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S’il est conscient des enjeux environnementaux, l’agriculteur Fyad Al-Zyoud, propriétaire d’une centaine d’hectares, ne reviendra pas aux anciennes pratiques. Avec son frère Osama, agronome par ailleurs, ils sont persuadés que leur salut viendra de la technologie de premier plan pour mieux utiliser l’eau. Fyad Al-Zyoud a investi des dizaines de milliers de dinars jordaniens dans une station alimentée par énergie photovoltaïque. Celle-ci leur envoie quinze données par jour et permet d’anticiper d’éventuels aléas météorologiques. Aussi, des vannes automatiques sont reliées à un ordinateur permettant d’optimiser à distance l’irrigation dans l’exploitation. « Résultat, moins de main d’œuvre, moins de coûts et de l’eau pour les générations futures. »
C’est également pour cette raison que le Jordanien aux racines bédouines refuse catégoriquement de cultiver de la luzerne. « Quand le Covid-19 est arrivé, nous avons expérimenté différentes associations de cultures pour être plus autonomes et moins dépendants en eau », partage-t-il, savourant quelques grains de blé planté au pied de ses vignes. Quarante hectares d’oliviers signalent l’entrée du domaine situé à l’est du bourg d’Azraq. Le premier d’entre eux, au tronc plus chétif que les autres, fait la fierté de Fyad Al-Zyoud.
« Initialement, c’est la bouture d’un olivier vieux de 2 000 ans que nous avons prélevé au cœur du désert du Wadi Rum », se remémore le sexagénaire à l’œil vif, en caressant les jeunes feuilles. Le propriétaire terrien voit en cette variété robuste un espoir : celui d’adapter ses cultures à la sécheresse qui guette la région à mesure que s’intensifie le changement climatique.
Zoé Dert-Chopin
Depuis le début de la guerre à Gaza, les voyageurs occidentaux manquent à l’appel dans cette station balnéaire jordanienne à la frontière avec Israël. Hôteliers et commerçants ne peuvent compter que sur les touristes du monde arabe.
Si le problème des puits illégaux persiste, c’est aussi en raison d’une opposition de conception liée à la souveraineté du territoire. Cette dernière est révélatrice d’un centralisme jordanien pris en étau par les revendications tribales ambiantes. En 1982, avec l’arrivée de l’Autorité jordanienne de l’eau, les habitants se sont fait retirer la gestion collégiale du bassin d’Azraq. Depuis, les frustrations s'accumulent à mesure que le droit de disposer sans contrôle étatique de cette ressource leur a été peu à peu confisqué. Les communautés locales, druzes et bédouines, estiment être sur la terre de leurs ancêtres et donc en droit d’en prélever librement l’eau souterraine, comme ils en ont toujours eu l’usage.
Plus de 100 000 euros pour construire un puit
C’est aussi dans les années 1980 que les élus locaux, issus des communautés historiques d’Azraq, ont commencé à vendre des terres qu’ils considéraient leur appartenir tandis qu’elles étaient officiellement propriétés de l’état. « Ils font affaire avec les gros investisseurs qui viennent des grandes villes grâce à des prix attractifs pour eux », témoigne Omar Shoshan. Nombreuses sont les terres vendues avec un puits illégal ou sur lesquelles on envisage d’en creuser. L’eau puisée sert en particulier à cultiver de la luzerne – dédiée à l’alimentation du bétail. La chercheuse Majd Al-Naber rapporte que l’état a tenté de dissuader ce type de culture bon marché et gourmande en eau. En vain.
Illégal ou non, creuser un puits coûte environ 80 000 JOD. L’entretenir est également coûteux. Et ceux qui sont illégaux ne sont généralement exploités que pendant un ou deux ans. « L’eau pompée n’est pas de bonne qualité ou insuffisante. Les gens creusent n’importe où », rapporte le président de JEU.
Baqoura, terres retournées
Baqoura est une enclave agricole de six kilomètres carrés. Après 1967 et la guerre des Six jours, la Jordanie perd sa souveraineté sur la rive ouest du Jourdain et cette petite enclave de la rive est, au profit d'Israël. Dans le cadre des accords de paix de 1994, ces terres sont rendues à la Jordanie et un partage plus équitable de l’eau entre les deux nations est décidé. Les agriculteurs israéliens sont néanmoins autorisés à continuer leurs cultures.
En 1997, un soldat jordanien ouvre le feu et tue sept écolières israéliennes. À la surprise générale, le roi Hussein se rend en Israël pour formuler des excuses officielles. Mais en 2019, pour montrer son opposition au « plan de paix » que prévoyait Donald Trump dans la région, et face au risque croissant d’une annexion de la Cisjordanie, la concession, qui aura duré vingt-cinq ans, n’est pas renouvelée par le roi Abdallah II.
De la nappe phréatique d’Azraq, entre 40 et 60 millions de m3 d’eau sont prélevés par an. Or, c’est plus de trois fois ce qu’il faudrait pour qu’elle se recharge durablement. Plus de la moitié de cette eau pompée est dédiée à l’agriculture, 20 % est capté illégalement. « Nous prenons plus que nous n’avons », s’attriste Fyad Al-Zyoud, un agriculteur d’Azraq qui, de son côté, affirme ne pas posséder de puits illégalement creusés sur le terrain de son exploitation.
Cinq ans de prison pour les propriétaires
Quand Mohammed reprend le domaine familial, il récupère aussi le puits qu’avait creusé son père, bien avant que le gouvernement prenne en main la gestion de l’eau à partir des années 1980. Ce n’est qu’en 2002 que les puits non certifiés commencent à être surveillés. Aujourd’hui, les cavités sont remblayées et les propriétaires de puits illégaux encourent jusqu’à cinq ans de prison. Théoriquement. En fait, le remblayage est rare, comme l’établit la géographe jordanienne Majd Al Naber dans sa thèse dédiée au sujet. Par ailleurs, les autorités distribuent plutôt des amendes. Souvent, de plusieurs milliers de dinars jordaniens. À ce titre, ils ont réclamé à Mohammed 2 000 JOD (soit 2 600 euros) quand il a repris l’exploitation. « J’ai réussi à faire baisser la facture à 900 JOD. Chaque année, ça a été la même chose. Je leur ai dit que je ne paierai pas. Cette ferme était sur les terres de mon père et je ne faisais pas de bénéfices suffisants pour payer la somme qu’ils me demandaient. » Sous la pression, Mohammed a fini par vendre ses terres et le puits avec.