19 octobre 2012
Pour la première fois, la caserne du centre de secours nord de la Robertsau s'apprête à intégrer en 2013 des sapeurs-pompiers volontaires à son équipe. Des travaux d'agrandissement des dortoirs débuteront en novembre, mais cette nouvelle "mixité" continue de susciter des interrogations dans les rangs.
Les pompiers pros font au minimum deux heures de sport par jour de travail, les volontaires feront de même (crédits : CUEJ / AC)
Mêmes compétences, mêmes prises de risque, et bientôt mêmes dortoirs. Le 1er janvier 2013, à moins que ce ne soit retardé au 1er juillet, des sapeurs-pompiers volontaires côtoieront les professionnels de la caserne du centre de secours nord de la Robertsau dans leurs locaux. Dans le jargon, cette intégration, c'est "la mixité" des casernes. Elle permettra avant tout de renforcer les effectifs, qui resteront à 95% professionnels.
Chaque jour, trois ou quatre volontaires travailleront par cycle de 24 heures auprès des professionnels, qui viennent eux-mêmes à la caserne de 7h45 à 7h45 le jour d'après, avant d'enchaîner sur 48 heures de repos. Les volontaires seront ainsi logés à la même enseigne que les autres, au lieu d'être de garde dans des casernes réservées ou d'être d'astreinte chez eux. Ils viendront compléter une équipe de plus de 90 pros, qui se relayent de façon à être toujours une vingtaine dans les locaux.
Acceptation ou rejet de la greffe
Et grâce à cette prochaine mixité, la taille de la garnison deviendra suffisante pour l'utilisation d'une deuxième ambulance de couleur rouge. Il faut dire que "dans un secteur très urbain, ce n'est pas trop : le secours aux victimes constitue la majeure partie de nos interventions", indique le lieutenant Bertin, du centre de secours nord. Ce nouveau Véhicule de secours et d'assistance aux victimes (VSAV) arrivera dès que les volontaires s'installeront.
Le lieutenant Bertin, qui dirige la caserne nord, a d'abord été volontaire avant de passer professionnel. (crédits : CUEJ / AC)
Au niveau national, ces derniers représentent 85% de l'ensemble des pompiers. La fréquentation des équipes qui en font leur métier pourrait favoriser les vocations vers la professionnalisation. C'est en tout cas ce qu'espère le lieutenant Bertin, très favorable à ce projet. Et pour cause, il a lui-même été volontaire pendant des années avant de préférer devenir professionnel plutôt que professeur de sport. Quant aux profils retenus, "les conditions de travail, qui deviendront de fait les mêmes que celles des professionnels feront que seuls les plus motivés postuleront, ceux qui peuvent s'impliquer le plus", commente-t-il.
Malgré l'enthousiasme de certains, le sujet serait "complexe et sensible" pour le capitaine Ernenwein, qui ne souhaite pas en parler par téléphone. Car tous les pompiers professionnels ne voient pas d'un bon œil cette introduction – presque une intrusion pour les plus farouches – du monde volontaire sur leur lieu de vie. Concurrence, corporatisme, voire dédain, beaucoup s'étaient crispés à l'idée en avril dernier. "Des confrontations de mentalités", juge le lieutenant Bertin, qui embraye : "Nous avons pour l'instant de bons échos du centre de secours sud, où la mixité des équipes est effective depuis le 1er juillet 2012."
L'exemple du sud
Les pompiers du nord de la CUS scrutent en effet l'exemple de leurs confrères du sud, qui viennent d'introduire des volontaires dans leur centre professionnel. Ils attendront les comptes-rendus des méridionaux pour choisir de se lancer, en janvier si tout va bien, en juillet au plus tard.
Malgré cette grande prudence affichée, les sapeurs ne reculeront pas. Des travaux d'aménagements commenceront dès novembre à la caserne, qu'il va falloir agrandir pour trois (ou quatre) nouveaux lits. Ils devraient finir en décembre. Reste à savoir comment les volontaires, plus bleus que bleus dans ce contexte, seront accueillis par leurs pairs. "Des précautions ont été prises pour qu'un volontaire qui entre ici ne puisse pas commander un pro : ils seront toujours parmi les moins gradés des équipes", assure Vincent, un caporal de 29 ans. L'accueil – sans bizutage, promet-on – risque d'être frais.
Anna Cuxac