09 mai 2025
Poussés par le PPE (Parti populaire européen, droite), les eurodéputés ont voté le déclassement du statut du loup. Une victoire politique. Les opposants dénoncent l’autorisation de tuer l'animal et le risque de déclassement d’autres espèces strictement protégées.
C’est la première fois qu’une espèce voit son statut de protection affaibli ainsi en Europe. À 371 pour, 162 contre et 37 abstentions, le Parlement européen a voté jeudi le déclassement de ce grand prédateur d’espèce “strictement protégée" à “protégée”. Les États membres peuvent désormais autoriser sa capture ou son abattage dans des cas spécifiques, tels que la protection du bétail ou la régulation des populations locales. Auparavant, toute capture ou mise à mort était interdite, sauf dérogation exceptionnelle.
Une décision aberrante pour les associations environnementales. “L’impact global du loup sur le bétail reste faible. [...] Nous dénonçons une décision motivée par des considérations politiques, au détriment d’objectifs scientifiques de conservation” s’insurge l’association Natagora, active en Wallonie.
Le Parlement européen a voté le jeudi 8 mai le déclassement du statut de protection du loup, qui passe d'espèce "strictement protégée" à "protégée". © Marius Laffont, Anouk Seveno
Longtemps décimé, le loup a recolonisé l’Europe à la fin des années 1970, à partir des populations résiduelles dans les massifs montagneux. Il bénéficiait depuis 1982 du statut de protection le plus strict, inscrit dans la Convention de Berne relative à la conservation du milieu naturel de l'Europe. C’est ce statut très protecteur, transposé dans la directive européenne “Habitats” en 1992, que les eurodéputés ont modifié lors du vote de jeudi.
Une victoire politique du PPE
Derrière ce scrutin, c’est une victoire politique pour les conservateurs du Parti populaire européen (PPE, droite) qui s’est jouée ce jeudi à Strasbourg. Le groupe parlementaire défend depuis plusieurs années le déclassement du statut de protection du loup. En 2023, les choses se sont accélérées lorsque la présidente de la Commission européenne et membre du PPE Ursula Von Der Leyen s’est emparée du sujet. C’est sous son impulsion que la Commission a initié la proposition de révision de la protection du loup au sein de la Convention de Berne. Une initiative fructueuse qui s’est soldée en décembre 2024 par une modification de ce traité international.
En obtenant une majorité en faveur du déclassement du statut du loup au Parlement européen, les conservateurs poursuivent une stratégie politique en portant la voix des éleveurs, pour qui le loup représente une menace. “Plus de 160 000 animaux sont attaqués par des loups chaque année, c’est un vote de bon sens pour l’avenir des espaces ruraux en Europe”, explique la députée espagnole du PPE Esther Herranz García. Cette victoire permet au PPE d’afficher sa position sur les sujets agricoles, dans une dynamique de remise en cause des avancées écologiques. Dans un hémicycle plus à droite que la précédente législature, l’écologie est la cible du PPE et des partis d’extrême droite. Une ambition affirmée récemment avec le détricotage du Pacte Vert européen, qui planifie la transition écologique de l’UE. La victoire politique du PPE est d’autant plus importante que le parti a réussi à convaincre, à la suite de négociations, une partie du groupe Socialistes et Démocrates (S&D, gauche) de voter en faveur du texte.
Les Verts et The Left, unis contre le texte
À gauche de l'hémicycle, les Verts et l’extrême-gauche ont exprimé unanimement leur désaccord en votant contre le texte. “Comment peut-on signer dans les COP biodiversité des lois de restauration de la nature et soutenir le déclassement du loup ? Il y a pour moi une incohérence des lois européennes”, explique Tilly Metz, députée écologiste.
Des inquiétudes émergent quant à un éventuel effet boule de neige. Pour l’extrême gauche et les écologistes, modifier la directive “Habitats” pour changer le statut de protection du loup pourrait remettre en cause la protection des autres espèces. “On ouvre la boîte de Pandore aux déclassements d’autres espèces, comme le lynx ou encore l’ours”, affirme Emma Fourreau, députée The Left (extrême gauche). Elle indique, comme le groupe des Verts (écologistes), penser à d’éventuelles voies de recours juridiques.
Marius Laffont et Anouk Seveno