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Des résidents investis dans la vie associative, des commerces en transformation, un patrimoine à valoriser. La Montagne-Verte fait mentir le cliché de la cité-dortoir.

Quatorze ans plus tard, les jeunes qui fréquentent désormais le centre n’ont rien connu des incidents de 2010, pourtant, Kévin l’assure : "Je sens encore les tensions." Pour lui, le ressentiment se transmet de génération en génération. Il estime que même si "on fait beaucoup pour eux, on sait pas s’ils pourront oublier le mal qu’on leur a fait à l’époque".

Dans le rapport d’activité de la même année, Philippe Krafft, alors président du CSC écrivait : "Nous avons décidé de construire notre projet en nous adaptant aux jeunes." Rétrospectivement, les promesses ne semblent pas avoir été tenues.

Contrairement au projet annoncé, les 1 200 m² prévus sont divisés entre le social et le médical et l'espace jeune se trouve relégué dans un local étroit. "C’est dans le couloir qui mène aux toilettes", lâche Kévin avec amertume. Les ados du quartier avaient pourtant été consultés afin de schématiser leurs attentes à propos du futur lieu. "Les jeunes ils y croient quand ils posent leurs dessins", regrette l’animateur. Leur déception est d’autant plus grande qu'ils "pensaient que tous les étages seraient à eux". Insultes, dégradations materielles, agressions ; dès l’ouverture du centre, des jeunes s’en prennent au personnel du CSC. "Ça a été un ascenseur émotionnel pour les ados de l’époque. Ça a suffi pour qu’ils pètent les plombs."

La bonne ambiance qui règne à l’intérieur du centre contraste avec les vitres brisées de la façade. "Ça, c’est des jeunes qui s’ennuient", déplore Kévin en pointant les dégâts. Plus bas dans la rue d’Ostwald, à deux pas de l’arrêt de bus Elmerforst, Abdel, 19 ans, tire sur son joint, bouteille d’Oasis à la main : "J’aime pas Montagne-Verte. Y’a rien ici, c’est vide." Le jeune homme n’a pas toujours été critique à propos du quartier. "Il y a huit-neuf ans, on allait à Europa-Park avec le CSC. Maintenant y’a plus de budget pour faire des meilleures sorties." Abdel se désole de voir certains jeunes de son quartier "cramer des trucs", mais il estime que "s’ils dealent, c’est de l’ennui, parce que leur frigo il est pas vide."

Esther Dabert et Valentine Lécayon

* Le prénom a été modifié.

Consciente de ces préoccupations, la municipalité strasbourgeoise semble pourtant engager une réflexion autour de cette problématique. Dans le projet de territoire dévoilé début juillet visant à redynamiser le quartier, les collectifs d’habitants, associations et services de la mairie se sont entendus sur un renforcement des espaces publics adaptés aux jeunes. Si l’initiative semble répondre aux demandes des citoyens, elle n’en est pour le moment qu’au stade des discussions. D’après Kévin, les moyens alloués au centre socioculturel "viennent d’être diminués de moitié par rapport à l’année dernière", ce qui rend d’autant plus saillant le manque de volonté politique.

Flora, 20 ans, travaille à la boulangerie Carciofi, face aux tours du quartier prioritaire du Molkenbronn. Pour elle, ce n’est pas une question d’espace, ni d’éducation mais une question d’âge. En 2016, sa mère est contrainte de déménager : "Ils faisaient des tirs de mortiers dans les caves, la fumée remontait par les aérations, c’était devenu trop désagréable." Pourtant, elle tempère, amusée : "On a tous fait des conneries !"

Anissa* habite près du parc du Gliesberg depuis plus de vingt ans. Elle adore son quartier et n’en changerait pour rien au monde. Ni elle ni ses deux enfants ne fréquentent le CSC, pourtant, la mère de famille ressent elle aussi les tensions qui animent la Montagne-Verte. D’un œil attentif, la maman surveille son fils qui déambule à travers les allées sur sa trottinette. Elle désigne du doigt un carré d’herbe verte : "Une fois, les enfants ont trouvé un fusil dans le parc et un sachet avec des balles." 

À qui la faute ?

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