Accessible en longeant la rivière Muhlbach ou en empruntant la rue de la Rotlach, la Tour du Schloessel est désormais emblématique du PNU mais demeure méconnue. Car si l’on peut bien croiser des promeneurs dans les environs de la bâtisse, son usage reste flou pour bon nombre d’entre eux, à l’image de Dominique Riffaud. Bâtons de marche en main, la retraitée s’étonne : "Je sais que la tour est occupée, mais je n’ai aucune idée de ce qu’il s’y passe." C’est face à ce constat que le projet de Café associatif du Schloessel a vu le jour.
"Le but est de créer une communauté, de renforcer le lien social"
Anissa Gatluch est née à Koenigshoffen. Elle y a vécu toute sa vie et y vit encore avec sa famille. Après avoir travaillé pendant trois ans au Self’Coiff de Koenigshoffen en passant son diplôme, elle a intégré en août celui de l’Esplanade pour renforcer les effectifs. Le rythme est plus soutenu et elle connaît moins les clients du salon : "A Koenigshoffen, je connaissais la plupart des clients, je les croisais depuis l’enfance."
Son temps de trajet jusqu’à son travail a doublé et elle éprouve parfois des difficultés à stationner à l'Esplanade. Elle n’envisage cependant pas de prendre les transports en commun car elle mettrait encore plus de temps : "Le bus 4, c’est une catastrophe aux heures de pointe. Quand je travaillais à Koenigshoffen, je voyais beaucoup de gens déposer les personnes âgées en voiture car les transports en commun étaient trop longs pour eux. Ça démotive beaucoup de personnes de les prendre." Elle estime que l’arrivée prochaine du tramway est une bonne chose pour la dynamique du quartier et sa visibilité car "souvent les gens ne connaissent pas Koenigshoffen. Hautepierre ou Montagne-Verte sont plus identifiés."
Anissa Gatluch reste très attachée à son quartier : "J’aime bien Koenigshoffen, ça vit tout en étant calme. Il y a un esprit village qui est très agréable. On a des magasins, le centre commercial de Hautepierre à proximité. Après c’est vrai qu’en dehors de la route des Romains, on est un peu limité."
Fabien Albert, Judith Barbe, Hugo Bossard et Victor Boutonnat
Dorénavant les conditions de vie sont bonnes, "sauf l’été où il faut deux ventilateurs " s’amuse-t-il. Hormis les nuisances sonores liées aux trains de marchandises, le foyer est plutôt calme. Le sexagénaire a peu de contact avec les autres résidents : "Les différentes communautés restent entre elles et les anciens ont un caractère un peu spécial, c’est une autre mentalité".
En revanche, Jean-Paul le concierge, est connu de tout le monde. Courant d’une chambre à l’autre, il s’arrête pour réparer la porte de Rachid qui ferme mal. Les deux hommes s’entendent très bien et se retrouvent régulièrement pour parler de football et partager un thé à la menthe, préparé quotidiennement par Rachid. Aujourd’hui, l’homme est heureux en France. "J’aime ce pays. Mes enfants y ont grandi et y vivent encore. Je suis à l’aise ici", souligne-t-il. Le quartier de Koenigshoffen, qu’il compare à Barbès, lui convient : "Tu as des restaurants turcs partout, tu peux y manger jusqu’à 2h du matin. Idem pour les épiceries qui sont ouvertes la nuit. Ça me permet d’aller acheter des cigarettes lorsqu’il est tard". Toutefois, Rachid espère quitter le foyer dans les deux ans : "Ici, c’est seulement pour dépanner."
Inaugurées cette année pour reloger les résidents avant le début du chantier, ces nouvelles constructions portent la capacité d’accueil à 271 studios, tous meublés. Des espaces de vie beaucoup plus fonctionnels de 15 à 25 mètres carrés incluant un espace cuisine, une salle de bain et des toilettes personnelles. Coût estimé de l’opération : près de 11 millions d’euros.
Un foyer plutôt calme
D’origine marocaine, Rachid, 64 ans, a connu les deux. Cet ancien chauffeur de taxi et footballeur est arrivé en France il y a 38 ans. "C’était mon rêve. Plus jeune, je voyais les gens en revenir avec les Peugeot 404, les pantalons pattes d’eph’ et les cheveux longs. Je me suis dit "c’est le paradis", se souvient-il. A l’époque, il n’y avait pas besoin de visa, Mitterrand donnait des papiers à tout le monde." Le rêve est d’abord devenu réalité pour Rachid qui a fondé une famille et s’est installé à Strasbourg. Mais tout s’est effondré en 2014. Suite à son divorce, Rachid quitte son HLM, se retrouve sans domicile et dort dans un local à vélos. Son seul recours : le foyer.
Le foyer pour travailleurs migrants, créé en 1970 a connu de nombreuses réfections. Après la construction de 2 bâtiments neufs inaugurés cet été, l’établissement achèvera sa transformation en résidence sociale d’ici fin 2019.
Les bennes se remplissent de gravats. Les ouvriers s’affairent et les consignes fusent. Le foyer pour travailleurs migrants géré par Adoma, rue des Petites-Fermes, poursuit sa mue en résidence sociale. Les travaux qui comprennent un désamiantage doivent s’achever au troisième trimestre de l’année 2019. Les anciens bâtiments, en cours de rénovation, comportaient des chambres d’une dizaine de mètres carrés avec douches et cuisines communes. "Une cellule", se souvient un habitant, qui souligne le confort des nouvelles habitations.