Alors que Marine Le Pen était en meeting dimanche à Strasbourg, l'Alsace reste une région forte pour le Front national. Une tendance moins assumée aujourd'hui, comme à Eywiller (Bas-Rhin), village où le FN a réalisé son meilleur score en 2002.
Depuis plus de 20 ans, l'Alsace se caractérise par des scores particulièrement élevés pour le Front national. A l'élection présidentielle de 2002, Jean-Marie Le Pen est arrivé en tête lors du premier tour, avec 23,5% des voix. L'Alsace fait ainsi partie des neuf régions métropolitaines (sur 22) qui ont placé le candidat FN en tête au soir du premier tour.
Cette tendance est toujours présente, mais moins marquée depuis. En 2011, le premier tour des cantonales a été caractérisé par une très forte abstention en Alsace, qui a notamment permis à plusieurs candidats du FN de rester en lice pour le second tour, sans toutefois être élus.
"Dans des cantons où il n'y a ni immigration, ni problème de sécurité majeur, le vote FN est ici l'expression d'une sensibilité très autoritaire dans le vote de droite en Alsace, analyse Richard Kleinschmager, professeur à l'Institut d'études politiques de Strasbourg et spécialiste en géographie politique. Cette sensibilité trouvait son compte dans le gaullisme, parce que le gaullisme non libéral -c'est-à-dire non chiraquien- était une conception très structurée, pyramidale de la société, avec des valeurs d'ordre non négligeables ; elle le trouve maintenant à l'extrême droite."
"On ne veut plus en entendre parler"
L'analyse se confirme à Eywiller, une petite bourgade du Bas-Rhin au cœur de l'Alsace bossue, aux confins de la Moselle, où Jean-Marie Le Pen a réalisé son meilleur score le 21 avril 2002 avec 46% des voix, pour 206 électeurs (sur 268 habitants).
Interrogés, les habitants affirment tous voter, mais ils ne veulent pas s'étendre sur le sujet. "La politique n'est pas un sujet tabou dans le village, nuance l'un d'entre eux. Mais les médias se sont tellement emparés du sujet qu'on ne veut plus en entendre parler." "Après l'élection de 2002, les gens ont fermé leurs portes, leurs volets, complète François Leibel, le maire d'Eywiller. Quand ils voient des étrangers, les habitants se renferment."
Au lendemain de l'élection, un reportage photographique exposé au Parlement européen de Strasbourg avait montré le village, volets clos, sous le titre "Heil...willer". Le maire avait alors intenté un procès à l'artiste plasticien Ambroise Perrin, qui a finalement été relaxé.
"J'ai toujours été gaulliste"
Pour François Leibel, le vote de 2002 était surtout contestataire: "On ne voulait pas de Chirac. D'ailleurs, lors de l'élection présidentielle de 2007, c'est le candidat Sarkozy qui est arrivé en tête". Le candidat UMP avait obtenu 40,76% des voix au premier tour, suivi de François Bayrou (MoDem) avec 21,66%. Jean-Marie Le Pen n'était arrivé qu'en troisième position avec 19,11%.
"J'ai toujours été gaulliste", lâche de son côté Fernand, 87 ans. Mais à l'évocation de son vote à la présidentielle de 2002, le retraité se braque et refuse de donner l'identité du candidat pour lequel il a voté. Au fil de la discussion, il revient toutefois sur un thème fondateur du FN: l'immigration.
Pour ce qui est de parrainer un candidat à la présidentielle, le maire de Eywiller est catégorique: "Je ne veux pas donner ma signature si ce n'est pas anonyme".
Dans sa course aux 500 parrainages, Marine Le Pen a elle aussi contesté l'obligation de rendre publiques les signatures des élus. Elle a formulé une question prioritaire de constitutionnalité auprès du Conseil d'Etat, lequel a annoncé qu'il la transmettait au Conseil constitutionnel. La décision est attendue avant le 22 février.
Marine Daviller et Clothilde Hazard