réserve. © Lisa Delagneau

La cheffe a fait de sa passion pour la gastronomie son métier. Une exception en Jordanie lorsque l’on est une femme. Après avoir étudié le marketing, travaillé dans la publicité, vadrouillé en Angleterre et au Canada en tant que cheffe, elle décide de retourner vivre à Amman et de créer son propre restaurant. Aujourd’hui, c’est activité team building en cuisine avec une vingtaine d’employés d’une entreprise de communication. Ils débourseront entre 35 et 50 JOD par personne, soit entre 39 et 65 euros.

Briser les barrières linguistiques

Dans la culture jordanienne, et arabe en général, la cuisine a une place très importante. « La première chose que ma mère me demande quand elle m’appelle, c’est ce que j’ai mangé. C’est un moyen de montrer notre affection », livre la cheffe animée par les discussions autour de la préparation d’un plat ou autour d’un repas. « Ainsi, les barrières linguistiques et sociales sont brisées », ajoute-t-elle. Un combat que menait déjà sa grand-mère, engagée dans le bénévolat dans les années 1940 : « Déterminée, elle souhaitait montrer que les femmes sont tout aussi puissantes que les hommes et qu’elles avaient droit d’avoir leur chance. » Beit Sitti est plus qu'une simple école de cuisine : c'est un lieu où les identités sont multiples et où les employées, des femmes venues de pays comme l’Egypte, l’Irak, la Syrie ou la Palestine partagent leur culture et tissent des liens avec les convives autour du même amour de la cuisine. Que ce soit en soutenant des initiatives locales en faveur des femmes, notamment un partenariat avec l’une d’elles qui produit des épices comme le zaatar ou de l’huile d’olive, mais aussi à travers les cours que les cheffes animent.

Même si la Jordanie s'est développée dans l’emploi des femmes en cuisine, celles-ci restent trop peu nombreuses. « Si la plupart ont du mal à trouver un emploi, elle leur donne la possibilité de gagner leurs vies et d’emmener leurs enfants, si besoin », explique la cheffe qui met fin à l’entretien. Il est midi. « Les convives arrivent, yallah ! (Allons-y) », s'écrie-t-elle. À l’abri du soleil, les apprentis cuisiniers s’installent sur la terrasse et enfilent leur tablier avant de passer à la confection du repas. Au menu : maakloubeh et musakhan rolls, plats emblématiques de la Palestine, d’où vient la cheffe d’Oum Mohammad, qui prépare du thé à la menthe pour ses invités. L’arabe se mêle à l’anglais et les premiers rires éclatent. 

Azilis Briend

Elle s’est maquillée « pour l’occasion » , dit-elle en riant. Maria Haddad, 40 ans et co-gérante de Beit Sitti, (Chez Mamie en français), nous invite dans un intérieur où les photos de familles se mêlent aux vieux ustensiles de cuisine et aux odeurs de fleur d’oranger et de sumac, une épice du Moyen-Orient. Dans le quartier bohème de Weibdeh, à Amman, un petit village de commerçants et d’artistes où vivent de nombreux expatriés, Maria Haddad et ses sœurs, Dina et Tania, ont réhabilité une charmante bâtisse des années 1940.

Installées depuis 2010, ces trois sœurs issues de la bourgeoisie jordanienne ont créé un temple de la gastronomie, prisé des touristes du monde entier et des Jordaniens les plus fortunés, venus manger et… cuisiner. « Il fallait qu’on trouve un concept où le convive puisse déguster et vivre un moment unique autour de la cuisine arabe en mettant également la main à la pâte » , explique Maria Haddad, servant un verre de sa limonade parfumée à la fleur d’oranger.

La Tchétchénie, un autre monde

Jumana et Tina n’ont jamais mis les pieds en Tchétchénie. « Si je vais là-bas, je me sentirais comme une touriste car ma maison, c’est la Jordanie », estime Tina. Pour sa mère, ce territoire,  où vivent encore des membres de sa famille, semble être un autre monde. « Cela doit être incroyable d’entendre dans la rue tout le monde parler tchétchène. » Originaire du Caucase, leur langue est bien différente de l’arabe et ne ressemble plus vraiment à celle parlée actuellement en Tchétchénie : « Nous avons mieux conservé la langue ici. Nous n'avons pas été influencés par le russe », affirme Jumana.

La pérennité de leur culture est loin d’être évidente. « Pour mes enfants, cette identité ne sera pas préservée déjà parce que je suis aussi circassienne [autre peuple caucasien de Russie, ndlr] du côté de mon père et je ne sais pas encore qui sera mon mari », considère Tina. Sa mère qui espère la voir s’unir avec un Tchéchène se veut plus optimiste. « Ne t’inquiète pas pour ça, tu viendras me rendre visite avec tes enfants chaque jour sans exception », lâche-t-elle dans un éclat de rire complice avec sa fille.

Océane Caillat
Johanna Mohr

« Nous avons le droit d’être nous-mêmes » 

Trouver sa place dans le pays leur paraît moins difficile en Jordanie qu’en Russie. « Ceux qui ont grandi en Tchétchénie sont fatigués de l'histoire et ne veulent plus de problèmes » , explique Tina. Opposée à la fédération de Russie, la Tchétchénie s’est battue pour son indépendance lors de deux guerres sanglantes, la première de 1994 à 1996 et la seconde de 1999 à 2009. « Ici, nous n'avons pas à lutter pour exister, nous avons le droit d'être nous-mêmes », affirme Jumana.

Grâce à l’islam sunnite, cette dernière se sent même proche des autres Jordaniens : « Quand on pratique la religion, nous sommes tous égaux. »  Même avec une croyance et une nationalité commune, Jumana insiste sur les différences entre les Arabes et les Tchétchènes. « Nous sommes si fiers de notre culture et ils sont si fiers de la leur. Nous ne partageons pas les mêmes traditions et je crains parfois de les offenser. Contrairement à eux par exemple, nous ne faisons pas la bise. » 

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