26 septembre 2014
Inauguré en février 2013, le service de placement transfrontalier de Kehl fait office de passerelle entre les demandeurs d'emplois et les entreprises des deux pays. Et de nombreux français tentent leur chance, en dépit des difficultés.
A Kehl, l'Agentur für Arbeit, le Pôle Emploi allemand, abrite dans ses locaux le service de placement transfrontalier. Photo M. I
Le Service de placement transfrontalier de Kehl, hébergé dans les locaux du Bundesagentur für Arbeit, le Pôle Emploi allemand, est devenu en un an et demi le passage obligé pour les chômeurs français désireux de s'établir en Allemagne. Si le service s'adresse aux Français comme aux Allemands, ces premiers sont très largement majoritaires : « 95% des candidats sont des Français ou des résidents français qui souhaitent travailler en Allemagne ». Selon elle, ce n'est pas étonnant : « Dans la région de l'Ortenau (arrière-pays de Kehl), seulement 4% des gens sont au chômage, contre 10 % en Alsace ».
Anne François, coordinatrice du service transfrontalier. Photo Anika Maldacker
Des demandeurs d'emploi mieux encadrés qu'en France
Quatre conseillers, deux Français et deux Allemands, encadrent les 500 candidats à l'embauche qui défilent chaque année. « Pour 2014, le but est de placer 100 demandeurs d'emploi sur le marché du travail. Nous en sommes déjà à 75, l'objectif devrait donc être atteint pour cette année », se réjouit Anne François.
Kassem, 29 ans en recherche d'emploi dans la région, évoque « l'efficacité » de la structure transfrontalière : « Ma conseillère m'appelle quatre ou cinq fois par mois. J'ai cherché à Strasbourg pendant près d'un an. J'ai des diplômes et de l'expérience mais pendant 9 ou 10 mois, le Pôle Emploi ne m'a envoyé aucune offre. Le mode de fonctionnement est bien plus efficace ici, on m'aide au maximum alors qu'en France, rien. »
Mais pour Anne François, il est difficile de renvoyer les deux structures dos à dos. Avant de venir à Kehl, elle a longtemps travaillé à Pôle Emploi en France. « Kehl, c'est un service privilégié, le nombre de candidat est réduit. On a plus d'efficacité car les chiffres ne sont pas les mêmes. Mon portefeuille de suivi est de 40 personnes et mes collègues en ont une grosse centaine chacune. A Strasbourg en revanche, les conseillers doivent orienter 250 personnes en moyenne, gèrent l'accueil et effectuent des journées d'information aux demandeurs d'emplois. Le travail est incomparable. »
Maîtriser l'allemand : compétence incontournable
A l'image du reste de l'Allemagne, le district de l'Ortenau est en recherche incessante de main d'oeuvre. « Les secteurs les plus porteurs sont le bâtiment, l'industrie, les transports et la logistique. Dans ces domaines-là, on a de bonnes chances de retrouver un emploi. En revanche, un bon niveau d'allemand sera demandé même si les compétences et les qualifications sont suffisantes. Un manutentionnaire devra pourvoir communiquer avec ses collègues, un cadre lire un contrat », précise Anne François.
La maîtrise de la langue allemande est un obstacle pour beaucoup de francophones qui tentent leur chance de ce côté du Rhin. Et ils sont nombreux à se casser les dents dès l'entretien avec la conseillère. Leur niveau, qu'ils croyaient bon, s'avère insuffisant. Hugues, 47 ans, en a fait l'expérience : « C'est mon premier rendez-vous et visiblement, il faut que je me remette à l'allemand. Mon niveau est un peu limite pour ce qui est demandé sur le marché de l'emploi. »
Les Allemands se méfient du CAP
L'autre difficulté qu'ont les travailleurs français désirant s'établir en Allemagne est la réticence des employeurs à reconnaître les diplômes français. Les Allemands sont très attachés à la formation de leurs apprentis qui dure trois ans. Or, en France, les titulaires du CAP ne sont formés que pendant deux ans. Cette divergence soulève un problème de légitimité et de compétence outre-rhin.
« C'est ancré dans la mentalité allemande, ici, on forme les apprentis qui montent au sein de l'entreprise. C'est pas comme cela en France et les employeurs allemands sont méfiants à ce propos », détaille Anne François. Pour tenter de surmonter ces difficultés, le Service transfrontalier finance depuis peu au candidat un programme d'alternance en entreprise et en centre de formation pendant un an.
Mark Ionesco et Anita Maldacker