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Quel est votre meilleur souvenir durant toutes ces années à Al-Wehdat ?
Tous les matchs que nous avons gagnés et tous les trophées que nous avons fêtés. Bien sûr, avoir remporté le championnat cinq fois de suite, de 1994 à 1998, est une chose extrêmement difficile à réaliser. Sur le plan personnel, j’ai marqué trois années de suite contre Al-Faisaly [le grand rival d’Al-Wehdat soutenu par les Jordaniens natifs], qui est presque notre ennemi mortel. Cela constitue une belle fierté.
Comment l’équipe vit-elle avec la guerre à Gaza ?
La guerre a un impact énorme sur Al-Wehdat. Sans elle, il n’y aurait pas de boycott des fans [les supporters protestent contre l'interdiction d’afficher des signes de soutien à Gaza]. Avant la guerre, on pouvait avoir un millier de supporters juste à l’entraînement et le stade était plein à tous les matchs. Ne plus pouvoir compter sur eux est le gros regret de cette fin de saison.
Al-Hussein a remporté le titre, comment analysez-vous cette saison 2023-2024 ?
Nous sommes la meilleure équipe de Jordanie sur les vingt dernières années. Nous avons eu de nombreux succès. Davantage que dans toute l’histoire du club et que n’importe quelle autre équipe du championnat, y compris Al-Faisaly. Nous sommes actuellement dans une situation difficile. Nous terminons l’une des pires saisons de l’histoire récente du club. Mais même dans ce terrible exercice, nous avons remporté la supercoupe en août en battant Al-Faisaly. Nous les avons dominés trois fois en quatre confrontations cette saison, ce qui n’est vraiment pas si mal.
Comment gagner de nouveau le championnat la saison prochaine ?
Nous avons eu des difficultés en début de saison. Pas mal d’erreurs ont été commises en dehors du terrain. Nous allons essayer de résoudre ces problèmes. Nous devons, par exemple, remédier à nos petits soucis financiers. Comme le dit notre directeur sportif, Ziad Chalabayeh : « le sport de haut niveau, c’est l’argent. » Lorsque nous aurons retrouvé une certaine forme de stabilité financière, nous pourrons envisager de gagner des trophées.
Rafat Ali, entraîneur et star du club : « Avant la guerre à Gaza, le stade était toujours plein »
Club des Palestiniens de Jordanie, Al-Wehdat vit une saison difficile, entre le boycott de ses fans et des résultats en dents de scie. Une situation qui l’a contraint à faire appel aux services de Rafat Ali, légende du club, à la tête de l’équipe. Parti d’Al-Wehdat, club emblématique d’Amman, en 2014, après deux décennies passées comme milieu de terrain de l’équipe première, Rafat Ali est revenu au club en mars dernier avec la casquette d’entraîneur. Meilleur joueur de l’histoire des « Géants verts », l’ancien international jordanien (45 sélections, 13 buts), s’est confié. Il évoque son glorieux passé de joueur et les difficultés traversées par l’équipe phare des Palestiniens de Jordanie cette saison. Entretien.
Que représente Al-Wehdat dans votre vie ?
L’amour pour ce club a grandi avec moi. C’est une famille à laquelle j’appartiens depuis mon enfance. Al-Wehdat est un club vraiment particulier, même si beaucoup se revendiquent comme tel. La plupart de nos fans ont quitté la Palestine et se retrouvent dans la pauvreté en Jordanie. Nous essayons de donner du bonheur à ces personnes en situation de grande précarité dans leur vie quotidienne.
Vous avez porté les couleurs de l’équipe première pendant vingt-et-un ans, comment analysez-vous ce parcours ?
Je suis sans doute le joueur qui a été le plus titré, non seulement dans toute l’histoire du club d’Al-Wehdat [il a remporté dix fois le championnat national, NDLR], mais aussi dans celle du football jordanien. J’ai remporté tous les trophées possibles, à savoir le championnat, la coupe de Jordanie, la coupe de la ligue et la supercoupe. Ma plus grande fierté est d’avoir réussi tout cela pour les fans qui m’ont toujours donné tout leur amour. J’entretiens une relation spéciale avec eux. On s’est beaucoup apporté mutuellement.
Adolescent et mutilé dans un bombardement, son rêve est devenu « impossible »
Les reporters télé du Cuej sont les premiers journalistes étrangers que ce Gazaoui de 14 ans rencontre. C’est dans le hall d’un hôtel d’Amman qu’ils se retrouvent après avoir arrangé la visite avec l’oncle de l’ado. D’abord timide, Ali* finit par s’ouvrir et livrer un témoignage poignant. Il est l’un des rares à avoir été évacué de Gaza ces derniers mois pour être soigné en Jordanie. L’adolescent a perdu deux jambes et un bras dans un bombardement. « C’est grâce à Dieu que je suis là aujourd’hui », garantit le garçon, dont la bonne humeur contraste avec le récit. S’il a pu être soigné dans le royaume hachémite, c’est grâce à un appel relayé par sa cousine, très suivie sur Instagram, et qui est devenu viral. Ali rêvait de devenir ingénieur, mais imagine aujourd’hui ce destin « impossible » à cause de ses blessures. Les sessions avec un psychologue et les séances de kiné rythment désormais son quotidien, loin de sa mère soignée au Qatar. Terrassé par une guerre qui le dépasse, l’adolescent fan du Real Madrid et de jeux vidéo n’a qu’une seule volonté, retourner à Gaza, « sa maison ».
Anis Boukerna
Jade Lacroix
Juliette Nichols
Loïc Germain
*Le prénom a été modifié
Au port, le commerce au ralenti
Avec ses 25 kilomètres de côtes et ses onze terminaux, le port d’Aqaba est la porte d’entrée commerciale de la Jordanie. Or, en mer Rouge, les nombreuses attaques de navires par les rebelles houthistes du Yémen depuis le début de la guerre à Gaza perturbent le commerce maritime mondial et notamment le port d’Aqaba. De nombreuses grandes lignes maritimes mondiales ont été déroutées vers le cap de Bonne-Espérance (Afrique du Sud), à 6 000 kilomètres plus au sud. Les bateaux venant de la mer d’Arabie doivent à présent éviter la mer Rouge et ses deux passages stratégiques, le détroit de Bab Al-Mandab et le canal de Suez. Une situation qui augmente les délais et fait perdre de l’argent aux transporteurs maritimes.
Selon la compagnie gouvernementale des opérations et du management portuaire d’Aqaba, les bateaux prennent « au moins deux semaines de retard ». En témoigne la zone de déchargement vide en face du bâtiment d’administration de l’entreprise. Cette situation coûte cher : le prix des contrats passés avec les entreprises et les assurances des bateaux et des marchandises a considérablement augmenté. Ceci explique que le trafic maritime a diminué de 10 à 20 % à Aqaba. Pour le général manager, c’est le terminal de conteneurs (ACT) situé non loin, qui est le plus touché. Selon l’Association jordanienne de logistique (JLA), le port n’a déchargé que 87 708 conteneurs entre janvier et mars 2024, soit une baisse de plus de 20 % par rapport à l’année précédente. Même constat pour les exportations avec une baisse de 29 %.
Avec une capacité d’accueil de 60 personnes, il est quand même nécessaire de mettre en place des astuces pour limiter les dégâts. « Il faut être avare avec l’eau. On a diminué de 50 % la puissance des robinets et on rationalise son utilisation dans le ménage. » Bien que l’hôtel soit réapprovisionné le jeudi et le vendredi par l'État, les quantités ne sont pas suffisantes pour tenir toute la semaine.
Arrivé d’Égypte où l’eau est bien moins rare, le gardien a dû adapter ses gestes. Éponge à la main, il se contente par exemple d’un seau pour laver quatre voitures en hiver. Et six en été.
Jana Hicham Al-ali, 18 ans, une Palestino-Jordanienne engagée : « Mon combat a commencé le jour de ma naissance »
« Écoeurée. » C’est le mot qui revient en boucle chez Jana, 18 ans, lorsqu’elle évoque le sort des Palestiniens, que ce soit les Gazaouis tombant sous les bombes ou les Cisjordaniens victimes de la colonisation. Depuis le début de la guerre à Gaza, elle est de toutes les manifestations. « Ici, en Jordanie, on ne peut pas faire beaucoup plus que manifester et boycotter. Mais rien ne changera si on n’y croit pas », clame la jeune femme. Tous dans sa famille sont Palestiniens. Née en Jordanie, elle est de la troisième génération depuis la Nakba (« catastrophe » en arabe), l’exode du peuple palestinien à la création d’Israël en 1948. Celle qui est graphiste sur les réseaux sociaux a grandi dans un milieu où « le droit de [son] peuple à vivre sur [sa] terre » est une cause sacrée. « Mon combat a commencé le 9 avril 2006... le jour de ma naissance. » Pas question pour autant de haïr les Israéliens sans distinction. Son rêve, c’est celui d’une Palestine où musulmans, juifs et chrétiens cohabiteraient en paix. « Cette terre est très importante pour nos trois religions. » Dans ses illustrations, elle n’hésite pas à ajouter de petits détails comme des pastèques, symbole utilisé par la jeunesse pour rappeler les couleurs du drapeau palestinien.
Jean Lebreton