Vous êtes ici
[ Plein écran ]

Amine et Anissa jouent à la console de jeux © Emma Conquet & Laurie Correia

Des locaux commerciaux mal aménagés

La plupart de ces locaux commerciaux sont d’anciens appartements, réaménagés pour faire office de commerce. "Le commerce existant n’est pas toujours aux normes d’accessibilité notamment pour les personnes à mobilité réduite, comme certaines boulangeries par exemple, c’est une difficulté", constate François Desrues, pour qui "le local commercial idéal, c’est un commerce de plain-pied respectant ces normes".

Pierril Demange trouve que l’inadaptation "des locaux freine le développement économique" car "il y a des petits commerces qui disparaissent, il est difficile d’en ouvrir ici à cause des normes d’accessibilité". A cela, il faut ajouter "la politique des promoteurs immobiliers qui ne construisent que des logements sociaux sans locaux commerciaux".

Ces chantiers de construction "prouvent qu’il n’y a aucune volonté de la part des promoteurs ni de la ville de développer de grands locaux destinés aux commerces sur la route et dans le quartier Koenigshoffen en général", conclue Pierril. "La ville ne va pas construire de locaux commerciaux sur la route des Romains si c’est pour qu’ils restent vacants. On ouvre des commerces si on identifie un réel besoin", dit François Desrues. La ville de Strasbourg n’est pas dans "une logique de développement commercial mais dans une logique de requalification des surfaces existantes. On veut faire de ce quartier un quartier résidentiel mais avec beaucoup de petits commerces et de services publics".

 

[ Plein écran ]

Discussion autour de la table du salon.  © Emma Conquet

Julie Gasco et Maxime Glorieux

Dans la partie haute du jardin, il faut entretenir les arbres : épicéa, noisetier, if, frêne. © Sophie Piéplu

[ Plein écran ]

Vincent Schitzler, président de l'association des commerçants  ©Pauline Boutin

[ Plein écran ]

La famille Foulouh prend le goûter. © Emma Conquet

D'un côté, le canal de la Bruche, de l'autre le verger du couvent des Capucins : l'allée qui mène aux étangs de pêche de Kœnigshoffen a des airs de route de campagne. Avec ses deux plans d'eaux pour la pêche, ses trois terrains de pétanque, son grand chalet pour les jeux de société, la buvette et les repas, le site est un lieu de vie et de loisirs privilégié de Kœnigshoffen. D'autant plus qu'il est la propriété de l'Association agréée pour la pêche et la protection des milieux aquatiques (AAMMAP, mais tout le monde dit APP) de Kœnigshoffen – l'une des plus anciennes (1923) et des plus importantes APP d'Alsace, avec plus de 500 membres. 
Ce samedi 10 novembre, cette dernière a organisé deux événements en parallèle : une marinade de harengs à la crème et un concours de pêche à la truite. 

Banquet
A l'intérieur du chalet, les grandes tables de banquet accueillent une bonne cinquantaine de participants. Le repas, qui coûte 12 euros, est ouvert au public. Ni Yolande Buchmann ni son mari Patrice ne sont pêcheurs. Attablée avec deux autres couples de la paroisse protestante de Saint-Paul, cette dernière explique : « Nous venons deux fois l'an pour des repas. J'y retourne depuis que je suis en retraite. » Arrivée à Kœnigshoffen à l'âge de 1 an elle est attachée au site : « Ce lieu fait partie de mon enfance. Ça a toujours été très convivial, et en fait, l'ambiance n'a pas trop changé. »
Pas étonnant, vu le nombre de têtes chenues dans la salle. Venu avec sa mère de 95 ans pour la marinade, Charles Muller ressemble à la plupart des commensaux. À « bientôt 73 ans », il occupe ses loisirs en allant tous les jours au chalet pour « retrouver les copains et regarder les parties de cartes. » De son coté Yolande Buchmann s’interroge :  « Le jour où les vieux n'entretiendront plus le site, qu'est-ce que ça va devenir ? » Et convient « C’est normal de ne pas vouloir passer la journée avec des vieux quand on est jeune ».

Cuisine
Des jeunes, il y en a pourtant les nuits d'été autour des étangs. « Ils viennent ici pour faire la fête, explique Benjamin Breuil, le président de l'association, qui s'active en cuisine.  De temps en temps, je descends la nuit pour leur dire de ne pas laisser de cadavres de bouteille partout. Mais dans l'ensemble, c'est plutôt bon enfant. » Ils ne participent pas aux activités de l'association, précise Benjamin Breuil. Qui déplore, comme Yolande, « le manque de jeunes bénévoles ». 
À 36 ans chacun, Benjamin Breuil et son vice président, Thomas Kuhm font figure d’exceptions : « On est les plus jeunes à gérer une APP dans la région. » Tandis que, dans la salle, les anciens prennent l'apéro, Thomas Kuhm vérifie la bonne tenue des préparatifs : « J’aime ce rôle. Cela représente énormément de temps et d’heures. Mais il fallait qu’on s’y intéresse pour que l’association se pérennise. » Quitte à mettre parfois la pêche de côté. Benjamin Breuil, va plus loin : «Il faut être impliqué à 200%. Pour moi, c’est comme une deuxième activité. » Et la charge de travail ne va pas s'allégeant. À côté d'eux, Dominique Furst, octogénaire au regard pétillant et cuistot du jour, prévient : « C’est la prochaine génération. C’est eux qui feront la marinade. » Et de désigner deux grands bacs métalliques remplis à ras-bord du mets tant attendu. Il en connaît la recette par cœur. Sans révéler ses petits secrets, il décrit les ingrédients utilisés : « Beaucoup de crème fraîche, de la moutarde à l’ancienne, du thym et du poivre. » La préparation doit mariner pendant une semaine et demie pour apporter au poisson tendresse et goût. 

Grand étang
Son poisson, Loïc le préfère « en papillote ou en barbecue. » A 16 ans, il est « venu en vélo d'Ostwald pour participer au concours de pêche à la truite. » Avec un certain succès : il finit de vider et de nettoyer les sept poissons pêchés pendant la matinée, et s'apprête à rentrer chez lui. Pas question de participer à la marinade. Ni de se sociabiliser avec les anciens. Bien de son temps, il compte partager les photos de sa pêche sur son compte Instagram (le_carpiste_67). 
« Quand ça veut pas, ça veut pas », soupire de son côté Julien Etienne, 32 ans, venu exprès pour le concours depuis Belval, dans les Vosges, à une centaine de kilomètres de là. Deux truites seulement ce matin : « C’est la fin de la saison de pêche, les poissons vont commencer à frayer – se reproduire. » Qu'à cela ne tienne, il compte bien se consoler avec la marinade : « Je suis venu avec un ami et je connais deux trois personnes ici. » 
Vers 14 heures et des poussières, Victor et Paulo sortent de l'apéro. Ils ne participent ni au concours ni au repas : ce sont plutôt des boulistes – Victor a été président pendant huit ans du club de pétanque de Cronenbourg. C'est là qu'il a rencontré René, membre actif de l'APP, et personnage haut en couleur : « Quand c'est la semaine où Annie et René tiennent le bar, c'est vraiment la folle ambiance. » Pour Paulo, c'est une première au club de pêche, mais, gagné par la bonne humeur générale autour de la buvette, il prévoit d'y retourner le dimanche suivant pour le tournoi de belote. 
Devant le chalet, Jacky, la moustache jaunie par le tabac, observe les pêcheurs du grand étang. Pour ce membre assidu de l'association « depuis plus de vingt ans », l'avenir du site est menacé. « Un jour, la ville reprendra le terrain et construira. Ce serait bien que ça dure encore quinze vingt ans. »

Difficile de se garer

Installé depuis 35 ans à Koenigshoffen, Pierre Creutzmeyer, gérant de Pierre Optique constate l’aménagement inadapté de la route des Romains. "Il n’y a plus de places de parking sur la rue et le peu qu’il reste, ce sont les résidents qui les occupent. "Les travaux du tram à l’entrée de la route des Romains n’arrangent en rien la situation. Une fois terminés, le problème du manque de places de parking restera le même. En effet, toutes celles qui se trouvaient du côté pair de la rue vont être supprimées.

"Vu qu’il n’y a plus de places, les clients ne peuvent plus se garer, alors ils vont ailleurs. De plus, rien n’est fait politiquement pour redynamiser cette route. Il n’y a même pas des toilettes publiques", s’insurge Pierre Creutzmeyer. Cette situation entraîne selon lui la baisse de la clientèle. Bien que sa boutique de lunettes soit installée au centre commercial Auchan doté d’un parking, Demange Pierril partage le constat de Pierre Creutzmeyer : "La principale difficulté de la route des Romains, c’est le parking car au fur et à mesure des travaux, des places de parking ont sauté, les gens ne peuvent plus se garer et forcément ils vont aller plus loin dans les grandes zones commerciales."

 

Un commerce qui ferme, un Kebab qui ouvre 

L’aménagement des commerces sur la route des Romains fait débat. Président de l’association des commerçants Les Enseignes de Koenigshoffen, Vincent Schiltzer déplore la rotation récurrente des commerces qui empêche la mise en place d’une dynamique commerciale.

"Beaucoup d’enseignes ouvrent et ferment une ou deux années plus tard, cela ne permet pas de construire des choses tous ensemble pour le quartier", regrette-t-il. Clément Schmitt, propriétaire de l’enseigne Micro-modèle, spécialisé dans les modèles réduits, pointe l'uniformisation des commerces : "Chaque commerce qui ferme est remplacé par un kebab, c’est à la mairie de limiter leur affluence." L'implantation d'un débit de tabac ou d’une pharmacie nécessitent l’obtention d’une licence et l’accord de la municipalité. Les restaurateurs ne sont quant à eux pas soumis à ces règlementations. De son côté, Laurent Ulgur, tenancier du kebab Lokanta nuance l’impact négatif de l’ouverture d’enseignes de restauration rapide : "Rien d’autre n’ouvre. Sans les kebabs, les locaux commerciaux seraient vides."

Réduction de chiffre d’affaires, perte de clientèle, manque de places de stationnement… Les travaux de l’extension du tramway sont source de mécontentements pour les gérants des commerces de la route des Romains.

Déclaré d’utilité publique par la préfecture, le projet prévoit une extension de la ligne F, qui va actuellement de la place d’Islande jusqu’à Elsau. Trois nouvelles stations seront créées : Porte Blanche sur le boulevard de Nancy, Porte des Romains au commencement de la route des Romains, et le terminus Comtes à l’intersection de la route des Romains et de l’allée des Comtes. Soit une extension d’1,7 kilomètre de ligne, dont un tronçon de 400 mètres à une seule voie entre les deux dernières stations.

Pages