17 octobre 2018
Un magasin de 220m2, trois emplois et un renouveau pour le quartier du Port du Rhin. C’est ce que promet d’apporter, le 28 novembre prochain, l’ouverture d’un Carrefour Express, rue de l'Abbé François-Xavier-Scherer. L’entreprise relève le défi de s’installer dans ce quartier où les commerces de proximité peinent à s’implanter durablement.
« Il n’y a rien au Port du Rhin, aucun magasin alimentaire, résume Vincent Richart, futur gérant du Carrefour Express, quand on voit la densité de population, c’est dommage. » C’est pour répondre à l’expansion du quartier, dont la population a augmenté de 25% depuis 2009, mais aussi pour «créer un lieu de vie», que Carrefour a décidé d’ouvrir son magasin. Installé entre la Poste et le Crédit Mutuel, à deux pas du tram, le commerce proposera avant tout des produits alimentaires. « Il n’y aura que très peu de produits d’hygiène, ce sera surtout du dépannage », explique Vincent Richart.
Face à la concurrence des grandes surfaces allemandes, à une station de tram de là, l’enseigne adapte son offre. « Dans les magasins allemands, les produits alimentaires ne sont pas forcément donnés, la France a la chance d’avoir une force agricole, on va donc être capables de tirer notre épingle du jeu », note le futur gérant. « Les gens ne viendront pas acheter un gros panier de courses, mais le lait qu’ils ont oublié pour faire des crêpes à leurs enfants. »
Si 70% des habitants du quartier vivent des minima sociaux, la question du prix des produits ne l’inquiète pas : « Je m’adapterai aux clients. Si par exemple je me rends compte que le riz Lustucru ne marche pas, je proposerai du riz premier prix. »
À une rue de là, de l’autre côté du tram, dans l’épicerie historique du quartier, Chez Abdel, on ne partage pas l’enthousiasme du gérant. Abderrahim Hallous, habitant du Port du Rhin, explique derrière son comptoir : « Je sais qu’ils ont fait leur étude de marché, mais ils ne connaissent pas le quartier. » Autour de ce magasin ouvert depuis 38 ans, tous les commerces de proximité ont fermé. Pour lui, qui a passé toute sa vie dans le quartier, l’explication est simple : « Les gens au début du mois vont acheter un certain volume en Allemagne, cela leur tient dix jours, après ils viennent chez nous, et à partir du 25, on leur fait crédit. C’est ça qui fait la différence, cela leur donne envie de revenir. »
L'épicerie Chez Abdel est le seul commerce encore présent dans le quartier. ©Tifenn Clinkemaillié
Un quartier en manque de commerces
L’implantation de Carrefour au Port du Rhin pourrait pourtant soulager les employés de Chez Abdel, qui seuls font face à la demande alimentaire de la zone. « On a une vraie masse de travail depuis que le quartier s’est agrandi », souligne Aderrahim Hallous. « Avant, c’était pépère. » Cette surcharge salariale est aussi due à la disparation progressive des commerces des alentours. Marie-Pia Meyer, gérante de Au Port’Unes, une entreprise d’insertion dans le quartier, regrette l'époque où ce dernier était plus animé: « Avant, il y avait deux boulangeries, deux boucheries et un coiffeur. » Même son de cloche Chez Abdel : « Quand on va dans un commerce qui rassemble tout, c’est par obligation. Quand on est jeune, on ne fait pas attention à ce qu’il y a dans le quartier, en grandissant on se rend compte qu’il manque des choses. »
Face à ce constat, Au Port’Unes, décide en 1999, de créer un commerce de proximité, la Com’Au Rhin, «à la demande de Jean-Claude Petitmange, adjoint au maire de l’époque», se souvient Marie-Pia Meyer. Gérante du magasin aujourd’hui fermé, elle raconte : « L’objectif a toujours été de faire de lien social. » La volonté est là, mais l’histoire du magasin va se ponctuer de fermetures, d’incivilités et de vols.
« On a essayé un tas de trucs », résume Marie-Pia Meyer. « Ce magasin n’a jamais été rentable, ni même équilibré dans les comptes. » Après 18 ans de présence au Port du Rhin, la Com’Au Rhin ferme définitivement ses portes en mai 2017. La date de fin de son engagement avec le Fonds social européen (FSE) devait correspondre avec l’arrivée du tram dans le quartier et d’un nouveau commerce de proximité, mais « le Carrefour a mis un peu plus de temps ».
Un Carrefour Express loin de faire l’unanimité
Toujours gérante d’Au Port’Unes, Marie-Pia Meyer reste toutefois pessimiste face à l’implantation du nouveau magasin : « Le Carrefour ne marchera pas. Ils visent une autre clientèle que celle du quartier historique, une clientèle active, les tarifs seront élevés. » Abderrahim Hallous n’est pas plus enthousiaste. Selon lui, la demande n’est pas assez élevée pour que l’enseigne rentre dans ses frais. Autre problématique qui pourrait empêcher le magasin de fonctionner, selon Marie-Pia Meyer : le manque de places pour se garer. Un avis qui n’est pas partagé par Vincent Richart : « En se basant sur la clientèle à 5 minutes à pied du magasin, il sera viable. »
Tifenn Clinkemaillié et Corentin Parbaud