09 mai 2025
Alors que Donald Trump menace plus que jamais l’économie européenne, les eurodéputés cherchent la juste manière de réagir. Entre solutions à court et long terme, le Parlement envisage tous les scénarios pour parer à l’imprévisibilité du président américain.
Malgré la suspension de Donald Trump, des droits de douane de 10 % restent encore appliqués en Europe. © Esther Dabert
“Nous ne pouvons pas être faibles. Il faut défendre le modèle européen sans céder au chantage de Trump” : les mots de la présidente du groupe des Socialistes et Démocrates (S&D) Iratxe Garcia Perez sont fermes, à l’image de la position des eurodéputés pendant les débats de ce mardi 6 mai. Le Parlement s’est félicité de la suspension pendant 90 jours des droits de douane imposés par les Etats-Unis à la plupart de ses partenaires commerciaux, dont l'Union européenne. Ces taxes additionnelles de 20 % appliquées par la puissance américaine sur les produits importés depuis le Vieux continent avaient provoqué la colère des Européens. Ils avaient alors décidé à leur tour d’une salve de contre-mesures d’un total de 26 milliards de dollars. Ils l’ont suspendue quand Trump a déposé les armes.
Mais l’imprévisibilité du dirigeant suscite l’inquiétude des parlementaires et la bataille est loin d’être gagnée. En atteste le maintien des taxes appliquées à l’acier et l’aluminium par le président américain ou encore sa récente annonce de la taxation à 100 % des films étrangers.
Répondre à l’agression
La majorité des eurodéputés appelle à l’ouverture de négociations sur les droits de douane. Lors de l’introduction de taxes douanières par Donald Trump en 2018, l’Union avait réussi à calmer les tensions en concluant un accord avec l’administration américaine sur le soja. Eric Maurice, analyste politique pour l’European Policy Center, émet quelques hypothèses sur ces futures négociations : “Ça pourrait passer par des concessions sur l'achat de plus de gaz liquéfié américain ou par la proposition d’établir zéro droits de douane sur tous les échanges commerciaux industriels”. Ce que la gauche nuance. “Nous devons négocier, mais pas à n'importe quel prix”, prévient Kathleen Van Brempt, députée S&D. Le groupe insiste sur l’importance de préserver les valeurs européennes et de protéger l’État de droit.
Mais certains ne veulent même plus négocier. Pour les députés de l’extrême-gauche, cette méthode ne pourrait aboutir et entraînerait de nouvelles contre-mesures qui feraient de toute façon croître les tensions transatlantiques. Ils appellent à faire immédiatement pression sur les États-Unis, en taxant notamment “les géants de la tech” pour empêcher l’enrichissement de milliardaires comme Elon Musk.
Mieux protéger les entreprises européennes
Ces annonces de Donald Trump ont également été révélatrices de l’ampleur de la dépendance européenne vis-à-vis des États-Unis. Aussi, la plupart des eurodéputés ont exprimé leur volonté de s’en émanciper, notamment par le biais d’un renforcement de la protection des entreprises européennes. Selon la présidente du groupe S&D, Iratxe Garcia Perez, cette politique économique pourrait passer par l’exclusion des Américains des appels d'offres européens.
De son côté, outre une augmentation des investissements dans les secteurs industriels et technologiques, l’extrême droite prône un allègement des normes écologiques du Pacte vert, qui entraveraient selon elles les entreprises du continent. Les députés espèrent ainsi inciter les entreprises à rester ou à s’implanter en Europe.
Autre solution évoquée dans l’hémicycle : l’ouverture à de nouveaux partenaires internationaux. Le Commissaire européen au Commerce et à la Sécurité économique Maroš Šefčovič a notamment appelé au développement de partenariats avec l’Inde, le Mexique ou encore la Chine. Ce qui n’est pas du goût de Manon Aubry, la présidente du groupe d’extrême-gauche The Left, qui ironise : “On vient de se prendre une baffe et vous tendez l'autre joue”. Son groupe dénonce l’échec du libre-échange, symbolisé par la guerre commerciale amorcée par Donald Trump.
Esther Dabert et Lucie Porquet
L’acier : un enjeu de l’indépendance européenne
Si le président américain a suspendu certains droits de douane imposés aux Européens, ce n’est pas le cas de l’acier, toujours taxé à 25 %. Une décision qui n’arrange pas la situation de l’industrie sidérurgique européenne en proie à de sérieuses difficultés liées notamment à la prédominance de concurrents comme la Chine sur le marché du Vieux continent. En témoigne le géant ArcelorMittal qui a annoncé la suppression de plus de 600 postes dans le Nord de la France. Pour soutenir les producteurs, indispensables à certains secteurs clés comme l’armement, plusieurs groupes dont les Socialistes et Démocrates (S&D, gauche) prônent l’instauration de “taxes provisoires à l’entrée de l’UE”. De quoi limiter la “situation de dépendance [de l’Europe] vis-à-vis de la Chine”, affirme le député socialiste, Raphaël Glucksmann.