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Le quartier populaire de Jabal Al-Qosour, dans le Nord-Est d’Amman, est en ébullition. Comme chaque mardi – quand tout se passe bien – les cuves qui trônent sur les toits se remplissent : c’est « le jour de l’eau ».
À moins d’un kilomètre de là, Israël, ou plutôt la « Palestine » comme disent les gens du coin. Ici, le Jourdain, qui prend sa source en Israël, est rejoint par le Yarmouk. Source d’eau essentielle à l’agriculture dans la vallée, il poursuit son cours en suivant des méandres sur 320 kilomètres vers le sud avant de se jeter dans la mer Morte.
Derrière ce paysage idyllique, une bataille face à la disparition de l’eau et trois exploitants en première ligne : un riche propriétaire proche du gouvernement, un agriculteur aux mains calleuses et un jeune entrepreneur idéaliste.
Le patron et sa berline
Des soldats armés tiennent la garde. « Salam aleykoum. » En entrant sur les terres agricoles de Baqoura (lire encadré), à cinq minutes de Nord Shouna, un pont surplombe le canal stratégique du Roi-Abdallah. Ce dernier permet l’approvisionnement en eau des exploitations agricoles. En engageant sa berline gris métallisé sur un chemin de terre entre deux orangeraies, Hachem Alnasser, quinquagénaire en polo, a le sourire : « C’est un paradis sur terre. » Seuls les propriétaires et ouvriers agricoles sous escorte sont autorisés à entrer dans la zone militarisée disputée par Israël et la Jordanie.
En Jordanie, le manque d’eau est vecteur d'inégalités diverses. Y compris dans la capitale Amman, où les habitants sont contraints d’adapter leurs habitudes de consommation en fonction de leurs moyens.
Dans cette région de la Jordanie située aux frontières avec la Syrie et Israël, l’eau a toujours été une ressource abondante. Mais depuis une vingtaine d’années, les producteurs d’agrumes font face, comme le reste du pays, à une situation de stress hydrique extrême. Nouveaux systèmes d'irrigation et d’approvisionnement, économies d’eau : trois exploitants tentent de sauver leurs récoltes.
Une fois sorti d’Irbid, ville proche de la frontière syrienne, il ne faut qu’une demi-heure de route pour rejoindre la vallée du Jourdain et le village agricole de Nord Shouna. Passé les collines arides, le changement est spectaculaire. En contrebas, fini les vallées désertiques et les wadi rocailleux, une oasis d’un vert intense s’étend à perte de vue.
Comment fonctionne l’approvisionnement en eau ?
La Jordanie est l’un des pays les plus arides de la planète. À Amman, l’eau est acheminée par les canalisations ou grâce à des camions-citernes. Les habitants n’en reçoivent qu’une à deux fois par semaine à l’occasion du « jour de l’eau ». Pendant cette période, elle coule sans restriction. Les Jordaniens en profitent donc pour faire leurs tâches ménagères et remplir leurs réserves : des cuves installées sur le toit ou au sous-sol. Mais les habitants ne disposent pas tous du même espace de stockage. En ce qui concerne le prix, l’État prend en charge entre 27 % et 82 % du montant de la facture, selon la consommation d’eau.
Bien que l'eau distribuée par les canalisations soit potable, l’absence d’entretien des cuves la rend impropre à la consommation. Abou Mahed, gérant d’un commerce de bouche, en est persuadé : « Je fais nettoyer les cuves aussi bien que je lave mes fruits avant de les servir aux clients. » Il jure n’avoir jamais cessé de boire l’eau du robinet. À l’inverse, la majorité des Jordaniens achète de l’eau en bouteille, ce qui augmente un peu plus le montant total des dépenses en eau.
Si l’avenir de la Jordanie en tant que décor de films étrangers s’annonce plus que radieux, son cinéma local n’aura pas de pavillon au Marché du film de Cannes 2024, seulement un simple poster de promotion, faute de moyens. « Nous avons décidé d’être plus présents au Marché international des programmes de télévision. Il fallait faire un choix », justifie Bachar Abu Nouar de la Commission royale. Une première en dix-huit ans qui complique l'exportation des films jordaniens. Une dynamique que regrette Mahmoud Massad. Pour lui, « c’est comme pour le sport, le gouvernement ne fait rien pour que la Jordanie ait une existence propre en culture. »
Marine Fersing
Stade international d’Amman, le 19 mai. Pour leur dernier match de la saison, les footballeurs d’Al-Wehdat (« unité » en arabe) remportent une large victoire devant Sahab (6-2). Mais dans les tribunes de ce stade de 25 000 places, le plus grand du pays, seules quelques dizaines de supporters s'inquiètent, sans entrain, du sort de la partie. Les frappes sèches et les occasions de buts sont accompagnées d’un silence pesant. Troisième du classement, l’équipe ne pouvait plus remporter le titre national et n’avait donc plus rien à espérer de cette ultime rencontre. L’origine de la désertion des milliers de fadas du club est pourtant moins d’ordre sportif que politique.
Les prémices du divorce remontent au 24 octobre, quelques semaines après l’attaque du Hamas et le début de la guerre. Ce soir-là, la Coupe d’Asie est au menu avec la réception des Irakiens d’Al-Kahrabaa SC. Pris aux tripes par les bombardements sur Gaza, les ultras des Géants verts, le surnom des joueurs d’Al-Wehdat, déploient des banderoles de soutien à leurs « frères » palestiniens. Cette prise de position est condamnée par la Confédération asiatique de football, qui prohibe tous messages « à caractère politique ». Une amende de 10 000 dollars (9 200 euros), est infligée à Al-Wehdat, avant d’être réduite à 2 000 dollars, en appel, le 27 mars.
Pour protester contre cette sanction, les supporters boudent leur virage : « La défaite contre nos ennemis jurés d’Al-Faisaly, quatre jours plus tard, a achevé le moral des fans », soutient Mahmoud Ayach, le leader d’un des mouvements de supporters et créateur d’un compte Instagram à la gloire de l’équipe, suivi par 52 000 personnes. Al-Faisaly est l’autre grand club d’Amman : le plus populaire et le plus titré de Jordanie. Une longue histoire empreinte de violence parasite les matchs entre Al-Wehdat et Al-Faisaly, qui incarnent la rivalité entre Palestiniens réfugiés et Jordaniens natifs.
L’identité palestinienne comme raison d’être
La création du Al-Wehdat SC va de pair avec le destin des réfugiés palestiniens d’Amman. En 1956, ils abandonnent leurs tentes et construisent des maisons en pierre dans leur camp d’Al-Wehdat, au sud d’Amman. Le club de football voit le jour dans la foulée. Depuis, l’écrasante majorité des acteurs du club, du comité directeur aux joueurs, en passant par les fans, sont des Jordaniens d’origine palestinienne. D’abord médiocre, l’équipe en vert roule désormais sur le football national depuis quarante ans, et ne cesse d’agrandir son armoire à trophées lourde de 53 titres.
Peu connue pour son cinéma, la Jordanie est réputée pour ses avantages financiers et ses paysages qui attirent les productions internationales. Les cinéastes jordaniens, eux, peinent à y trouver leur compte.