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Derrière le comptoir, Claude Kök dynamique et volontaire, multiplie les va-et-vient entre la salle, les cuisines et le bar. Cette professionnelle de la restauration, d’abord implantée à Schiltigheim puis le long de la route des Romains, s’est installée  il y a onze ans dans la galerie d’Auchan. Et elle ne regrette pas : "Le niveau social était plus élevé à Schiltigheim, mais je retrouve ici l’ambiance village que j’aime tant."

La proximité avec la clientèle, voilà ce qui fait la différence pour cette alsacienne pur jus. Au P’Tit Jules, le tutoiement est de rigueur. "Je sais à l’avance ce que certains clients vont prendre et où ils vont s’asseoir !" dit-elle, sourire aux lèvres. Claude Kök connaît bien sa clientèle, et sait s’adapter à elle. "Ici, il faut être compréhensif, explique-t-elle, faire des efforts sur les prix car les gens n’ont pas beaucoup de ressources. Il faut aussi savoir faire confiance, s’arranger, notamment quand un client vous dit qu’il paiera le lendemain."

Pour autant, elle ne retrouve guère dans le quartier le lien social qui s’est tissé dans son commerce : "L’image sociale s’est dégradée, beaucoup sont en marge de la société et la Mairie ne fait rien de ce côté-là."

 


Mustafa Azimi a quitté Koenigshoffen, il y a trois semaines, pour s’installer dans un quartier proche de la gare.  La raison de ce départ est simple, les transports: "Je mettais une heure pour aller au travail et j’arrivais en retard à cause d’eux".

Ce jeune cuisinier devait emprunter le bus 4 jusqu’à Musée d’Art Moderne, puis la ligne 10. Il était contraint de prendre un abonnement CTS de 260 euros par an, sans compter les nombreux trajets en Uber le soir, lorsque le bus ne passait plus. Désormais, les quinze minutes à pied qui le séparent de son emploi lui permettent de gagner trois quarts d’heure de sommeil par nuit. "Dans un métier comme le mien où l’on finit parfois à 2 heures du matin pour reprendre à 9 heures, c’est considérable" souligne-t-il. Mustafa Azimi a bien essayé d’alléger cette contrainte en cherchant un emploi sur Koenigshoffen mais cela n’a pas porté ses fruits : "Pour nous cuisiniers, Koenigshoffen n’est pas un bon quartier pour travailler. Il n’y a pas d’offre."

Néanmoins, ce passionné des fourneaux, passé par l’Autriche, la Grèce ou encore l’Iran, aimait la vie à Koenigshoffen : "C’est un endroit calme et je trouvais tout à proximité." L’arrivée du tram est pour lui une bonne chose pour l’accessibilité de la zone. "Avec le tram, on sera à moins de quinze minutes du centre-ville, se réjouit-il. S’il était déjà là, je n’aurais jamais déménagé." Il envisage la possibilité de se réinstaller dans le quartier une fois les travaux terminés.

 


Au parc Gruber, voir le verre à moitié plein

13 novembre 2018

Au parc Gruber, voir le verre à moitié plein

Dans le parc d'activités de la route des Romains, les locaux de l'ancienne brasserie Gruber accueillent de nouveaux entrepreneurs. Ces derniers doivent jongler entre adaption aux nouvelles activités économiques et ...

 

Histoire de Strafor

En 1919, les Forges de Strasbourg sont créées à Koenigshoffen. Les produits de l’usine sont alors commercialisés sous la marque Strafo. Elle devient Strafor à partir de 1926. Au fil des années, Strafor s’agrandit et créée des filiales un peu partout dans le monde: au Maroc (1948), au Cameroun (1962), au Sénégal (1962), en Belgique (1963), etc.

A Strasbourg, les Forges possèdent deux usines, celle du Port du Rhin et celle de Koenigshoffen. Sur une surface de six hectares, Strafor Koenigshoffen se spécialise dans la fabrication de mobiliers, de rayonnages et de charpentes métalliques. Pendant la deuxième guerre mondiale, l’usine est réquisitionnée par l’armée allemande pour produire des armes. A la fin de la guerre, elle est totalement modernisée pour reprendre son activité initiale. En 1963, Strafor employait 2 868 ouvriers, dont une grande partie de pieds-noirs, d’immigrés algériens, marocains et portugais. Ces derniers sont recrutés directement dans leurs pays d’origine. A peine arrivés à Strasbourg, ils rejoignent les usines, valises en main, pour entamer leur nouveau travail. A cette époque, Strafor produit des équipements industriels, des cloisons et plafonds amovibles, mais est surtout célèbre pour son mobilier de bureau.
 

Aya Alkhiyari et Maxime Arnoult

 

Thierry Robert habite Brumath, à vingt kilomètres de Koenigshoffen. Depuis mai 2018, il est responsable de la communication aux Jardins de la Montagne-Verte, une structure qui aide à la réinsertion de personnes éloignées du monde du travail grâce à l’agriculture biologique. Avec 35 minutes de trajet chaque matin, il estime que "ce n’est pas énorme." Il a choisi le vélo et le TER pour se rendre à son travail : "Avec la voiture, je pourrais partir plus tôt mais je n’arriverais pas à la même heure. On a souvent 10, 15, 20 minutes de plus à cause des bouchons."

C’est pendant les vacances scolaires que ces trajets deviennent plus compliqués pour Thierry Robert. Quand il travaille, il doit déposer son fils de 10 ans dans des structures de garde d’enfants. "Je l’inscris au centre de loisirs de Brumath ou je lui propose les stages multi-sports de l’ASPTT à Koenigshoffen. Ça peut rapidement me coûter 100 euros par semaine."

A son arrivée, Thierry Robert a revu le site internet des Jardins. Bientôt, il prévoit d’y vendre des paniers de légumes saisonniers, dont deux-tiers sont produits par les Jardins. Pour le reste, "on essaye de se fournir dans le coin mais ce n’est pas toujours possible." Thierry Robert, qui s’occupe également de la négoce, inscrit cette démarche dans la responsabilité environnementale de l’entreprise. "Dès que je suis arrivé, on a choisi un hébergeur de site, en Suisse, qui est le seul en Europe à utiliser l’électricité verte pour ses serveurs informatiques." Il aimerait rendre son entreprise encore plus écologique, "mais c’est un problème de coût."

 


Dans le sillage de la gym douce

"L’ASPTT est une référence en matière de sport dit classique, on souhaite diversifier notre offre à l’instar de cette section Jeux et loisirs, affirme Denis Laurent. Cela nous permet de toucher un public plus âgé comme on le fait déjà avec la gym douce". La gymnastique douce est l’autre activité phare symbole du partenariat entre l’ASPTT et l’ANR. Lancé il y a trois ans, le créneau du lundi matin à 10h était initialement prévu pour accueillir seulement des retraités de l’ANR. Mais au fil du temps, plusieurs personnes âgées venues d’autres horizons se sont greffées à ce cours d’une heure environ.

Confinés dans l’étroite salle de gymnastique du centre sportif Ouest de Koenigshoffen, les quelque trente motivés tentent de suivre le rythme des mouvements de Pierre Fouchet, l’entraineur du jour. "On essaye ici d’entretenir le corps sans forcer, explique-t-il. Ce n’est pas un cours de performance. Le plus important c’est le plaisir, il faut que les gens s’amusent".

La cheminée rouge et blanche de la chaufferie des Hautepierre située à l’entrée du Parc des Forges tranche avec la modernité des autres bâtiments récemment construits. Une centaine de petites et moyennes entreprises spécialisées dans l’informatique, la logistique, la production se sont installées. 1200 employés travaillent ici. Cet ilôt économique en plein développement est la troisième zone économique derrière l’Espace Européen de l’Entreprise à Schiltigheim et le parc d’innovation d’Illkrich.

Le Parc des Forges est le parc le plus important détenu par l’entreprise Proudreed en France. Cette société britannique est spécialisé dans le foncier à vocation économique, elle possède des terrains qu’elle loue et adapte aux besoins des enteprises. Proudreed possède 3 millions de m2 en France pour un chiffre d’affaires de 140 millions d'euros.

La transformation du site date de 2005 lorsque l’Eurométropole décide de reconvertir cette ancienne terre industrielle en une zone d’attractivité économique. Entre 2005 et 2011, la mutation de ce territoire prend un nouveau départ avec l’acquisition par l’Eurométropole une partie des terrains dont ceux de l’entreprise Steelcase-Strafor et de son siège historique de Strafor entre 2005 et 2011. Durant cette période Chronopost et d’autres entreprises de logistique s’installent. L’autoroute qui longe la zone est un avantage de taille.

 

" Cela nous a donné un nouveau souffle "

 

Le développement économique s’accélère en 2011 avec la création d’un partenariat privé-public entre l’entreprise britannique Proudreed et l’Eurométropole, puis avec l’élaboration d’une zone franche urbaine. La société de production de meuble Clestra, entreprise historique du Parc des Forges en baisse d’activité, est vendue. " On a rasé tous les bâtiments pour en reconstruire des nouveaux ", explique Thomas Glatz, manager général de Proudreed Grand’Est. Un bâtiment clé en mains locatif de 5000 m2 est érigé à cette période, pour les archives des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg.

Première brasserie de Kœnigshoffen en arrivant du centre-ville, le Poilu est aussi l'un des principaux lieux de vie du quartier. Et l'un des plus anciens. Avant la Première Guerre mondiale, la maison du 23 route des Romains était déjà un estaminet. L'Alsace redevenue française, la brasserie fut rebaptisée du sobriquet des soldats de la Grande Guerre.
 
8h35, Journal et Amigo
Méhmet Akbalik, gérant du Poilu, profite du calme matinal pour écrire le plat du jour sur l'ardoise. Seul client, Didier Metz fait des allers-retours entre la borne « Française des jeux », où il tire ses grilles Amigo, et le comptoir où il sirote un verre de poiret – un alcool de poire.  Tout en surveillant sur l'écran les résultats du tirage, le retraité qui habite à 100 mètres se souvient : « Il y a 15 jours, j'ai gagné 600€. » Et précise : « Je coche les numéros au hasard, c'est un peu mon rituel du matin. Je viens ici aussi pour lire les pages sportives des DNA. »

11h38, Apéro
La salle se remplit un peu à l'approche du midi. Installée à une grande table ronde, Catherine Reith boit un picon en attendant un ami pour déjeuner. Habituée depuis trois ans, elle vient plusieurs fois par semaine pour le plat du jour, et a même fêté le nouvel an 2018 au Poilu : « On a dansé, c'était bien. On fait aussi les anniversaires, parfois, et tous les ans, le repas de Noël. C'est appréciable pour ceux qui n'ont pas de famille. » Son ami, Alfred Roesner, la rejoint et commande « un Noir » – comprendre : un picon. Autour de Catherine Reith, un petit salon se forme lorsque Ginette Zimmermann se joint à eux pour l'apéro, avec son mari. Ce dernier s'installe deux tables plus loin, dos au mur - « j'aime bien savoir qui est derrière moi », explique-t-il, l'œil malicieux.

13h48, Fin de déjeuner
Après un service tranquille – une vingtaine de couverts –, Méhmet et sa femme débarrassent la table d'Arnaud. Pour lui, qui travaille aux pompes funèbres à côté, le Poilu est « un peu comme la cantine : pratique et pas cher, avec la formule midi à 8€50. » Clémence et Jean-Luc, fraichement retraités à 66 et 62 ans, sont plus diserts : « Vous ne trouverez pas la même ambiance ailleurs. On connait tout le monde, c'est familial. » Pendant que Jean-Luc termine son verre de poiret, Clémence ajoute : « C’est le premier pion de Koennigshoffen et la dernière vraie brasserie du quartier. »
Au comptoir, Gallou, la quarantaine, tatouages apparents sur le cou, explique – enfin ! - la différence entre le poiret et la poire : « C'est comme pour le speed et la coke, le poiret, c'est moins raffiné.» 

17h37, rami turc et afterwork
Depuis deux ans, Israël et trois amis se retrouvent dans le coin des habitués – la grande table ronde – pour jouer au rami turc. Jeu de combinaisons, la manche se termine une fois qu'un joueur s'est défaussé de toutes ses cartes. Rires et plaisanteries rythment la partie. « C'est un plaisir de venir jouer aux cartes ici, on vient souvent, mais pas tous les jours non plus », confie Israël en sirotant un raki (une eau de vie turque aromatisée à l'anis.) 

18h23, after-work 
Encore une chanson de Mylène Farmer sur RFM. « Gégé », le « croquemort », enchaine les picon et les blagues de comptoir : « Tu vois la différence culturelle entre toi et moi, dit-il, goguenard, à une connaissance d'origine turque, toi tu parles de foot et tu bois du café, moi je parle de cul et je bois du picon. » 
« Un p'tit Irish » pour Méhmet, qui s'accorde un moment de loisir. Il forme soigneusement les étages (sucre de canne, whiskey, café, chantilly) de son remontant... avant de mélanger le tout : « je ne savais pas quoi boire et j'aime bien préparer des cocktails un peu compliqués », explique-t-il en sirotant sa boisson. 

18h47, Moment nostalgie
De l'autre côté du comptoir, Christian Kasmi, gérant du Poilu jusqu'en 1992, a le demi nostalgique : « À l'époque, il y avait au moins 10 bistrots d'ici jusqu'au pont du chemin de fer. A cette heure-là, le lieu était rempli d'ouvriers qui se payaient des tournées... » Il se souvient de « l'ambiance de pensionnaires. La grande table ronde, c'était le 'stammtisch', la table des habitués. Les anciens y buvaient du Rubis de France, un mélange de vins bon marché pour les bistrots. » Derrière son comptoir, Méhmet tient à préciser : «Pour moi aujourd'hui, le Poilu est une brasserie car on fait restaurant, même si on peut aussi juste boire un verre. » Résidant désormais à Cronenbourg, Chritian Kasmi revient toujours au Poilu, « pour l'ambiance », depuis que Méhmet a repris la gérance, il y a 5 ans. « Malgré ça, Kœnigshoffen a perdu de son âme, c'est devenu un dortoir. » 

19h25, retour des Zimmermann
De retour d'un enterrement, les époux Zimmermann reviennent s'en jeter un petit avant le diner. Tout en discutant en alsacien avec des amis, Ginette s'autorise un crémant d'Alsace – le champagne local. « C'est notre lieu de rendez-vous, parfois on fait les fous-fous », rigole-t-elle en agitant son verre. Avant d'ajouter, en désignant discrètement un vieux monsieur barbu à sa droite : « ici on s'entraide. Parfois on paie des tartes flambées. » Pour elle, c'est « le dernier bistrot de Kœnigshoffen qui a encore ce truc-là : la convivialité. »

"Une activité créée à la demande des retraités"

Les jeux, fournis par l’ASPTT, tout comme le créneau horaire, sont décidés sur sondage par les adhérents. Confirmation par Carmen Campion, la présidente de l’ANR Bas-Rhin : "C’est une activité créée à la demande des retraités, ils sont les seuls maîtres à bord". Le Scrabble et les jeux de cartes prédominent. Entre deux intenses parties de rami, Jean-Marie Merl exprime son désir de multiplier les activités : "On va bientôt introduire la belote et les échecs afin que tout le monde puisse y trouver son compte".

 

"Il y a tout ce qu'il faut pour vivre."

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